Publié le 3 Sep 2023 - 11:34
À LA DÉCOUVERTE DE SEYDINA ASSANE SALAM (1912-1993)

Le fils spirituel de Serigne Touba

 

Seydina Assane Salam est l’un des érudits du Sénégal. Installé à Diourbel vers les années 1956, il se définissait comme le fils spirituel de Serigne Touba. Dans cet entretien, Adama Salam, son fils cadet, chercheur et membre de la communication de la famille de feu Seydina Salam, nous raconte son père, sa mission, ses relations avec le fondateur du mouridisme, les fils de Bamba et Mame Cheikh Ibrahima Fall… Morceaux choisis.

 

Parlez-nous un peu de sa naissance et de son cursus scolaire ?

Il a vu le jour en 1912, à Mbambou, situé à quelques kilomètres de Diourbel. Il a quitté ce bas monde en 1993. Dans le mois lunaire wolof, il est né le 18 du mois de gamou qui coïncidait avec un lundi matin et sa mort le 25e jour du gamou et un lundi à l’aube aussi. Si on fait une analyse mystique, on peut dire que toute sa vie se résume en une semaine, autrement dit, du 18 au 25e jour du mois de gamou.

Comment était-il ? Que pouvez-vous nous dire sur sa dimension spirituelle ?

Il était un illettré, comme ce fut le cas pour le Prophète Mouhamed (PSL). Il avait l’habitude de dire que tout ce qu’il avait comme connaissances provenait d’Allah (SWT). Il disait aussi, côté ‘’baatine’’, que c’est Seydina Khoudar qui l’abreuvait. Avec de telles connaissances, il pouvait tout voir chez les humains, mais aussi sur la terre. Sur chaque personne qui se présentait devant lui, il pouvait dire beaucoup de choses. Autrement, si elle allait vivre longtemps sur terre ou le contraire. Il avait la capacité de voir les ‘’blasphèmes’’ de la personne qui se trouvait devant lui juste à travers une bouteille. Khoudar était une personne très mystique. Il dépassait de loin le prophète Moussa. Et c’est ce savoir-là que Serigne Salam disait avoir hérité.

À son époque, Serigne Salam était une personne impressionnante en termes de savoir et de connaissance. Il n’a pas fait l’école, mais Allah (SWT) l’a abreuvé de savoirs et de connaissances en passant par Khoudar. Il a aussi dit qu’il avait ce savoir avant de naître.

Quelles étaient ses relations avec Serigne Touba ? 

Il était le fils spirituel de Serigne Touba. Il disait souvent qu’il était ‘’l’échantillon de Serigne Touba. Toute personne qui m’a vu, peut considérer qu’il a vu Cheikhoul Khadim’’. Quand on lui posait la question de savoir : c’est quoi un échantillon ? Il soutenait qu’un échantillon, c’est une partie de la marchandise qu’on exposait pour mieux vendre le reste du produit. Serigne Touba occupait une grande partie de sa vie. Il montrait souvent la valeur de ce saint homme. À cause de lui, beaucoup de personnes qui n’étaient pas des mourides ont connu le Cheikh et sa dimension spirituelle. Il avait l’habitude de dire qu’il a vu le Cheikh, alors que Serigne Touba avait déjà quitté ce bas monde. C’était des visites qui entraient dans l’ordre du spirituel. De son vivant aussi, ils se sont vus. Serigne Touba lui faisait des cadeaux.

Il avait aussi des relations privilégiées avec ses fils. Il a connu en premier lieu Mouhamadou Lamine Bara Mbacké. Il a dit que ce dernier lui avait offert quatre chevaux de race. Si c’était aujourd’hui, on allait parler de 8x8. Il a expliqué que c’est à la suite de quatre rencontres qu’ils ont eues dans quatre différents villages. À chaque fois, il lui a offert un cheval pour continuer son trajet. C’était une relation sincère entre les deux.

Il avait aussi des relations avec Serigne Fallou Mbacké (deuxième khalife de Bamba). La première fois qu’ils se sont vus, il lui a rendu un vibrant hommage. Il avait écrit par la suite une lettre pour demander à un de ses bras droits d’offrir à Serigne Assane Salam l’espace qu’il veut occuper à Diourbel. Il a choisi cet endroit où il habite à Ndiarème. Serigne Cheikh Sarr, à qui Serigne Fallou avait donné l’injonction, est venu sur les lieux pour tout enlever et y construire une maison digne de son nom, à l’époque.

