Publié le 30 Jan 2012 - 16:18
ABDOULAYE MAKHTAR DIOP, MINISTRE D'ÉTAT, MINISTRE DES SPORTS (1ère partie)

''Je suis à l'écoute de la fédération''

Abdoulaye makhtar diop, Ministre d'État, Ministre des sports

 

Monsieur le ministre d'État, après l'élimination prématurée du Sénégal, quelle analyse faites-vous de la situation actuelle ?

 

En fait, c'est plus des impressions qu'une analyse. C'est la déception, c'est l'amertume, c'est la tristesse et même la colère qui m'habitent. Je ne sais pas maintenant quel est le mot le plus fort pour caractériser les ressentiments qui m'habitent. Déception parce qu'autant que je sache, depuis les éliminatoires, l'équipe nationale du Sénégal a été mise dans de bonnes conditions de préparation. Cela veut dire que c'est une politique constante du gouvernement qui a précédé même mon arrivée à la tête de ce ministère. Parce que pendant la phase éliminatoires, et surtout rappelez-vous ce match difficile avec le Congo qu'il fallait préparer à Lubumbashi, tous les moyens logistiques qui ont été mis en place jusqu'aux matchs de préparations contre le Soudan et le couac du dernier match contre le Kenya.

 

Donc c'est une politique constante du gouvernement d'encadrer l'équipe nationale après avoir tiré toutes les leçons du passé. Et si vous vous rappelez, à l'occasion de la remise du drapeau, le chef de l'État avait bien dit avoir donné des instructions pour que toutes les situations que nous avons connues dans le passé, qui pourraient saper le moral de l'équipe, soient surmontées.

 

Donc vraiment, je suis très très déçu, parce que toutes les conditions matérielles étaient retenues et réglées. L'autre élément de déception, comme tous les Sénégalais, j'avais pensé que nous avions une équipe capable de dignement représenter le Sénégal dans cette compétition et dans une poule où tous les préjugés nous plaçaient véritablement parmi les favoris. Si nous n'étions pas les favoris de la compétition, nous étions au moins les favoris de notre poule. Je suis sûr que les sportifs sénégalais ont le même sentiment que moi.

 

Je pense que l'évaluation de notre participation est très facile, parce qu'un match de football s'évalue à la fin du match, donc on n'a pas besoin d'attendre un mois pour évaluer. On évalue match par match, mais une défaite... comment on a perdu importe peu, c'est le constat qui est important. Le constant, c'est qu'en deux matchs, nous sommes éliminés. Et je crois qu'il faut attendre maintenant de tirer les conclusions.

 

 

Et selon vous, quelles devraient être les conclusions à tirer après cette élimination précoce ?

 

Je crois qu'il faut aller dans un nouveau cheminement. Le premier cheminement, c'est que l'équipe nationale du Sénégal a participé à une compétition, prépare d'autres échéances immédiates. Est-ce qu'elle est aujourd'hui telle qu'elle est configurée en situation de nous valoir, au-delà d'une qualification, une bonne participation aux prochaines compétitions ?

 

Parce que je crois que vous les techniciens du sport, vous vous rendez compte que, entre les préliminaires et le tournoi, il y a tout un monde. Éliminer le Cameroun et se faire battre par la Guinée Équatoriale pose le problème de la nature des compétitions et la psychologie des participants. L'autre élément, c'est que, et là, c'est véritablement les questions qui appellent elles-mêmes leurs réponses, la Fédération sénégalaise de football (Fsf) a entièrement, du point de vue administratif, du point de vue de la préparation, rempli sa mission, en demandant à temps les conditions nécessaires à la préparation et à la participation. Ce que le chef de l'État a fait.

 

Il reste maintenant à savoir, comme je l'ai dit à l'occasion de la conférence de l'Association nationale de la presse sportive (Anps), que ce n'est pas parce qu'une équipe a des joueurs disciplinés qu'elle gagne une compétition. Ce qui compte, ce n'est pas la discipline, mais d'être performants.

 

Alors, les conditions de la performance ne sont pas seulement matérielles et financières. La preuve a été vue aujourd'hui. Il faut aller chercher la réponse à la question à savoir : Après les aspects financiers et matériels où sont les conditions de la performance ? Et qui doit les mettre en place ?

 

 

Alors aujourd'hui, tous les regards se tournent vers le sélectionneur national Amara Traoré. C'est vous qui l'engagez et le payez. Quel avenir pour le sélectionneur, quand on sait qu'il n'a pas atteint les objectifs fixés par les fédéraux ?

 

Je vous avais aussi dit à l'occasion de cette conférence que le gouvernement ne fixait pas les objectifs de la sélection nationale, que c'est la fédération qui le faisait. C'est elle qui signe un contrat avec l'entraîneur et le gouvernement l'approuve pour son exécution. Il faut qu'on reste dans la procédure et qu'on respecte le protocole de cette procédure.

