Publié le 17 Jan 2012 - 17:42
23 LIONS CAN 2012

Armand Traoré : le petit prince

Armand Traoré

 

Au rendez-vous du beau et de l’esthétisme, Armand Mohamed Traoré a une place réservée depuis son plus jeune âge. A 22 ans, le latéral sénégalais est de ceux qui mettent une touche de grâce sur la pelouse et font briller les yeux des supporters.

 

Armand, c’est la technique à l’état pur, des gestes de dompteur intrépide du ballon au point de regretter de le voir évoluer dans un endroit du terrain où on lui demande en premier de jouer des coudes et de tacler. C’est tout le paradoxe de ce joueur qui a fait toutes les catégories dans les sélections françaises, sauf en A, avant d’opter pour les Lions.

 

 

L’enfant terrible

 

Précoce, Armand Traoré l’a été. Turbulent, aussi. A peine 14 ans, le jeune Franco-Sénégalais natif de la banlieue parisienne, à Surenes, quitte père et mère pour réaliser son rêve : celui d’être footballeur professionnel. Le Racing de Paris sera la première équipe qui l’accueillera, puis Monaco, avant que sa technique gauche caviar ne tape dans l’œil du coach français Arsène Wenger, qui le prend sous son aile à Arsenal. L’arrière gauche n’a alors que 16 ans.

 

Évidemment, à cet âge, il est facile de se laisser entraîner par ses aînés : les boîtes, les filles et, surtout, les nombreux tatouages qu’il fait parsemer sur son corps. Des signes chinois sur les avant-bras, des chiffres représentant les dates de naissance des membres de sa famille et même une paire d’ailes, à jamais inachevée, dans son dos. ‘’Je ne sais pas pourquoi j’ai fait certaines choses.

 

Allez demander à un jeune d’aujourd’hui, qui a 17 ans, qui a un petit peu d’argent et qui commence à jouer avec l’équipe première d’Arsenal (…) de ne pas sortir en boîte… je crois que c’est difficile’’, confie-t-il au journal Le Quotidien, il y a de cela quelques mois. S’il a vite goûté au ''joies'' de la vie d’adulte, Armand Traoré s’est tout aussi vite mis dans le rang. Il rencontre sa future femme à seulement 17 ans et décide qu’à partir de ce jour, sa vie décousue est terminée.

 

Marié, converti à l’Islam, l’arrière-gauche a souvent été vu priant avant un match, du temps où il portait le maillot d’Arsenal. ''Pratiquer ma religion m’aide autant personnellement que sur le terrain, affirme-t-il. Beaucoup de choses prônées par ma foi se retrouvent, je pense, parmi celles véhiculées par le football comme prendre le temps de bien faire les choses, être correct avec les gens, les respecter, ne pas injurier ou mentir, être juste'', renchérit-il.

 

Même s’il est encore relativement jeune (tout juste 22 ans), Armand Traoré est allé à bonne école, footballistiquement parlant. De ses débuts à Sureness, dans son 92 natal, à ses passages au Racing Paris, Monaco et Arsenal, le jeune métis a dû apprendre vite. Mais, la pression inhérente à jouer dans un club comme Arsenal va malheureusement clouer ses ailes au sol.

 

De 2005 à 2008, date à laquelle il est prêté à Portsmouth, il passe plus de temps sur le banc que sur le terrain… restant parfois carrément dans les tribunes pendant certains matches. Son parcours en club n’a pas été linéaire comme pouvait le prédire son grand talent, mais de son expérience, il a trouvé un équilibre.

 

Exit l’angoisse, la peur au ventre du temps d’Arsenal, adieu le statut d’éternel remplaçant, maintenant Armand est titulaire chez les Queens Park Rangers et a réussi ses débuts en sélection nationale du Sénégal. ''Maintenant, c’est une autre histoire. J’attends avec impatience de jouer chaque match. Je me suis fixé des objectifs pendant les matchs (…) Je sens que je suis plus utile, je sens que je peux aider l’équipe'', estime-t-il.

