Publié le 2 Nov 2012 - 17:35
3 QUESTIONS À MALICK NDIAYE (SOCIOLOGUE)

«Je ne suis pas un activiste»

 

 

Initiateur de cet atelier, qu'attendez-vous de la réunion d’Addis Abeba ?

Si l’Afrique se réunit à Addis Abeba et discute sur le fond de cette gouvernance judiciaire mondiale où nous n’avons aucune place, elle peut retrouver la place qui lui revient. Figurez-vous que nous avons le tiers des ressources stratégiques au monde et nous ne sommes pas présents au Conseil de sécurité. Comment une telle chose est-elle possible ? Les autorités du Sénégal ont eu raison de répondre à la mise en demeure de la Cour pénale internationale en date du 20 juillet 2012 de poursuivre ou d’extrader M. Habré. Elles ont dit clairement : «Nous allons le poursuivre». Il va falloir passer par les procédures qui respectent les droits de M. Habré qui, je le rappelle, est présumé innocent. Après l’instruction, il appartiendra aux juges de dire s’il est raisonnable de le poursuivre ou s’il doit être acquitté. Dans tous les cas de figure, il s’agit d’un basculement de l’Afrique vers la voie de sa démocratie véritable (…)

 

Vous dites que la fonction judiciaire ne peut pas être déléguée. Pourquoi ?

La fonction judiciaire, c’est la fonction de rétablissement des équilibres internes d’une cellule familiale, d’une petite collectivité locale, d’un arrondissement, d’un village ou d’une nation. Que serait le monde si les infractions commises contre une société, une entreprise n’étaient pas réparées ? On irait vers une catastrophe. Ce qui est valable dans le domaine fiscal, matrimonial, est valable dans le système politique. Or, ce qui nous est arrivé, à nous Africains, c’est qu’on nous a convaincus qu’on pouvait jouer à la démocratie tant qu’on faisait des élections plus ou moins bonnes, plus ou moins bidons. Mais dès qu’il s’agit de choses sérieuses, c’est-à-dire le rétablissement des grands équilibres, on nous disait : «Reposez-vous sur l’extérieur». Un pays peut-il déléguer sa justice au plus haut niveau sans se planter, comme disait Mame Less Camara, une épine dans la tête (…) ?

 

On vous voit sur tous les fronts. Vous avez défendu Laurent Gbagbo, aujourd’hui Hissène Habré. Peut-on vous qualifier d’activiste ?

(Il s’énerve) Alors, je suis un professeur des universités et j’ai passé 25 ans de ma période lucide à écrire des ouvrages que voici. Donc, ne m’insultez pas en me posant cette question. Mais quant à savoir les droits Hissène Habré, ils sont sacrés comme les vôtres. Tout accusé est présumé innocent. C’est le principe de base. Si défendre cela, c’est de l’activisme, je pense que ce n’est pas votre propos. Quant à la question de Laurent Gbagbo ou d’Ariel Sharon ou de George Bush ou de Charles Taylor ou du Congolais Thomas Lubanga, elle révèle la situation d’un monde globalisé qui peine à trouver les chemins de l’équilibre. Nous n’avons pas encore d’information sur comment on a tué Lumumba, Amilcar Cabral. Bref, vous avez dans cette Afrique qui bouge, toute une situation d’impunité qui montre à l’évidence que l’Afrique doit se réapproprier un concept global et stratégique de gouvernance judiciaire mondiale. Elle doit commencer à régler ses propres problèmes au lieu de les déléguer.

 

DAOUDA GBAYA

 

 

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