Publié le 7 Feb 2014 - 18:25
28e ANNIVERSAIRE DE LA DISPARITION DE CHEIKH ANTA DIOP

L’héritage en questions...

 

Sa disparition subite un certain 7 février 1986 avait plongé toute l’intelligentsia africaine dans le désarroi. Mais comme les pyramides qu’il n’a cessé d’étudier, son œuvre et sa pensée défient le temps et les âges.

 

Les pyramides égyptiennes avaient pour mission de conserver la sépulture des pharaons pour l’éternité! Cheikh Anta Diop, du haut de sa pyramide intellectuelle formée d’une dizaine de livres et de centaines de publications, s’était  donné pour mission de combattre l’aliénation des peuples africains longtemps bafoués par la colonisation.

Si ses ‘’reliques intellectuelles’’ et ‘’scientifiques’’ défient le temps et font l’unanimité au sein de la communauté scientifique, son édifice politique s’est effrité au gré des dissensions et intérêts personnels  en de nombreuses formations politiques. Toutes se réclament de la pensée panafricaine du ‘’dernier pharaon’’, déclare Dame Babou, journaliste et ancien membre du bureau politique du Plp,.

Si son héritage intellectuel, consacré par la diffusion de ses travaux sur l’Égypte nègre et l’Unité culturelle de l’Afrique comme base du Panafricanisme, lui a survécu, son parti, le Rassemblement national démocratique fondé en 1976, n’a pas résisté aux ambitions personnelles après sa mort en 1986.

Et ce, même si les dissensions sont apparues bien avant sa mort avec la scission du Parti pour la libération du peuple dont la plupart sont des anciens du très historique Parti africain de l’indépendance (PAI).

«Malentendu»

''Sur cette affaire, il y a un véritable malentendu, explique Dame Babou. Mbaye Niang n’a jamais mené d’activités fractionnistes. Il s’était seulement opposé à la volonté du Rnd d’entamer la conciliation avec Abdou Diouf qui, pour nous, était la continuation du régime senghorien.'' La pyramide politique de Cheikh Anta Diop était une sorte d’enchevêtrement de groupes d’origines politiques divers qui s’étaient réunis sur une plate-forme minimale.

Cette unité organique avait pour objectif la reconquête de la souveraineté nationale aux mains des néocolonialistes, la rupture d'avec les modèles occidentaux et le développement national démocratique et populaire, affirme Abdou Fall, aujourd'hui leader du mouvement Alternatives citoyennes, ex-membre du Rnd et de la Convention démocratique et sociale (CDS), dissidente du Plp puis dissoute dans le PDS de Me Wade. 

‘’L’addition de diverses opinions et trajectoires a fait la force du Rnd qui, pendant longtemps, a symbolisé l’opposition au parti unique et qui, par ses divisions, a manqué d’être l’une des plus grandes forces politiques au Sénégal‘’, ajoute l'ex-ministre de la Santé.

Quelles sont les origines de cette implosion du Rnd en 6 partis politiques ? L’absence de débats internes propres à tous les partis sénégalais où toute contestation est assimilée à de l’opposition face à la direction du parti, renchérit Abdou Fall. Mais «en vrai visionnaire politique», Cheikh Anta Diop est l’un des pionniers en ce qui concerne la mise en place de la première coalition de partis politiques au Sénégal, indique-t-il.

A cela, il faut ajouter «la pertinence» de son positionnement qui a toujours refusé les différentes couleurs de la réforme du multipartisme contrôlé que voulait imposer Senghor en 1974, indique Dialo Diop. «Cheikh Anta a toujours prôné une réflexion sur le développement avec des programmes adaptés à nos réalités», ajoute-t-il.

«Une vision économique»

Sur le ‘’Nil’’ de l’intégration continentale, le bateau Rnd fera face à des avaries qui laisseront quelques débris, mais les éléments primordiaux que sont la proue et le moteur vogueront sans problème vers le destin unitaire, avait confié l'égyptologue à son cousin Moustapha Diop, consultant en Langues nationales. En véritable ‘’scribe’’ de la pensée panafricanisme, il s’était donné pour mission de promouvoir une nouvelle forme d’économie.

‘’L’exploitation capitaliste est la cause de toutes les misères qui ne peuvent cesser qu’avec la suppression totale du colonialisme et du néocolonialisme‘’, dit-il dans «Alerte sous les tropiques», un recueil d'articles publiés entre 1946 et 1960 et dans lequel il expose ses thèses sur l’unité économique de l'Afrique.

La vision économique du savant était d’œuvrer à la coopération entre les peuples, et non la compétition, afin d’exploiter les réels potentiels de l’Afrique comme le barrage de Ndinga pour résoudre les problèmes énergétiques du continent.

Pour Dame Babou, membre du cabinet du Premier ministre Aminata Touré, le développement de l’Afrique passe nécessairement par l’utilisation des langues nationales.

‘’Nous dépensons des milliards de francs pour l’apprentissage d’une langue étrangère alors que les études de Cheikh Anta Diop ont montré que toutes les langues africaines ont une racine commune qu’est la langue égyptienne. Ainsi des voies de convergences peuvent être facilement trouvées autour de grandes langues africaines comme le Swahili ou le Haoussa ’’, se convainc le journaliste.

Mamadou Makhfouse Ngom

 

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