L’année qui a suivi, Serigne Fallou est venu pour y construire un bâtiment. L’année suivante, il est venu lui demander d’effectuer un pèlerinage pour Serigne Touba. Ce que je vous dis est la vérité. Et cela montre que les deux avaient de relations sincères. C’est Serigne Fallou qui l’a convaincu de quitter Khombole et de rejoindre Ndiarème. C’était vers les années 1956-1957. Il avait de bonnes relations avec tous les fils de Bamba. Mais c’est avec ces deux que les relations étaient les plus poussées.

Avec Mame Cheikh Ibrahima Fall aussi, les relations étaient au beau fixe. Tout jeune, ils se sont croisés et Cheikh Ibra lui avait dit : ‘’Est-ce que vous savez qui vous êtes ? Vous êtes comme un arbre dont tout est serviable : fruits, racines comme feuilles. C’est la raison pour laquelle je voudrais que vous quittiez la forêt pour rejoindre les villages et les aider avec votre connaissance.’’ Il n’avait rien répondu, car à l’époque, il ne parlait pas beaucoup. C’est l’une des raisons pour lesquelles Serigne Fallou l’a convaincu de rejoindre Ndiarème et aider les habitants. Beaucoup de témoignages dans ce sens ont été faits sur lui.

Un disciple de Serigne Touba, du nom de Serigne Ngouda Kane, a affirmé : ‘’Cheikh Ibrahima Fall m’a dit que Serigne Assane était venu pour une mission, mais il n’a pas voulu en parler, car il a trouvé Serigne Touba sur terre et qui faisait la même chose.’’ Ceci veut dire que c’est clair qu’il était venu pour une mission bien définie. Il avait de bonnes relations avec la famille de Serigne Touba, mais aussi de Mame Cheikh Ibrahima Fall. 

Qu’a-t-il légué à la communauté mouride et aux disciples ?

Il avait la mission de répandre l’islam. Il perpétuait aussi l’œuvre de Serigne Touba. Sa mission dans la religion musulmane ne saurait sortir de que ce Serigne Touba faisait. Tout ce que Serigne Touba faisait et qui était sur le point de disparaître, il se tuait à le sauver. Il était dans ça. Il avait le ‘’baatine’’ de Serigne Touba, Mouhamed (PSL) et Allah (SWT). Chaque fois qu’un talibé faisait une chose qui allait à l’encontre des directives de Serigne Touba, il le ramenait dans le droit chemin. Il se déplaçait personnellement pour régler ce genre de situation. Il le faisait sur ordre d’Allah (SWT). Il n’hésitait pas à le faire à chaque fois que de besoin.

Il œuvrait aussi pour l’unité des musulmans. Il n’avait pas de barrière dans les différentes familles religieuses. Il a dit qu’il fait partie des 124 000 prophètes. Il avait la dimension d’un prophète. Il a beaucoup écrit. Il a été envoyé chez les musulmans pour parler avec tout le monde. Il a aussi dit que Dieu l’a doté d’un savoir qu’on ne voit pas dans les livres. Ses connaissances venaient directement d’Allah (SWT). Pour conclure, il a dit qu’il n’a pas voulu dire qui il est, car il n’est pas venu pour prêcher comme ce fut le cas chez les prophètes.

Comment il vivait à l’époque ?

Il était une personne humble, très modeste, malgré tout le savoir qu’il avait. Il était une personne calme. C’est la raison pour laquelle il était ami avec tous ses enfants. Il était méconnu de ses voisins. Les gens qui pensaient du mal de lui, changeaient automatiquement, quand ils le croisaient, vu la façon dont il était traité. Il s’asseyait toujours par terre. Ils passaient la nuit avec ses hôtes dans sa chambre personnelle qui avait deux lits. L’hôte prenait l’un et lui l’autre lit. On ne pouvait pas différentier sa propre famille et celle d’autrui. Il considérait chaque personne comme son propre fils. Il y avait beaucoup de monde dans sa maison, mais jamais au plus grand jamais on pouvait faire la différence entre ses propres enfants et les autres. Il considérait tout le monde au même pied d’égalité. Il était un homme généreux. Il ne gardait aucun franc par-devers lui. Tout ce qu’il avait, il le distribuait aussitôt. Il avait tourné le dos aux choses mondaines. Toute sa vie se résumait à l’adoration d’Allah. Il n’avait pas de rapport avec l’argent. Il ne gardait rien. Il faisait la différence entre l’argent licite et illicite. Il prenait rarement l’argent des autres, même s’il s’agissait d’’’adya’’.