 

 

Latéral dansant

 

Comme la plupart des binationaux qui rejoignent la Tanière ces deux dernières années, Armand Traoré n’a pas dit ''oui'' tout de suite. Comme la plupart des binationaux, la famille a beaucoup pesé dans sa décision de venir au Sénégal.

 

''Dans le cas d’Armand Traoré, son père a joué un grand rôle dans son choix'', témoigne Saër Seck. Le décès de son père, deux mois avant sa venue en équipe nationale, a malheureusement constitué le déclic pour l’ancien Gunner. ''C’est vrai que cet événement m’a poussé à choisir les Lions. Je sais qu’au fond de son cœur mon père voulait que je joue pour le Sénégal'', confie Armand.

 

Le jeune latéral débarque en sélection presque en même temps qu’un concurrent direct : Cheikh Mbengue. Celui-ci réussit de belle manière son baptême du feu face au Cameroun dans l’enfer de Yaoundé. On le consacre très vite titulaire, c’est sûr, Armand se contentera des miettes, pense-t-on. Erreur, Armand Traoré, appelé et titularisé contre le Maroc en amical en août dernier montre qu’il faudra compter sur lui.

 

Dans un style plus fin, plus technique, et plus dansant, le binational est le seul à surnager lors de la correction (0-2) infligée par les Lions de L’Atlas. En 70 minutes, le néo-Lion convainc les plus sceptiques et annonce la couleur de la concurrence.

 

Pour autant, il semble être derrière Cheikh Mbengue. Le joueur de Toulouse paraît donner plus de garanties défensives, même si offensivement, Armand a montré plus d’aptitudes à apporter le danger dans son couloir.

 

 

Latéral ou milieu

 

Quand Armand Traoré fera ses premiers pas en Coupe d’Afrique, il ne manquera pas de penser à son oncle et son père, anciens joueurs de la Linguère. Le pater, Abdoulaye, défenseur à l’époque, lui a certainement transmis les gènes du combat.

 

Pour la motivation, il pourra se rappeler le jour où il a choisi le maillot vert-jaune-rouge et que son père y est pour beaucoup. Côté terrain, Armand Traoré n’est sûr de rien quant à son statut, tellement la concurrence avec

 

Cheikh Mbengue, avec qui il partage sa chambre, est serrée. Titulaire, remplaçant ou aligné à un autre poste ? Aujourd’hui, il est difficile de savoir comment Amara compte utiliser son latéral gauche. A son poste, ''Cheikh a pris de l’avance'', estime le coordinateur de la Tanière, Ferdinand Coly. Mais le joueur de Queens Parks Rangers possède l’avantage de pouvoir évoluer comme milieu de terrain offensif.

 

Dans une sélection où seul Ndiaye Dème Ndiaye possède le profil de vrai milieu gauche, l’apport d’Armand Traoré pourrait être bénéfique. Et ce sont les supporters du beau geste qui vont adorer.

 

La première sélection

''C’est sûr que ça va être difficile. Le Maroc  est costaud et fort techniquement. Pour ce qui est de  la chaleur c’est certain qu’il va falloir que je gère mes montées offensives. Je peux le faire'', expliquait Armand Traoré peu avant le choc amical qui a marqué son premier match sous les couleurs du Sénégal.

 

Des inquiétudes qui, néanmoins, ne l’ont pas empêché de s’acquitter de sa mission au moment venu, malgré une défaite (2 à 0) en faveur des Lions de l’Atlas. Armand Traoré a passé 70 minutes dans son couloir gauche avant d’être remplacé. L’honneur est sauf puisqu’il a été l’un des rares à se faire remarquer par la qualité de sa prestation. Une mise en bouche qui semble lui avoir donné de l’appétit puisqu’Armand affiche désormais l’ambition d’être titularisé pour la Can à venir.

 

Repères

Armand Traoré

Né le 8 octobre 1989 à Paris

Poste : Arrière gauche

Taille : 1,85 m

Poids : 82 kg

Clubs successifs :

Arsenal (2006-2011) Prêts à Portsmouth (2008-2009) et à la Juventus (2010-2011) ; Queens Park Rangers (2011- …)

 

Sophiane BENGELOUN

 

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