Publié le 30 Oct 2018 - 21:12
830e VICTIME DE MINES ANTIPERSONNEL EN SEPTEMBRE

Le Sénégal parmi les 30 pays les plus touchés

 

Les autorités veulent relancer un processus de déminage qui s’essouffle pour plusieurs raisons dans les régions sud du pays.  

 

Le colonel Barham Thiam, par un ‘‘tenez-vous bien’’, a mis le doigt sur une réalité largement sous-estimée dans le pays. ‘‘Le Sénégal fait partie des 30 pays les plus affectés par les mines. A la date du 1er septembre 2018, nous avons enregistré la 830e victime. C’est énorme !’’, fait savoir le directeur du Centre national d’action antimines au Sénégal (Cnams). C’est la région naturelle de Casamance qui concentre les efforts du centre et de ses partenaires de l’Union européenne pour un nettoyage intégral, avant mars 2021, la nouvelle échéance fixée par les bailleurs.

Ces chiffres, quoique très préoccupants, cachent les avancées significatives qui sont faites. Le pays en est au dernier tiers du déminage avec des blocages persistants dans la région de Ziguinchor, à en croire M. Thiam. ‘‘Au début, l’enquête générale avait révélé plus de 3 millions de mètres carrés à déminer à Sédhiou, Kolda et Ziguinchor. Aujourd’hui, Kolda est ‘propre’, encore qu’on reste humble, car on ne peut pas dire 100 % en matière de déminage. Pour Sédhiou, il reste le département de Goudomp. On peut dire que le gros-œuvre est dans la région de Ziguinchor. On estime à 1 million 268 mille mètres carrés à déminer, dépolluer et restituer aux populations’’, avance le directeur du Cnams.

Option humanitaire du déminage

La lenteur des opérations tient à l’option humanitaire du déminage plutôt qu’à l’option militaire. Autrement dit, les opérateurs doivent s’assurer l’accord des zones concernées avant d’entamer toute procédure. ‘‘Ce n’est pas un déminage militaire, mais humanitaire qui, par définition, est basé sur le dialogue et l’adhésion de tout le monde dans les opérations qui se déroulent dans les régions sud du pays’’, explique-t-il.  Les Etats-parties à la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel se fixent 2025 comme horizon à l’éradication totale de ces engins.

En 2009, ces Etats avaient prolongé la date butoir du Sénégal pour 2016, avant que le pays ne demande une deuxième prolongation, en avril 2008. Désormais, c’est mars 2021 qui constitue la nouvelle échéance au Sénégal.

Pour Barham Thiam, le pays est dans les dispositions de réussir ce pari à date échue. ‘‘Si on calcule bien, l’opérateur qui a les moyens matériels, mécaniques, humains et cynophiles peut faire sans problème 600 mille mètres carrés par an. Arithmétiquement, c’est possible avec un seul opérateur, dans les délais de deux ans et quelques mois. Mais le conflit casamançais n’est pas encore éteint ; il y a encore des velléités. Ce qui fait que le rythme n’est pas ce qu’on aurait souhaité dans un pays où le déminage est post-conflictuel’’, a-t-il lancé.

Carmen Magarinos : ‘‘Que ces efforts (…) perdurent’’

La torpeur des opérations a poussé le ministère des Affaires étrangères (Maese), responsable de cette question, avec le soutien financier de l’Ue, à organiser un dialogue national, hier. Pour la chargée d’affaires de la Délégation de l’UE à Dakar, Carmen Magarinos, ‘‘ces armes sont interdites dans plus de 164 pays dont des Etats non parties. Il faudra tout faire pour que ces efforts phare du multilatéralisme perdurent’’, a-t-elle déclaré. Quant au représentant du Maese, Isidore Marcel Sène, il a insisté sur les efforts à fournir de part et d’autre pour atteindre ces objectifs.

‘‘Ce défi passe par le déploiement des effectifs dans une sécurité optimale et d’une disponibilité de ressources financières suffisantes. Le déminage constitue un préalable à tout développement en Casamance’’, a-t-il défendu. Pour le directeur du Cnams, les lenteurs du processus ne doivent pas faire penser à un abandon du projet, surtout qu’un grand opérateur est chargé de l’application.

‘‘On relance les activités, car c’est le rythme qui est lent, mais on n’a jamais arrêté les opérations. Encore une fois, tout repose sur le dialogue. S’il y a manque d’adhésion des populations dans une localité, les opérateurs prennent contact avec d’autres localités qui sont favorables et on avance. Nous avons un opérateur de taille de réputation internationale, Humanité Inclusion (ex-Handicap International) qui est sur le terrain et qui fait des résultats impressionnants. Il a des agents de liaison communautaires qui se rendent dans les localités au préalable, passent le message et si l’adhésion est totale, l’équipe sera sur le terrain et le travail avance’’, conclut Barham Thiam. 

OUSMANE LAYE DIOP

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