Il aidait ses femmes dans les tâches ménagères, comme le faisait Mouhamed (PSL). Il discutait avec elles. Il arrivait que des gens viennent demander après Serigne Assane Salam. Il leur répondait que c’est lui. Il n’avait pas de signes distinctifs. Souvent, on le confondait avec les chambellans. Il n’avait pas l’habitude de parler à haute voix. Mais quand il parlait, tout le monde écoutait. Il était de grande taille. Il avait une personnalité. Il n’avait pas l’habitude de marcher en se retournant ni en balançant les bras. Il marchait doucement. Il était poli. Quand il vous tournait le dos, vous ne pouviez plus le faire se retourner. Une qualité de Serigne Touba. Quand il marchait et qu’on avait besoin de lui, on le devançait un peu pour le contraindre à s’arrêter et pouvoir lui parler. Il n’éclatait jamais de rire. Il avait un joli sourire. Il était aussi taquin, surtout envers les enfants. Il était reconnaissant et fidèle en connaissance. Les personnes avec qui il entretenait des relations solides, il les perpétuait avec leurs descendances. Il lui arrivait de rendre visite au fils d’une vieille connaissance qui n’a pas 20 ans, alors que lui était âgé de plus de 80 ans. 

Toute sa vie se résume aux injections d’Allah (SWT), du Coran. Il n’était pas une personne qui imposait sa force aux démunis. Il était très propre aussi et pondéré dans ses propos. Il a beaucoup légué à la communauté musulmane. Il les aidait à se repentir. Il a laissé un viatique, surtout pour les tombeaux qui sont bénéfiques, quand on y effectue un ‘’ziar’’. C’est le cas de Serigne Modou Awa Ndiaye (cimetière de Ndiarème), Aly Marie Pouye (cimetière de Petit Mbao), Seck Braya (cimetière Kaolack), Ahmed Diagne Dahira et Gouy Nguenté (cimetière Bétoire). Il a dit qu’une personne qui fait un ‘’ziar’’ à ces personnes sur leurs tombeaux, aura beaucoup de bienfaits qui vont d’une longue vie aux péchés qui sont absouts. Tout ceci n’est qu’un viatique et il voulait en faire profiter la jeune génération.

Il a dit que toute personne qui se déplace pour venir faire un ‘’ziar’’ à son tombeau, Dieu va lui pardonner ses péchés équivalents au nombre de grains de sel qu’il a traversés de son lieu de résidence jusqu’à Diourbel.

Qu’en est-il de ses enfants ?

Il en avait beaucoup. Son fils ainé s’appelle Serigne Saliou Salam et Serigne Adama Salam son cadet. Son khalife s’appelle Serigne Saliou Salam. Il est né en 1945. Il est savant. Il était avec Serigne Sam Mbaye dans les conférences. Il accompagnait aussi Serigne Mouhamadou Mourtada Mbacké (fils cadet de Serigne Touba) dans le monde pour implanter la religion musulmane. Il a été avec Serigne Mouhamadou Lamine Diop Dagana. Il a fait d’autres écoles. Il a aussi été à l’école de Serigne Cheikh Gaindé Fatma.

Après, il est allé au Maroc où il a décroché son diplôme. À sa sortie, ils n’ont pas voulu le laisser et il a été pris comme enseignant pendant sept ans. Il est spécialiste en philosophie générale. Il a beaucoup écrit sur Serigne Touba, sur le mouridisme en arabe. Il sera traduit en français et en anglais.

Quand il est retourné au Sénégal, il a travaillé au niveau du ministère des Affaires étrangères pendant quinze ans. Il a été conseiller de l’ambassadeur du Sénégal au Caire. Il enseigne actuellement à Touba. Il est aussi dans la recherche et les écrits sur Serigne Touba. Serigne Mountakha, l’actuel khalife, lui a confié le Département de philosophie à l’université Cheikh Ahmadou Bamba de Touba.

PAR CHEIKH THIAM

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