Publié le 12 Nov 2012 - 08:05
ABDOU SOW, LEADER DES JEUNES DU M23

''Si on ne dénonce pas les dérives de Macky...''

 

Les actes posés par le régime de Macky ne rassurent jusque-là pas le M23-jeunes. C'est du moins l'avis de leur leader Abdou Sow, qui en donne les raisons dans cet entretien avec EnQuête.

 

 

 

On a constaté que vous êtes de plus en plus critique vis-à-vis du nouveau pouvoir alors que vous étiez censé l’accompagner. Pourquoi ce changement de posture ?

 

Je ne pense pas qu’il y ait un réel changement par rapport aux misions du M23. Le M23 est partisan du peuple, pour la prise en charge de ses préoccupations. C’est dans ce cadre que toutes les forces vives s’étaient retrouvées autour d’un idéal, c’était-à-dire combattre Abdoulaye Wade en tant que tête de fil d’une gestion opaque basée sur la dilapidation des deniers publiques. Le président Macky Sall s’était inscrit dans cette dynamique. Après son élection, il y a eu un état de grâce pour voir les actes qu’il allait poser. Il s’agissait de redonner aux institutions de la République leur dignité, renforcer la démocratie, lutter contre la mal gouvernance. On a parlé de 400 milliards placés dans les paradis fiscaux et le Président avait promis de rapatrier cet argent. Dans sa démarche, on ne voit pas, pour le moment, les actions allant dans ce sens.

 

Pourtant, le procureur spécial de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) a tenu une conférence, jeudi pour faire le point sur l’état d’avancement des dossiers judiciaire. Êtes vous rassuré ?

 

C’est venu à son heure. Pour rassurer l’opinion, il fallait réagir. Maintenant, est-ce qu’il fallait citer des noms ? C’est là où on a des réticences

 

Pourquoi ?

 

C’est une façon d’exclure certains et en retenir d’autres.

 

Mais le procureur a précisé que la liste était loin d’être exhaustive...

 

Je pense qu’il fallait être plus discret. C’est un peu sensible. L’opinion peut l’interpréter comme de l’acharnement. En tout cas, on retient que c’est une bonne chose que la justice réagisse parce que l’opinion commençait à s’impatienter.

 

Le procureur semble épargner Aminata Niane de toute poursuite judiciaire. Il a déclaré que ce qui l’intéresse, ce n’est pas 100 millions mais plutôt des milliards...

 

C’est une erreur gravissime. Que se soit 1000 francs Cfa ou un milliard, c’est de l’argent publique. Toute personne qui a eu à gérer des deniers publics doit être auditée et rendre compte. Rappelons qu’en 2008, Macky Sall a été déchu de son perchoir pour avoir convoqué Karim Wade. Aujourd’hui, c’est ce même Macky Sall qui nous a ramené Aminata Niane (ex-directrice générale de l'Apix) au coeur des affaires. Or elle a été épinglée par le rapport de l’ARMP (Ndlr : il s'agit en fait de la Cour des comptes). C’est une contradiction qui nous fait peur. Cela ne témoigne pas de la sincérité du président de la République à respecter ses promesses électorales.

 

Le président dit l’avoir choisie pour ses compétences....

 

On ne discute pas de ses compétences, mais c’est une question de principe. Elle n’est pas la seule compétente dans ce pays. Cela veut dire que dans l’entourage du président, dans la société civile, personne n’a le profil pour gérer ce qu'il a confié à Aminata Niane. Macky devrait attendre au moins que la lumière soit faite sur sa gestion avant de la nommer.

 

Que pensez-vous du remaniement ministériel ?

 

On le salue s'il ne s'est agi que d'un remaniement-réaménagement. Mais on constate que la taille du gouvernement a augmenté alors que Macky s’était engagé à se limiter à 25 ministres. Et l’argent qui est économisé allait être réinvesti dans d’autres secteurs comme la bourse allouée aux familles pauvres, à la santé...

 

Le président a promis 500 000 emplois pour les 7 ans. Est-ce que vous avez senti les choses bouger en tant que jeune ?

 

Si on suit sa logique, normalement, 6 mois après on devrait se retrouver avec 30 000 emplois par mois. Ce qu’on dénonce, c’est qu’on ne peut pas régler le problème d’un groupe sans impliquer celui-ci. Nous jeunes qui vivons le chômage sommes mis à l’écart alors que nous avons assez d’expertise sur cette question. On ne sent pas les choses bouger. Le président ne se prononce pas sur ça. Nous voulons un cadre d’échange pour élaborer une politique d’emploi pour résoudre progressivement la question du chômage. Elle ne peut pas être réglée en 6 mois, nous le savons.

 

Vous avez fait de la libération des jeunes emprisonnés de Colobane et du M23 votre cheval de bataille. Où est-ce que vous en êtes avec ce dossier ?

 

Nous avons rencontré le Collectif des jeunes de Colobane, puis Me Mame Adama Guèye. Il n’a pas voulu aller très loin ; il nous a suggéré d’interpeller le groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar afin que les jeunes concernés soient amnistiés. Abdoulaye Wade a eu à amnistier des criminels, pourquoi pas ces jeunes qui bénéficient d’une présomption d’innocence. Ils défendaient une cause noble, la Nation leur est redevable. Macky Sall et Alioune Tine (président de la Raddho, et coordonnateur du M23) étaient engagés dans ce combat, malheureusement ils gardent le silence. Le président du groupe Benno Bokk Yaakaar a promis de nous recevoir. Jusqu’à présent, nous attendons.

 

On a noté des bisbilles entre le M23-jeunes et le M23-adultes. Cheikh Tidiane Dièye estime que votre structure est illégale...

 

Ce qu’ignore Cheikh Tidiane, ce sont les mêmes jeunes avec qui il tenait des réunions dans le bureau d’Alioune Tine. Le M23-jeune est né suite au constat de léthargie du M23. Nous avons tenu une assemblée générale pour redynamiser les structures et continuer cette dynamique de lutte pour la prise en charge des préoccupations des Sénégalais. Ce sont des jeunes qui se sont sacrifiés à chaque fois qu’il fallait affronter le régime de Wade. Mamadou Diop en a fait les frais (tué lors d'un des manifestation du M23 à Dakar). Certains se sont tus dans l’espoir d’avoir des avantages, d’autres ont reçu les leurs. On reconnaît leur mérite, mais ils ont fait le choix de se taire. Si on ne dénonce pas les dérives du pouvoir, qu’est-ce qui va le faire ?

 

Vous préparez un symposium sur la bonne gouvernance en partenariat avec le Forum civil. Quelle en est la pertinence ?

 

C’est rencontre sera l’occasion de faire l’état des lieux de la gestion des deniers publiques sous l’ancien régime. Et on ne doit pas donner aux auteurs de ces crimes économiques l’opportunité de revenir au pouvoir. Nous allons faire une campagne de sensibilisation sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption avec Mouhamadou Mbodj (Ndlr : coordonnateur du Forum civil, section nationale d'Amnesty international). Nous allons élaborer un projet commun pour encadrer les actions du président Macky Sall en matière de bonne gouvernance et de citoyenneté.

 

 

PAR DAOUDA GBAYA

 

 

 

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