Publié le 22 Aug 2017 - 15:49
‘‘KËR SERIGNE TOUBA’’ CHICAGO

Perpétuels coups d’éclat de Cheikh Béthio

 

Depuis le rappel à Dieu de Serigne Saliou Mbacké, le guide des thiantacone, Cheikh Béthio Thioune, ne cesse de se comporter en électron libre vis-à-vis de Touba. Les pas de danse à Chicago et les excuses subséquentes sont les derniers développements d’une série de relations heurtées avec Touba.

 

C’est à croire que Cheikh Béthio Thioune maîtrise  parfaitement l’art de relancer la machine médiatique autour de sa personne. Après l’épiphénomène Cheikh Mbacké Sakho sur youtube qui s’en était pris à l’héritage spirituel de Serigne Touba, la hiérarchie mouride est de nouveau confrontée à un pic de fièvre dont l’électrocardiogramme plat avait fait penser à une retombée de fièvre médiatique autour du guide des Thiantacone. Que nenni ! Il aura fallu que Cheikh Béthio Thioune se signale par une de ses manifestations festives, des pas de danse, actions de grâces, selon ses disciples, dans l’immeuble ‘‘Kër Serigne Touba’’ de Chicago pour mettre en émoi toute une communauté qui cherchait à acquérir cette demeure depuis longtemps.

 La vidéo postée sur le net le 19 août dernier est ressentie comme un sacrilège qui mettra le représentant du khalife des mourides aux USA,  Serigne Mame Mor Mbacké, hors de lui au point de surseoir à l’achat de cette demeure destinée à être un complexe islamique, d’inspiration mouride, dans les grandes villes américaines ou européennes comptant de nombreux ressortissants sénégalais. ‘‘Ces derniers jours, une personne (Ndlr : Cheikh Béthio) s'est rendue à la résidence pour y danser toute la nuit. Serigne Touba ne veut pas d'une maison où l'on danse. Donc, Serigne Touba n'en veut plus’’, avait déclaré Serigne Mame Mor Mbacké dont le père, Serigne Mourtalla Mbacké, était l’un des principaux propagateurs de la confrérie aux Etats-Unis. Une réaction des disciples thiantacone s’en est suivie après la sortie explosive de l’imam Masjid Touba de New-York Serigne Khadim Bousso qui a décrété l’interdiction d’accès aux ‘‘thianta’’ à tous les ‘‘Kër Serigne Touba’’ sur le sol américain.

Electron libre

Libérant peu à peu une sublimation matérielle longtemps endiguée par l’austérité  des enseignements du fondateur de la mouridiyyah, Cheikh Ahmadou Bamba, Cheikh Béthio a encore une fois provoqué le courroux de l’establishment à Touba en se laissant aller à ces libéralités. Un fait qui n’est pas nouveau puisque depuis 2012, le guide moral du mouvement ‘‘thiantacone’’ perd de sa superbe au rythme d’événements ou de déclarations qui sont à son désavantage. Juste après la perte du pouvoir des libéraux qu’il avait promis de réélire grâce à son coefficient politique basé sur sa force militante de millions de ‘‘thianta’’ sur les listes électorales, les choses se gâtent pour le Cheikh.

Comme un pied de nez du destin, la dégringolade commence un certain mois d’avril qui est à la base de sa singulière histoire avec le dernier descendant direct de Serigne Touba, Serigne Saliou Mbacké. La légende du petit enfant courant derrière la charrette de Serigne Saliou ce 17 avril 1946 à Tassette est une date importante dans le calendrier Thianta. Mais elle a laissé place à un avril, le 22, plus lugubre dans sa localité natale de Médinatou Salam, en 2012. Une séance d’allégeance vire au pugilat puis au massacre. Deux des disciples du Cheikh, Bara Sow et Ababacar Diagne, sont battus à mort et enterrés à moins d’un kilomètre de sa maison de Keur Samba Laobé, Médinatou Salam, Mbour. Des indices accablants mouillent Cheikh Béthio Thioune et 20 de ses disciples. Ils sont arrêtés et mis sous mandat de dépôt pour meurtres aggravés, association de malfaiteurs, recel de malfaiteurs.

