Publié le 5 Jun 2018 - 13:27
‘’CAFE GUI’’ OU LE NDOGU DANS LA RUE

Au service des jeûneurs !

 

Pendant le mois béni du Ramadan, beaucoup de jeunes offrent le repas de rupture à travers les rues.  Composés de jeûneurs et de non-jeûneurs, ils essaient de vivre leur foi, avec souvent des mésaventures. 

 

Trouvés près d’une maison en construction, un groupe de jeunes s’activent à la préparation du ‘’café Touba’’ sous une tente appelée ‘’Café gui’’. A 18 heures, tout est fin prêt. Ces membres de la cellule zone 13 de Boune (localité située dans le département de Pikine), du Mouvement mondial pour l’Unicité de Dieu (Mmud), guettent avec impatience l’arrivée des nécessiteux en quête de cette boisson chaude. Soudeur métallique de son état, Lamp Diop supervise le travail de ses camarades. ‘’Nous avons pris cette initiative depuis 2003, suite aux recommandations de notre guide religieux Serigne Modou Kara Mbacké. Ainsi, entre nous, nous cotisons de l’argent et avec ce que nous récoltons des passants, nous faisons le café. En sus, nous achetons des tasses, du sucre et du gaz’’, déclare-t-il. Le bienfaiteur de s’enorgueillir : ‘’Tout cela, c’est pour les habitants de ce quartier.’’  

A l’en croire, dès 16 heures, une longue file se forme sur les lieux, composée d’hommes, de femmes et d’enfants, pots à la main. Ces derniers qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins viennent prendre leur part du ‘’café Touba’’. ‘’Ce qui reste, nous le distribuons aux passagers qui sont dans les cars ou aux passants. Parfois, nous allons dans la mosquée du quartier pour servir les fidèles’’, avance Lamp Diop.

Pour ce jeune disciple, ce n’est pas une chose facile. Car, dès fois, il arrive que le groupe n’ait pas suffisamment d’argent pour accomplir ce ‘’devoir’’. Dans ce cas, ces ‘’bonnes volontés’’ disent  se sacrifier pour ne pas décevoir ceux qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. ‘’On se réveille parfois sans aucun sou dans la poche. Mais on essaye de respecter le rendez-vous avec ces gens qui comptent beaucoup sur nous’’, fait-il savoir, la mine triste.

‘’Certaines personnes n’ont pas confiance en nous’’

Cependant, même si les jeunes disent se sacrifier pour les autres, il n’en demeure pas moins que certaines de leurs cibles se montrent méfiantes. La preuve, quelques minutes après la rupture du jeûne, une dame passe devant leur tente. Interpellée, elle feint ne pas entendre l’appel. Ce qui fait sortir le tôlier Mouhamed Diagne de ses gonds. ‘’Ils n’ont pas confiance en nous. Ils pensent que nous mettons quelque chose dans le ‘’café Touba’’, alors que c’est faux’’, peste-t-il. Un disciple de Mame Cheikh Ibrahima Fall tente de le raisonner, en vain. Sur ce, Diagne balance : ‘’C’est pas du tout nouveau. J’ai commencé à servir le ‘ndogu’ lorsque j’habitais à Dakar près de la gare pompier. Là-bas aussi, les gens se comportaient ainsi avec moi. Ils ne prenaient pas mes tasses de café. Or, je me débrouillais pour avoir 5 000 F CFA uniquement dans le but de les satisfaire ou de les aider.’’

Dans ce lot, il n’y a pas que des non-jeûneurs, comme l’explique Mouhamed Diagne. Certes, il y a une partie qui n’observe pas le jeûne, ce sont les talibés de ‘’Keur’’ Mame Cheikh Ibrahima Fall. Par contre, il y a une autre partie qui observe bien le quatrième pilier de l’Islam. Ces propos sont confirmés par Massaër Diop qui avoue avoir arrêté de jeûner il y a de cela trois ans. ‘’Je suis un talibé de Mame Cheikh Ibra Fall, c’est la raison pour laquelle je n’observe pas le jeûne, même si je peux rester toute une journée sans manger ni boire. Néanmoins, pendant le mois de Ramadan, on nous conseille d’être propre, d’être sans souillure, de pardonner et de respecter les personnes âgées. C’est juste un ‘’ndigël’’. De plus, à l’heure de la coupure du jeûne, nous donnons à manger aux jeûneurs’’, souligne le soudeur métallique, les lèvres sèches comme s’il avait jeûné.

Pour se justifier de la nouvelle voie empruntée, cet ouvrier affirme avoir noté un réel changement dans sa vie. Notamment en cessant de se livrer à certains actes  interdits dans la religion musulmane. ‘’Auparavant, j’allais dans les boîtes de nuit et je collectionnais des filles, je faisais ce qui me plaisait. Maintenant, j’ai tout laissé, grâce à ce sacerdoce qui est ma priorité’’, dit-il.

Par ailleurs, si d’aucuns ne comptent pas boire le café préparé par les Baye Fall, d’autres ne se font pas prier et ne veulent, sous aucun prétexte, rater ce moment de la rupture du jeûne, en leur compagnie. Une reconnaissance qui remonte tant bien que mal le moral des talibés qui se disent prêts à ne pas baisser les bras de sitôt. ‘’Nous allons continuer à préparer le ‘’café Touba’’ et à le distribuer tous les soirs et ce, jusqu’à la fin du mois de Ramadan’’, a laissé entendre Lamp Diop, tout heureux.

 AWA FAYE

 

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