 

Non pas que le gouvernement ne prenne pas ses responsabilités, mais restons dans l'étape. La première responsabilité est celle de la fédération. Je suis à l'écoute de la fédération et quand elle prendra une décision, le gouvernement avisera et pas le contraire.

 

 

Et compte tenu de toute votre expérience, à votre avis, en de pareilles circonstances, quelle est l'attitude à avoir par rapport au sélectionneur national ?

 

Il n'y a pas une logique linéaire. Et ce sont des logiques liées à des circonstances. Quand j'étais ministre des Sports, c'est le ministre des Sports et le gouvernement qui avaient directement recruté Claude Leroy. C'est le ministre des Sports qui avait directement signé le contrat. Dans les circonstances que nous vivons, c'est la fédération qui a signé un contrat avec l'entraîneur. Donc restons sur le protocole et nous restons à l'écoute de la fédération.

 

''Vos questions auront leurs réponses très rapidement''

 

Mais s'il est vrai que le sélectionneur national est un employé de la fédération, vous avez approuvé la clause de performance qui a été introduite. C'est à vous d'approuver en dernier ressort. Vous êtes d'accord que le minimum demandé à cette sélection était les demi-finales, or cet objectif n'est pas atteint. Est-ce que le ministre des Sports n'a pas son mot à dire par rapport à cette chose ?

 

Nous avons notre mot à dire après la fédération, pas avant. C'est comme cela qu'il faut le comprendre. Le gouvernement n'a pas à évaluer l'entraîneur. C'est comme dans le cadre un peu des liens que nous avons dans un autre secteur de l'éducation. Par exemple, c'est le proviseur ou le censeur qui note le professeur, ensuite le ministre de l'Éducation fait la promotion ou la rétrogradation. Donc si cette comparaison peut être pédagogique, on s'en tient à cela.

 

 

Et si la fédération décide de maintenir Amara Traoré, quelle sera la position du gouvernement ?

 

Il ne faut pas spéculer, attendons de savoir ce que la fédération va faire. Je vous avais dit : quand on gouverne, on fait attention à tout et on prête attention à tout. Donc, on reste entre ces deux bornes pour garder l'esprit tranquille. Je crois que les joueurs, l'entraîneur, la fédération sont assez choqués par cette défaite pour ne pas aujourd'hui en rajouter. Il nous reste un dernier match, même si nous sommes déjà éliminés. Donc toutes les questions que vous posez auront leurs réponses très rapidement.

 

 

Vous étiez déjà ministre des Sports en 92, et le Sénégal avait été éliminé en quart de finale à domicile. Vingt ans après, vous redevenez ministre des Sports, et les Sénégalais sont éliminés dès le premier tour. Quelle est la déception la plus grosse pour vous ?

 

L'oubli à ceci de particulier qu'il efface les sentiments. Vous savez, généralement quand il y a un deuil, l'adage en wolof dit que ''gëna metile amul, gëna beesle moo am'' (Aucun fait n'est plus dur, c'est le plus récent qui l'est). Il est très difficile de faire la comparaison, mais notez simplement que le ministre qui est à ce département souhaiterait avoir de très bons résultats, surtout que les conditions de 2012 sont incomparables avec tout ce qui se faisait dans le passé.

 

Je crois que l'équipe du Sénégal est la seule à être descendue en Guinée Équatoriale avec un vol spécial. Elle est la seule aussi a avoir, en plus d'une prime de qualification, obtenu une prime de participation à la compétition, il faut le vérifier. Donc c'est simplement pour dire que la motivation n'est pas que matérielle et financière. Et pour répondre à votre question, véritablement, je ne peux pas faire la comparaison, sur cette large plage, mais retenez que la déception, elle est très forte.

 

 

En 92, on a entendu dire que le Sénégal est un pays de sport et qu'il fallait en faire un pays de champions. Vingt ans après, on n'a pas tellement bougé... apparemment.

 

En fait, quand cela s'applique au football, votre réflexion est parfaitement valable. Mais appliqué au sport sénégalais d'une manière générale, on peut dire que nous avons avancé. Effectivement nous sommes un pays de sportifs, il faut que nous en fassions un pays de champions et aujourd'hui, je crois que nous sommes sur la voie.

 

Ce qui nous manquait, c'était justement les moyens financiers, les infrastructures, les moyens matériels, les ressources humaines. Dans tout le secteur du sport, aujourd'hui, si vous faites la comparaison, avec les années 80 d'abord, le panel ou le faisceau de journalistes sportifs s'est largement ouvert. Aujourd'hui, ce que nous avons comme joueurs expatriés, ce que nous avons comme binationaux, le potentiel que nous avons sur place et qui a été démontré à l'occasion du tournoi de l'Uemoa, le potentiel que nous avons dans les équipes de formation avec l'Institut Diambars, pour parler du football, nous laisse entrevoir que si nous continuons d'appliquer cette même politique, nous serons, en tout cas pour le football, de grands champions...

 

Ndiassé SAMBE (Envoyé spécial à Bata)

 

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