Publié le 23 Nov 2018 - 21:22
ABUS DE CONFIANCE, BLANCHIMENT ET DETOURNEMENT

Un agent commercial attrait pour un trou de 514 343 000 F CFA

 

4 ans ferme. C’est la peine requise hier par le parquet contre l’ex-agent commercial d’Imafer, une société spécialisée dans la vente de fer établie au Mali. Charbel Youssef Ayache est accusé d’avoir usé de faux et détourné la somme de 514 343 000 F CFA, mais son ex-employeur lui réclame 700 millions.

 

Mounir Kawar et Charbel Youssef Ayache étaient en collaboration au Mali. Aujourd’hui, c’est devant la barre du tribunal correctionnel de Dakar qu’ils soldent leurs comptes. Selon le premier, patron de Imafer, une société spécialisée dans la fabrication, la transformation et la commercialisation du fer à béton, son ex-agent commercial a détourné de l’argent pour ensuite se terrer au Sénégal. Selon Kawar, Ayache a usé de faux et a réussi à détourner la somme 600 millions arrêtée à 514 343 000 F CFA, après instruction. Dans sa plainte déposée à la Division des investigations criminelles (Dic), il a déclaré que son ex-employé profitait de sa qualité d’agent commercial pour détourner les commandes régulièrement faites par certains clients pour ensuite les revendre à de vils prix.

Son modus operandi consistait, d’après le plaignant, à appeler les chauffeurs de camion commis pour acheminer les marchandises pour leur demander de changer de destinataires. Il leur faisait croire qu’il agissait sur ordre du Directeur général. De ce fait, il récupérait les bordereaux de livraison qu’il se chargeait lui-même de viser, en utilisant de cachets contrefaits et en imitant sa signature. Selon toujours les accusations de Kawar, Ayache passait aussi des commandes fictives au nom de certains clients de la société pour ensuite détourner la marchandise pour la revendre ailleurs. Ou se présentait chez des clients pour un prétendu recouvrement et leur octroyait des rabais.

 Après avoir découvert ces faits, lors d’un contrôle des comptes, la partie civile a confié aux enquêteurs que l’agent commercial a reconnu les faits au cours d’une réunion tenue à Bamako. Il aurait énuméré des biens acquis avec l’argent détourné, dont des terrains à Thiès, des voitures et le versement d’un acompte de 70 millions pour une maison aux Mamelles.  A en croire Kawar, après les aveux, le prévenu a remboursé à hauteur de 78 007 320 F CFA, avant de quitter le Mali sans l’avertir. Le prévenu s’est installé, selon ses dires, en Guinée Bissau avec de courts séjours à Ziguinchor et à Mbour où résident son épouse et ses enfants. C’est pourquoi, il a déposé sa plainte au Sénégal.

Le prévenu se défausse sur les clients

Autant d’accusations contestées par le prévenu attrait hier, pour abus de confiance, escroquerie, blanchiment et faux et usage de faux. A l’enquête, Ayache a soutenu n’avoir aucun lien avec les chauffeurs, au point de leur demander de changer de destinataires. Il a contesté les accusations de rabais et de contrefaçon du cachet du DG. Le prévenu ne s’est pas limité à ces contestations. Il a fait des déballages en affirmant que les sociétés Sodevco et Gtc ont été créés à la demande de Kawar pour échapper au fisc malien. Et c’est l’une des raisons qui l’avait poussé à quitter le Mali, car il craignait des poursuites judiciaires. La seconde raison de son départ est liée aux menaces que son ex-patron proférait contre lui.

Hier, à la barre de la deuxième chambre du tribunal correctionnel de Dakar, le prévenu a réitéré ses dénégations. Pour se tirer d’affaire, Ayache s’est défaussé des clients qui n’auraient pas payé. Aussi a-t-il contesté les 600 millions pour ne reconnaître qu’un gap de 122 millions F Cfa. Mais, il a été chargé par le témoin, le responsable des achats. ‘’Il a reconnu devant moi qu’il a pris de l’argent. Il a avoué avoir commis des forfaits. Il a reconnu avoir détourné de l’argent. Lorsque nous nous sommes rendus sur le terrain faire la confrontation avec les clients, il a reconnu les faits’’, a témoigné Ousmane Guèye.

Confortés par ce témoignage ainsi que la déclaration de leur client absent, les avocats de Kawar ont réclamé la somme de 700 millions au titre de dommages et intérêts. Le représentant du parquet est également convaincu de la culpabilité du prévenu qu’il a qualifié de quelqu’un de versatile. Pour le substitut Pape Ismaïla Diallo, toutes les infractions sont établies. ‘’Le Malien Lansana Sylla a déposé une plainte en confirmant la commande de fer d’une valeur de 13 millions de F CFA qui n’ont pas été reversés’’, a-t-il avancé pour étayer l’escroquerie. Jugeant les faits graves, il a requis 2 ans pour l’abus de confiance, 2 ans pour l’escroquerie, 3 ans pour le faux et 4 ans pour le blanchiment. Toutefois, il a demandé la confusion des peines, notamment 4 ans, ainsi qu’une amende estimée au triple des biens saisis ainsi que la confiscation de ceux-ci.

 ‘’Avant qu'on puisse attraire une personne, il fallait au moins une expertise pour éclairer le tribunal’’, a répliqué Me Mamadou Seck. Son confrère Me Ibrahima Ndiaye, estime qu’il s’agit d’un dossier qui semble être lourd mais il a été monté. ‘’Où est la preuve de la remise des 700 millions ?’’, s’est-il demandé tout en soulignant que les 4 ans requis ne se justifient pas. Quant au troisième conseil de Ayache, il a écarté le délit de blanchiment en se demandant comment une personne dont les enfants ont été exclus de l’école peut-elle commettre ce délit.

Le juge Magatte Diop et ses assesseurs rendront leur décision le 13 décembre prochain.

FATOU SY

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