En février 2013, après quatre demandes de liberté provisoires rejetées, il est autorisé à se faire traiter médicalement en France et peine inexplicablement à rejoindre la case prison depuis. Le procureur près le tribunal régional de Thiès qui a instruit le dossier, Ibrahima Ndoye, ayant été muté en octobre 2015 à la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). L’imam Masjid Touba de New-York, Serigne Khadim Bousso, a d’ailleurs plaidé pour une reprise judiciaire du dossier dans une vidéo publiée avant-hier.

Ce massacre irrésolu a sérieusement entamé le crédit de cet inconditionnel de Serigne Saliou qui a toujours ouvertement revendiqué son inculture religieuse, coranique plus particulièrement. Cheikh Béthio essaie de replacer le mouvement thiantacone sur l’échiquier avec beaucoup de difficultés. Les fastes réunions hebdomadaires de ses disciples à Ndiouroul, Mermoz, réduites à leur portion congrue par les autorités, depuis les émeutes pour sa libération à Dakar en octobre 2012, rognent sa capacité d’influence. Désormais, c’est par à-coups médiatiques que le guide des thiantacone se rappelle au bon souvenir de l’opinion. Comme cette humiliation infligée à la chanteuse Ami Collé Dieng  à Janatu, lors du magal de Touba de 2014.

‘‘J’ai organisé une manifestation selon un programme bien défini. Une personne débarquée de je ne sais où, je ne savais pas ce qu’elle voulait déclarer, qui tente de prendre le micro, j’ai catégoriquement refusé. Nous sommes bien organisés. Ça ne se passe pas comme ça. Je ne la connais pas, c’était la première fois que je la voyais’’, s’est-il justifié devant l’ampleur des réactions d’indignation face à son geste. Qu’à cela ne tienne ! Ce sortant de l’Ecole nationale de la magistrature en 1976, qui a contracté des rapports difficiles avec Touba depuis la disparition de Serigne Saliou, n’épargne pas les marabouts qui lui jalouseraient son succès. Fin avril dernier 2016, une vidéo circulant sur le net le met en exergue s’en prenant à feu Serigne Modou Bousso Dieng. Ce qui le remet dans l’œil du cyclone médiatique. Son fils, Serigne Saliou, qui subodore une crise, étouffe l’affaire aussitôt. ‘‘Mon père tient en haute estime tous les dignitaires de la voie mouride a fortiori les illustres fils et petits-fils de Serigne Touba. C’est la raison pour laquelle toute personne avertie ne saurait accorder du crédit à l’exploitation tendancieuse qui a été faite de cette vidéo’’, déclarait-il dans le journal le Populaire du 28 avril 2016.

Déjà vu

La tension dans ses relations avec la capitale de la mouridiyya n’étant pas encore retombée, Cheikh Béthio Thioune sort une nouvelle carte de sa manche en août 2016 : la féminisation à outrance du titre de ‘‘Cheikh’’ qui a fini de profaner cette appellation honorifique. Une pratique qui a fortement déplu à l’oligarchie mouride à Touba qui a rejeté ces cas d’espèce, 75 intronisations, poliment mais fermement. Après ses rapports presque séditieux avec l’authentique hiérarchie Mbacké-Mbacké, le rappel à l’ordre du très sobre Serigne Sidy Mokhtar Mbacké, quelques jours plus tard, est une bouée de sauvetage et une porte de sortie honorable pour Cheikh Béthio. Ce dernier avait besoin d’une perche pour se dépêtrer de situations embarrassantes qu’une santé chancelante et une influence moribonde ne lui permettent plus de confronter avec sa verve habituelle. Consigne reçue et acceptée 5 sur 5.

Voix grave et ample boubou blanc pour une déclaration filmée, Cheikh Béthio désacralise ‘‘cheikhs’’ et ‘‘cheikhettes’’ et accepte de rentrer dans les rangs qu’il semblait avoir quitté depuis la disparition de Serigne Saliou. De plates excuses, qu’il a encore réitérées avant-hier pour ‘‘Kër Serigne Touba’’ de Chicago, prohibant toute réplique de ses disciples aux Mbacké-Mbacké. Peut-être les dernières excuses du guide qui n’a d’yeux que pour Serigne Saliou.

 MAME TALLA DIAW

 

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