Publié le 18 Aug 2018 - 16:29
9 MOIS APRES L’INCENDIE AU PARC LAMBAYE

Promesses non tenues, délocalisation en suspens 

 

Le parc Lambaye de Pikine a été victime d’un violent sinistre, il y a neuf mois. Il était question, alors, de restructurer le marché, voire le délocaliser et d’indemniser. Les commerçants attendent toujours.  C’est le statu quo et les activités ont repris dans le même désordre. Reportage.

 

17 novembre 2017 - 17 août 2018. Voilà 9 mois, jour pour jour, que le parc Lambaye de Pikine avait été ravagé par un violent incendie. Les dégâts matériels avaient été estimés à plus d’un milliard de francs Cfa. Véritable capharnaüm à l’époque, il avait fallu plus de 10 tours d’horloge pour que les sapeurs-pompiers viennent à bout des flammes. Au lendemain de ce sinistre qui avait envoyé une centaine de personnes au chômage, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique s’y était rendu et avait annoncé une batterie de mesures.

En effet, Aly Ngouille Ndiaye avait fait le constat que pratiquement tout était irrégulier dans ce marché. ‘’Ce n’est pas forcément qu’on devra délocaliser le parc, mais ce qui est certain, c’est qu’il faut restructurer. La délocalisation suppose qu’il ne soit pas dans la bonne place. Peut-être que ce n’est pas le cas, même si on sait que les conditions d’installation ne sont pas bonnes. Si elles existent, il y aura certainement de petites corrections à faire. Si elles n’existent pas, nous allons prendre toutes les mesures pour réorganiser l’occupation de ce marché. Et cela sans délai. Nous avons aussi constaté l’éloignement de la bouche d’incendie. C’est inadmissible qu’un marché où on ne vend que du bois soit éloigné d’une bouche d’incendie’’, disait le ministre face à la presse.

Neuf mois après ce diagnostic, qu’est-ce qui a été fait ? ‘’EnQuête’’ est retourné, hier, sur les lieux, pour constater que toutes les places sont occupées, de nouveau. Déjà, un mur de clôture a été érigé pour remplacer l’ancien détruit par le feu. A l’entrée du parc, c’est toujours le même cirque. Les commerçants, voire les rabatteurs se ruent vers le visiteur pour lui demander de quoi il a besoin. ‘’Vous désirez quoi ? Bois, armoire ou bien ?’’, ‘’ Dites ce dont vous avez besoin et vous l’aurez’’, lance-t-on dans un numéro bien rôdé. Une fois franchi cet obstacle, cap sur la partie qui avait été la plus touchée par les flammes. Les tas d’ordures et les débris occasionnés par l’incendie ont cédé la place à de nouvelles marchandises : du bois, des armoires, des lits, des tôles en zinc… Les ateliers de menuiserie et d’ébénisterie tournent à plein régime. Les ouvriers travaillent comme si de rien n’était. A ce décor, s’ajoutent les camions qui sont stationnés dans les parages et ceux qui font la navette. Ici, on dirait qu’il n’a jamais eu d’incendie.

‘’Nous n’avons reçu aucune aide de l’Etat’’

D’ailleurs, les commerçants soutiennent que, non seulement aucune promesse n’a été respectée, mais ils n’ont rien reçu en termes de dédommagement.  Le délégué du parc Lambaye de Pikine souligne que, depuis lors, rien n’a changé. C’est le même désordre qui y prévaut. Ibrahima Diouf de dire qu’ils restent à l’écoute des autorités qui n’ont rien dit dans ce sens. ‘’Même des places qui ont été prises par une entreprise de la place ne nous sont pas restituées. Ce que nous jugeons anormal. Nous n’avons reçu aucune aide de l’Etat, depuis l’incendie. Nous ne sentons pas son appui, alors que nous sommes des citoyens, nous payons nos impôts chez nous et ici à Dakar. C’est comme si nous ne faisons pas partie de ce pays. Aucune promesse n’a été respectée. Les victimes n’ont rien reçu. Personne n’a touché un seul franc’’, martèle M. Diouf. Selon qui, à longueur de journée, on leur met la pression pour les forcer à quitter les lieux.  

Mais c’est peine perdue, poursuit-il, car ils ont bien l’intention de faire face. ‘’Comment vous voulez qu’on quitte les lieux, alors que nous y avons nos places et que le titre foncier nous appartient ? Toutes les victimes sont des pères de famille. Ils ont des charges. Si on leur interdit de regagner leurs places, de quoi vont-ils vivre ? Qui va faire vivre leurs familles, surtout cette année où il n’y pas de pluie ? Ils n’ont que ce marché pour vivre. Pour imposer à quelqu’un de quitter son lieu de travail, il faut lui trouver un endroit. Depuis notre retour, personne ne nous a rien dit. Nous sommes tranquilles, tout en restant à l’écoute’’, explique le vieux commerçant trouvé dans son atelier.

‘’Nous avions porté notre choix sur la forêt de Mbao, mais depuis lors…’’

Pourtant, ils sont prêts à quitter les lieux, à certaines conditions. D’après Ibrahima Diouf, le ministre de l’Intérieur, à l’époque, leur avait demandé de quitter l’endroit où il y a eu l’incendie, il lui avait répondu qu’il est hors de question qu’ils disent aux victimes de quitter les lieux sans garantie. ‘’C’est impensable. Soit il nous donne un site de recasement ou ce n’est rien. Il nous avait demandé d’aller identifier un site appartenant à l’Etat, entre Dakar et Rufisque. Nous avions porté notre choix sur la forêt de Mbao, à hauteur de Keur Massar. Il était d’accord, le préfet avait notifié cela. Mais depuis lors nous n’avons entendu aucune autre information dans ce sens’’, renseigne le délégué du Parc Lambaye.

CHEIKH THIAM

Section: