Publié le 13 Jun 2018 - 17:51
ACCES FRAUDULEUX DANS UN COMPTE BANCAIRE

La gestionnaire, les 12 millions et la double identité du plaignant 

 

Une gestionnaire de compte à la Cbao a comparu, hier, à la barre du tribunal correctionnel de Dakar. Elle est accusée d’avoir pompé 12 millions du compte d’un marabout qui, malheureusement, a deux identités dont une fausse. La dame encourt 2 ans dont 8 mois ferme, tandis que le second risque 2 ans dont 6 mois ferme.

 

L’arroseur arrosé. C’est qui est arrivé au marabout malien Sékou Kanta. Celui-ci avait fait une réclamation auprès des responsables de la Cbao, après avoir remarqué des retraits frauduleux effectués dans son compte. Au total, il a été débité de la somme de 12 245 000 F Cfa. Suite à sa réclamation, un audit interne a été effectué à l’agence Cambérène. Après contrôle, la vérification a révélé que la gestionnaire de compte, Aïssatou Thiam, était l’auteure des ponctions. Les auditeurs ont également découvert que le plaignant possède un second compte, à l’agence Pikine, avec une autre identité. Devant ce cas flagrant de faux et de retraits frauduleux, le 9 mars 2017, la banque a déposé une plainte contre le client et contre l’agent.

L’enquête ouverte par la Sûreté urbaine de Dakar a permis de découvrir que l'acte de naissance sur la base duquel Sékou avait obtenu la carte nationale d’identité sénégalaise sous le nom de Salif, était faux. Interrogé, Sékou a reconnu les faits de faux et usage de faux, en précisant qu’un certain Ibrahima Sera lui a confectionné les documents sénégalais. Pour limiter sa responsabilité pénale, il a prétendu que c’était pour pouvoir exercer facilement ses activités de charlatan dans les pays arabes qu’il fréquente assidûment. Selon ses justifications, dans ces pays, son prénom Sékou, qui signifie littéralement ‘’Sheikh’’ en arabe, est mal vu, car il est l'expression péjorative de charlatan. Tout compte fait, il souhaiterait également monnayer ses dons à Dubaï et dans d’autres pays arabes.

La gestionnaire se dit envoûtée

Quant à Aïssatou Thiam, elle a avoué les retraits frauduleux dans le compte jusqu'à hauteur de 12 245 000 F Cfa. Elle aurait confessé aux enquêteurs que, lorsque le pot aux roses a été découvert, elle a signé une reconnaissance de dette remise à Sékou et entrepris de rembourser. Par la suite, elle s’est ravisée en soutenant que les retraits ont été effectués par l'épouse de Kanta. Elle est revenue sur ses deux déclarations en alléguant être envoûtée. Entendue, Tata Kanta, épouse Sékou, a contesté les retraits, en soutenant que son mari lui envoyait directement de l'argent depuis l'extérieur. Par conséquent, elle n'avait pas besoin de se rendre à la banque pour des opérations.

Comparaissant seule hier à la barre du tribunal correctionnel de Dakar, Aïssatou Thiam a voulu faire porter le chapeau à son co-prévenu et son épouse. Poursuivie pour introduction et maintien frauduleux dans le système informatique dans la banque et obtention d'avantages par introduction frauduleuse dans un système informatique, l’ex-agent de la Cbao a déclaré avoir effectué les retraits en présence soit du mari, soit de l’épouse de celui-ci. ‘’Je faisais les retraits en sa présence ou sa femme venait. Il me présentait un passeport. La carte d’identité sénégalaise, il me l’a présentée une seule fois, et c’était par mégarde. Il devait se rendre à Paris. Lorsqu’il s’en est rendu compte, il s’est énervé. Il l’a reprise et m’a remis le passeport’’, a expliqué la prévenue.

A l’en croire, Sékou avait commencé à la faire chanter et à l’envoûter. Profitant de leur proximité, le charlatan l’envoûtait avec des bains mystiques, depuis qu’elle avait découvert sa fausse identité. La dame accuse également son co-prévenu de lui avoir fait des avances. Son système de défense n’a pas convaincu le substitut Seydina Oumar Diallo qui a requis 2 ans dont 8 mois ferme contre elle. Contre Sanka, il a demandé 2 ans dont 6 mois ferme pour les faits de complicité de faux dans des documents administratifs et écritures publiques authentiques.

Même si leur cliente a déjà purgé sa peine au cas où le tribunal suivra le parquet, la défense a cherché à démonter les accusations. Selon Me Mamadou Guèye, le délit d’introduction et maintien frauduleux dans le système informatique dans la banque ne peut être retenu contre leur cliente, au regard de son statut de gestionnaire de compte qui lui donne un accès à celui-ci. L’avocat a écarté l’obtention d'avantages par introduction frauduleuse dans un système informatique, puisque la prévenue a remis l’argent à son propriétaire. Tout ce qu’on peut reprocher à Aïssatou Thiam, selon Me Guèye, c’est une faute professionnelle, car elle devait avoir une procuration, lorsqu’elle remettait des fonds à l’épouse de Sékou Kanta. D’ailleurs, elle a été déjà sanctionnée par la banque qui l’a licenciée. 

Me Khassimou Touré s’est beaucoup attardé sur l’escroquerie qui avait été retenue initialement, en soulignant qu’il y avait une relation de confiance entre les deux prévenus. Aussi, a-t-il sollicité une application bienveillante de la loi.

Le tribunal rend le délibéré le 26 juin prochain.

FATOU SY

 

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