Publié le 22 May 2016 - 22:31
ABATTAGE CLANDESTIN

Le casse-tête des normes de sécurité et d'hygiène

 

De l'origine de la viande à la défaillance de la Brigade de lutte contre l'abattage clandestin (BLAC), en passant par l'activité des bouchers «clandestins», les responsables de la Sogas demandent à l’État et à leur tutelle, le ministère de l’Élevage, de prendre leurs responsabilités par la défense du principe de santé publique.

 

L'origine de la viande

Pour les responsables de la Sogas, ce point est essentiel, car il permet de délimiter les responsabilités éventuelles sur la qualité de la viande sortie des abattoirs de l'entreprise. « En fait, le bétail n'appartient pas à la Sogas, ni même la viande qui en est tirée. Nous sommes prestataires de services avec des missions bien précises : stabulation, abattage, ressuyage, conservation et remise de la viande aux propriétaires à la fin du processus», explique Cheikh Diabira (nom d'emprunt).

Aujourd'hui, la Sogas gère huit abattoirs à travers le Sénégal, implantés à Dakar, Kaolack, Diourbel, Thiès, Louga, Saint-Louis, Ziguinchor et Tambacounda. «Notre activité se résume à produire de la viande propre à la consommation, sous le contrôle de l’État, c'est-à-dire du ministère de l’Élevage, à travers des équipes de vétérinaires installées en permanence ici», souligne Diabira.

Abattage

L'abattage des bêtes est un véritable processus à la Sogas, selon les explications d'un responsable de la société, avec comme objectif final de mettre à la disposition des bouchers et du public une viande totalement propre à la consommation, sans risque aucun. «Les animaux devant être abattus arrivent sur pied la veille de l'égorgement, indique notre interlocuteur. La bête passe par l'étape dite de la stabulation qui consiste à la garder au parc pour lui faire subir une diète-hydrique, c'est-à-dire la priver d'eau. Puis, le lendemain, elle est égorgée de manière halal, comme le veut le rite musulman, la tête tournée vers l'Est et le boucher qui prononce la formule consacrée (NDLR : Au nom de Dieu, Allahou Akbar)».

L'animal tué, tout le reste du travail se fait «par manutention aérienne», poursuit notre source. «Il est suspendu à des crochets» en fer dans une forme verticale. «Ensuite, il est transféré dans des chambres froides pour le ressuyage : c'est la conservation de la carcasse durant 24 heures afin d'alerter contre tout ce qui peut être un processus de développement de microbes et autres bactéries nuisibles» à la qualité hygiénique de la viande.

Ce n'est pas fini car, «le lendemain, la viande ainsi refroidie est retournée à son propriétaire, le boucher, qui peut normalement le commercialiser, avec des garanties certaines de qualité», ajoute le responsable de la Sogas. Mais, bien auparavant, rappelle-t-il, «le contrôle vétérinaire aura été réalisé sur la carcasse», ce qui se traduit par l'estampillage de l'animal pour bon à la consommation.

Actionnaire de la société, artiste à ses heures perdues, Mansour Mbaye Madiaga fait remarquer : «Il arrive que les vétérinaires détectent des maladies comme la tuberculose et des parasites chez l’animal.»

Néanmoins, la Sogas dispose à l'intérieur de son périmètre d'une salle de criée qui permet à ses propres bouchers et aux clients potentiels de faire des «affaires propres».

L’intrusion de repris de justice

Pour les responsables de la Sogas, l'abattage clandestin de bétail destiné à la consommation pose «un véritable problème de santé publique». Car «les consommateurs sont exposés à toutes sortes de maladies transmissibles des animaux à l'homme», avertit un interlocuteur qui a requis l'anonymat. Ce dernier dénonce «l'intrusion de repris de justice sans foi ni loi dans l'exercice de l'activité», «au mépris des conditions minimales de salubrité». S'adressant au reporter d'EnQuête, il cite «le dépôt des déchets sur les rails, dans la rue, avec les risques d'accidents comme les déraillements», mais aussi «la prolifération du banditisme dans la zone».

Ce «désordre» est le fait de ces «bouchers clandestins», affirme-t-il. «En tant que structure formelle, nous disposons de camions qui, chaque après-midi, déposent les ordures rassemblées par nos services à la décharge de Mbeubeuss. Il y a donc nécessité, à ses yeux, de «faire la différence entre le travail de Sogas à l'intérieur de ses bâtiments, et l'abattage clandestin et ses conséquences au dehors», ajoute notre source. «C'est à l’État de perdre ses responsabilités», dit-il.

Dynamiser la BLAC

En fait, face aux problèmes soulevés, il existe dans l'arsenal répressif une structure en veilleuse. C'est la Brigade de lutte contre l'abattage clandestin (BLAC), rattachée au ministère de l’Élevage Elle est le fruit de concertations entre différents acteurs du milieu dont les services vétérinaires de l’État. «C'est au ministère d'agir, car ses agents savent parfaitement ce qui se passe ici, à Dalifort. L'abattage clandestin, ils savent ce que cela peut causer comme conséquences dramatiques. Nous ne pouvons qu'alerter, mais nous pensons qu'ils manquent de volonté», explique une autorité de la Sogas qui, elle aussi, a requis l'anonymat. Cette inaction de la tutelle a une autre conséquence qu'explique notre interlocuteur. «A cause de la concurrence malsaine et déloyale des gens de l'abattage clandestin, dit-il, nous travaillons en deçà de nos capacités de production, dans des installations qui ont coûté très cher en plus.»

Mais heureusement, ajoute-t-il, les forces de sécurité nous donnent un coup de main de temps à autre. «La présence de la gendarmerie nous permet de souffler, avec des actions ponctuelles sur le terrain qui permettent de traquer les repris de justice venus se réfugier ici.»

«Nous assurons 40 à 45% de la consommation journalière à Dakar»

Si l'on s'en tient aux chiffres officiels, la Sogas reçoit «chaque jour 250 têtes de bétail» à abattre et à mettre sur le marché, «même si Dakar consomme le double» à elle seule, précise un responsable d'abattoirs. En gros, «nous assurons 40 à 45% de la consommation journalière à Dakar», révèle un fonctionnaire des lieux. C'est dire...

 

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