Publié le 15 Dec 2020 - 23:19
ACCAPAREMENT DES TERRES AU SÉNÉGAL

Les collectifs de défense sifflent la fin de la boulimie foncière

 

 
En conclave à Thiès, les 13 et 14 de ce mois, les collectifs de lutte contre les accaparements de terres au Sénégal ont dit toute leur détermination et engagement à mettre un terme aux nombreux bradages fonciers. Pour ces organisations, c’est un ‘’combat pour la vie, la dignité et l’honneur’’.
 
 
D’Est en Ouest et du Nord au Sud, le Sénégal et les Sénégalais, assaillis par les prédateurs fonciers, souffrent le martyre. Dans cette frénésie foncière, il ressort que l’axe Dakar-Mbour-Thiès reste le triangle préféré des ‘’accapareurs’’ de premier rang. La danse foncière s’y effectue sans relâche, avec des spoliateurs qui n’hésitent pas à faire main basse sur des milliers d’hectares et, souvent, au grand dam des agriculteurs laissés à eux-mêmes. Les collectifs de lutte contre les accaparements disent stop à toutes formes d’expropriation foncière au Sénégal.
 
Venus de toutes les régions du Sénégal, ces derniers se sont donné rendez-vous à Thiès pour un atelier de renforcement de capacités afin de mieux affiner les stratégies de lutte contre le bradage des terres. Pendant deux jours, les défenseurs de la terre au Sénégal ont discuté de toutes les questions et échangé sur les bonnes pratiques de lutte et de plaidoyers en matière de gestion des ressources naturelles. Dans la déclaration dite de Thiès lue par le Dr Mamadou Alassane Bâ du collectif de Dodel, dans le département de Podor, lesdits collectifs ont dit l’impératif de préserver les ressources naturelles du pays, ‘’vu les enjeux de développement durable auxquels font face les communautés’’.
 
Pour eux, la terre et les ressources naturelles sont indispensables ‘’à la vie et aux activités socio-économiques incontournables pour assurer la sécurité alimentaire et lutter contre la pauvreté et la faim’’. Aussi, rappellent-ils que le fait de faire main basse sur des milliers d’hectares peut engendrer des conséquences désastreuses. Ces dernières, estiment-ils, si l’on n’y prend pas garde, peuvent plonger beaucoup de zones dans une ‘’pauvreté et une vulnérabilité sans fin’’.
 
En s’appuyant sur tous ces éléments précités, les collectifs de lutte contre l’accaparement des terres au Sénégal ont réitéré leur engagement au sortir de l’atelier de Thiès, à renforcer leur détermination dans la lutte pour sauvegarder le patrimoine foncier et les ressources naturelles du pays ‘’par tous les moyens légaux que l’Etat de droit met à (leur) disposition’’. Dans cette même perspective, ils ont décidé de ‘’continuer à porter haut le flambeau de la lutte contre toutes les formes de confiscation des terres sénégalaises’’.
 
Ainsi, la rencontre de Thiès a suscité des initiatives nouvelles. Pour mieux sécuriser le patrimoine foncier et les ressources naturelles, les collectifs de lutte contre l’accaparement des terres entendent travailler main dans la main et mutualiser leurs moyens et expériences ‘’pour barrer la route aux accapareurs’’. Par la même occasion, le Dr Mamadou Alassane Bâ et Cie ont appelé l’État du Sénégal ‘’à veiller à un meilleur respect des droits des communautés sur leurs ressources foncières et à protéger les femmes et les hommes engagés dans la sécurisation foncière en faveur des communautés’’.
 
‘’Donner à quelqu’un 26 000 hectares, c’est démentiel…’’
 
Le coordonnateur du collectif Saam sa Moomel’,’ dans la commune de Keur Moussa, a soutenu qu’il ne sera plus permis à quiconque de s’approprier des terres d’honnêtes citoyens de ce pays. De plus, il a indiqué que la feuille de route clairement définie à partir de Thiès va mettre fin à de telles pratiques sur toute l’étendue du territoire sénégalais. ‘’Nous sommes prêts à défendre nos terres. Nous allons lutter contre tous ces accapareurs fonciers. Personne ne peut surgir de nulle part pour prendre aux paysans toutes leurs terres. Ça, c’est fini. Et nous lançons un appel au président de la République, Macky Sall, pour lui dire que les collectifs qui combattent cette injustice au Sénégal ont décidé de travailler ensemble pour protéger le patrimoine foncier. Nous lui demandons gentiment de nous prêter une oreille attentive’’, a déclaré Ousseynou Ciss. Il a tenu à préciser que ses camarades et lui sont prêts à faire face aux prédateurs fonciers qui sillonnent les régions du pays à la recherche d’hectares. Il assure que tout cela va cesser.
 
Mais, en réalité, combien de zones sont attaquées par les spoliateurs fonciers ? Le coordonnateur du collectif Saam sa Moomel’’ répond : ‘’Il fut des moments, on ne parlait que de quelques zones. Mais, aujourd’hui, c’est tout le pays qui est concerné par ce phénomène. Cela dit, les prédateurs fonciers sont partout. Le problème est général.
 
Si on n’arrête pas toute cette boulimie foncière pendant qu’il est encore temps, beaucoup de citoyens et les générations futures risquent de se retrouver avec un lopin de terre.’’ Son camarade Ibrahima Diatta de la plateforme locale de l’eau de Diender-Kayar va plus loin et affirme que cet ‘’acharnement extraordinaire sur le foncier au Sénégal, constaté depuis 15 à 20 ans’’, va cesser afin de permettre aux 70 % d’agriculteurs sénégalais de continuer de vivre de leur activité sans inquiétude aucune. Il défend que les ‘’gros bras qui débarquent de nulle part, tordant même la procédure légale pour accaparer les terres’’, ne doivent plus continuer à vivre sur le dos d’honnêtes citoyens. Monsieur Diatta demande à tous de ne pas accepter que les autochtones deviennent des étrangers dans ce pays. ‘’On sait qu’il y a une relation filiale entre la terre et l’individu qui crée sa culture. On est dans un système d’acculturation qui ne dit pas son nom.
 
On ne doit pas accepter de devenir des étrangers dans notre pays. Il est temps qu’on restaure ces terres-là aux ayants droit. Quand, dans un pays, on donne à quelqu’un 26 000 ha (dans le Walo), 96 000 m2, c’est démentiel. Donc, dans certaines zones, des villages risquent d’être rasés. Maintenant, nous avons formé un groupe pour dire non à tout cela’’, a prévenu Ibrahima Diatta, insistant sur le fait que donner une telle superficie à un individu, c’est encourager les jeunes et tout le monde à quitter ce pays.
 
GAUSTIN DIATTA (THIES)

 

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