Publié le 16 Nov 2018 - 01:16
ACADÉMIE DE LA PÊCHE

Un pont entre pêcheurs et universitaires

 

Les pêcheries artisanales et le monde de la recherche conventionnelle pourront bientôt se parler, grâce aux activités de l’Académie de la pêche lancée hier à l’Ucad.

 

Une académie de la pêche artisanale a été lancée, hier à Dakar, sur initiative de Modus Maris. Selon l’anthropologue Alioune Sall, l’objectif est de créer un espace de dialogue et d’échange entre la recherche conventionnelle et les acteurs du milieu. D’après cet économiste de la pêche, tout ce qui a été écrit sur le secteur pour expliquer le fonctionnement des pêcheries n’intègre pas la dimension sociale de l’activité. ‘’Il y a une approche économiste de la pêche. Il y a plus de publications sur le poisson, les espèces que sur l’humain. Or, on ne peut pas cerner l’activité, si on n’essaie pas de comprendre la relation entre le pêcheur et l’environnement’’, souligne-t-il.

De la même manière, relève le professeur Cheikh Mouhamed Fadel Kébé, Directeur d’Unodev, beaucoup se fait à l’université et devrait intéresser les acteurs de développement. Seulement, ces derniers ne sont pas au courant de ce qui se passe dans ce monde qui semble fonctionner en vase clos. D’où la nécessité de créer un pont entre les deux sphères. ‘’Nous devons ouvrir l’université à la société’’, préconise-t-il. L’enjeu, ici, est surtout lié à un problème de visibilité des pêcheurs. Ces derniers ont du vécu et de la connaissance. Ils ont donc quelque chose à partager avec le monde universitaire.

Mais faudrait-il que les chercheurs issus de l’université acceptent qu’ils n’ont pas le monopole du savoir, quel que soit le domaine. Qu’ils se départissent d’un certain complexe de supériorité pour reconnaitre une certaine légitimité aux acteurs sur le terrain. ‘’La recherche conventionnelle ne suffit pas. Je reste convaincu que les pêcheurs connaissent mieux les mouvements de poissons. Nous allons encourager les initiatives, avoir des activités entre connaisseurs ethno-scientifiques et les chercheurs conventionnels’’, selon Alioune Sall. L’académie veut, en fait, innover, trouver des relais d’opinion réellement sur le terrain et non ces gens qui ont la légalité sans avoir nécessairement la légitimité. Si l’on en croit M. Sall, ce sera aussi l’occasion de divulguer davantage les textes sur la pêche, comme les directives. Mais aussi discuter de ce que M. Sall appelle les ‘’tabous’’, c’est-à-dire la relation entre ‘’la loi au singulier et les droits au pluriel’’.

Chapelet de doléances

L’opportunité a été saisie, hier, par les pêcheurs, pour revenir sur quelques difficultés du secteur, notamment l’absence de complexe de conservation de poisson dans un quai aussi important que celui de Guet-Ndar, à Saint-Louis.  Un des acteurs a regretté qu’il n’y ait même pas de chambre froide sur place. De même, l’implantation tous azimuts d’usines de poisson inquiète les pêcheurs. Mor Mbengue, venu de Cayar, estime qu’il y a une incohérence entre l’objectif de pêche durable proclamé par l’Etat et l’acceptation de ces installations industrielles. Les pêcheurs regrettent également la discrimination en leur défaveur. Mme Ndoye, une femme transformatrice, a fait remarquer que les paysans bénéficient de soudure en cas de mauvaises récoltes, les éleveurs aussi, dans certaines conditions. Alors que les pêcheurs n’ont jamais eu un tel appui.

BABACAR WILLANE

 

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