Publié le 13 Nov 2018 - 23:24
2e PHASE GLACY+ (2016-2021)

Haro de la Cedeao sur la cybercriminalité

 

L’Action globale contre la cybercriminalité élargie (Glacy+) a lancé, hier à Dakar, sa formation de mise à niveau pour les magistrats. Elle porte sur les modalités pratiques de la lutte contre ce fléau des temps modernes qui a entrainé une perte annuelle de 400 milliards de dollars en 2015-2016.

 

Le Sénégal met le turbo dans la lutte contre la cybercriminalité. Moins d’une semaine après l’ouverture d’un centre régional dédié à cet effet, la capitale reçoit la deuxième phase de l’Action globale contre la cybercriminalité élargie (Glacy+). Une formation de formateurs (des magistrats) de l’espace Cedeao et de la Mauritanie destinée à instituer un cadre légal à la lutte contre ce fléau.

Pour l’attaché en charge des questions de sécurité intérieure de la délégation de l’Ue à Dakar, Antoine Gouze de Harven, l’évolution fulgurante de la situation exige de se conformer tout le temps aux changements. ‘‘C’est un fléau dont les revenus, la capacité de nuisance est évaluée à 400 milliards de dollars par an. C’est gigantesque, et c’est amené à doubler, puisque le nombre d’utilisateurs d’Internet est en constante augmentation. En 2015-2016, ils étaient évalués à 2,5 milliards d’utilisateurs. Il était prévu que ça double et c’est en train de doubler et pourrait même aller plus loin en 2020’’, a-t-il déclaré.

Une position confortée par le conseiller technique du ministère, Yakham Lèye, qui fait une corrélation entre le taux de pénétration élevé de l’Internet au Sénégal et les infractions cybernétiques subséquentes. La difficulté réside dans le fait que le net est incontournable pour atteindre la prospérité, alors que son utilisation charrie la commission d’autres crimes qui touchent à l’intégrité physique des personnes et des biens. Il apparait nécessaire de sécuriser toute la chaine.

‘‘C’est un véritable frein au développement et à la croissance économique. On peut voir qu’une augmentation de 10 % des utilisateurs du net dans les pays à moyen et bas revenu amenait à une augmentation de la croissance de 1,38 point du Pib. On en a besoin pour le développement économique. Et pour ce faire, il faut avoir confiance dans ces technologies et il faut pouvoir avoir des Etats en mesure de lutter contre cette cybercriminalité’’, avance M. De Harven.

Transnational

Le Sénégal a bénéficié d’un tel programme (Glacy, Glacy+) et de projets conjoints développés par l’Ue et le Conseil de l’Europe qui ont eu un financement de 15 millions d’euros, d’après M. De Harven. En dehors de l’aspect économique, un volet purement juridique est proposé dans cette formation. Le fait est que la spécifié de cette criminalité ne dispense pas de l’observance des règles de droit dans les pays de la Cedeao. ‘‘La dimension transnationale de la cybercriminalité recommande à nos Etats de prendre en compte les enjeux stratégiques qui s’attachent au renforcement de la coopération juridique et judiciaire internationale contre ce phénomène. Ce qui impose à la communauté des Etats, à ceux de la Cedeao en particulier, une action concertée, une entraide pénale efficace, y compris par l'échange de savoir et de savoir-faire’’, a déclaré le ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall. 

Le caractère régional de cette formation a été justifié par le fait que la cybercriminalité est, par définition, une forme de criminalité qui est transnational. ‘‘La victime peut se situer au Sénégal, alors que la personne qui a commis l’infraction peut se trouver n’importe où. Il est nécessaire que tous les services de sécurité et tous les services judiciaires coopèrent pour faire front commun’’, déclare M. De Harven.

Quant au chargé du management de ce projet, il abonde dans le même sens. ‘‘Il s’agit de les familiariser avec la cybercriminalité, avec les preuves en matière électronique. Elles sont volatiles, sur support électronique, et difficilement localisables, stockées à l’étranger. Pour que le juge puisse traiter ce type de contentieux, il lui faut des connaissances assez pointues’’, a avancé Manuel de Almeida Pereira.

Ce dernier a insisté sur la nécessité de faire converger les législations à cause du caractère transnational de ce type de criminalité. ‘‘Le but est de renforcer la capacité de tous les pays du monde à lutter contre la cybercriminalité et à faire usage propre de la preuve électronique. Nous avons fait un échange avec la Cedeao qui vise l’harmonisation de la législation et aussi la formation des acteurs judiciaires comme les juges et les procureurs. L’idée est qu’ils aient les outils nécessaires pour lutter contre le fléau, de faire l’investigation, l’adjudication et la condamnation des cas de cybercriminalité’’.

Le Sénégal sur ses gardes

Si, pour le moment, ‘‘le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont aux avant-postes dans la lutte contre la cybercriminalité’’, d’autres pays comme la Guinée-Bissau, la Sierra Leone, la Gambie, le Liberia et le Mali n’ont pas connu un début de législation, estiment les experts de l’Ue. Le Sénégal dispose d’un cadre juridique, avec une législation assez fournie, notamment avec l’adoption de la loi portant sur la cybercriminalité inspirée de la Convention de Budapest sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001 et des standards juridiques internationaux. 

En appoint, la loi d’orientation sur la société de l’information, la loi sur la protection des données à caractère personnel et son décret d’application, la loi sur les transactions électroniques et son décret d’application, la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins, la loi sur la cryptologie et son décret d’application, viennent compléter un cadre législatif qui traduit l’option avant-gardiste de lutter contre ce fléau des temps modernes. Au plan institutionnel, la Commission de protection des données personnelles (Cdp), la Brigade spéciale de lutte contre la cybercriminalité de la police nationale (Bslc), la Plateforme numérique de lutte contre la cybercriminalité de la gendarmerie nationale, la Commission nationale de cryptologie et tout récemment l’Ecole nationale de cybersécurité à vocation régionale.

 Par ailleurs, le premier maillon de la justice possède également des outils pour combattre ce type de criminalité. ‘‘La police dispose de la Brigade spéciale de lutte contre la cybercriminalité et la gendarmerie a une plateforme numérique de lutte contre la cybercriminalité mise en place récemment. Ce sont des officiers de police judiciaire spécialisés qui obtiennent des résultats louables. Les difficultés sont essentiellement liées à la technicité de la matière qui nécessite une spécialisation pointue et une formation permanente’’, affirme le conseiller technique n°1 du ministère de la Justice, Yakham Lèye.

OUSMANE LAYE DIOP

 

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