Publié le 29 May 2016 - 08:57
ADAMA BA, EX-MAIRE DE FASS-COLOBANE-GUEULE TAPEE

‘’Il n’y a que les morts qui sont absents aux grands rendez-vous’’

 

Ex-militant du Parti démocratique sénégalais (Pds), Adama Ba chemine aujourd’hui avec le président de la République, Macky Sall. Mais l’ancien maire de la commune de Fass-Colobane-Gueule Tapée n’a en rien perdu de sa liberté de ton. Dans cet entretien avec EnQuête, il descend en flammes Idrissa Seck, Pape Diop et Malick Gackou qui ont décidé de boycotter le dialogue national d’aujourd’hui. Selon l’actuel président du Conseil d’orientation de la délégation générale des pôles de développement urbain de Diamniadio et du Lac rose, ‘’il n’y a que les morts qui sont absents aux grands rendez-vous’’.

 

Le président de la République a convié l’ensemble des segments de la société à un dialogue national qui s’ouvre ce samedi. Comment appréciez-vous cette initiative ?

Il est de coutume dans notre pays, que le président appelle autour de lui à un consensus. Ce consensus engendre une large dimension toute relative selon les secteurs de la vie. Car un président de la République est confronté en général à un problème d’encerclement économique et en particulier de banqueroute. Puisqu’il n’est pas arrivé dans notre pays qu’un chef dise : j’ai trouvé de l’argent dans les caisses sauf par affabulation.

 La situation actuelle du pays est-elle à ce point qu’elle nécessite un dialogue national ?

C’est une question de terminologie. Mais le dialogue doit être permanent. La communion sur le plan des idées et de la pratique est une condition sine qua non pour apaiser le climat social dans notre pays.

Le gouvernement, en plus d’appeler au dialogue, a envoyé des réquisitions aux enseignants grévistes. Est-ce que cela participe à une volonté d’apaiser le climat social ?

Vous savez très bien que l’avenir de ce pays appartient aux jeunes. Le droit de grève est consacré par nos dispositions. Mais nul n’a le droit de sacrifier l’avenir de ce pays. Les enseignants vont en grève et malgré tout, on ne leur coupe pas le salaire. Il s’y ajoute que quand ils veulent, ils y vont et quand ils ne veulent pas, ils font de la rétention des notes. Aujourd’hui, ont-ils le droit de garder par devers eux les notes qui consacrent l’effort des élèves, par-delà le sacrifice familial, pour que ces enfants sortent du bout du tunnel tout en continuant à revendiquer leurs droits entre guillemets.

N’est-il pas contradictoire, selon vous, d’appeler à un dialogue national et vouloir sévir en même temps contre les enseignants ?

Le dialogue n’a rien à voir avec la sédition. Il s’y ajoute que l’Etat n’a pas sévi. Il a sorti un langage intentionniste. Il faut que les gens sachent raison garder. Les syndicalistes ont le droit d’aller en grève mais ils n’ont pas le droit de garder par devers eux le bien appartenant à l’Etat notamment les moyens mis pour que nos enfants soient bien instruits et bien éduqués.

Certains partis comme le Rewmi d’Idrissa Seck, le Grand parti de Malick Gackou, la Convergence libérale démocratique de Pape Diop et le Mouvement de Moussa Touré ont décliné l’invitation du président de la République. Comment jugez-vous leur position ?

Pensez-vous que les Sénégalais sont une marchandise et que les militants politiques sont des moutons de panurge attachés aux cordes de leurs responsables ? Nous sommes 14 millions de Sénégalais. Si entre toutes les nécessités du temps présent, trois personnes se singularisent dont Idrissa Seck que vous avez cité, Pape Diop et Malick Gackou, qu’est-ce que cela représente sur la balance. En matière d’élection, les cartes on ne les pèse pas, on les compte. La carte du malade mental a la même valeur que celle du président de la République une fois que c’est dans l’urne. Aujourd’hui, le plus important en matière de course, n’est-il pas le trio gagnant. Si les derniers des derniers s’illustrent dans leur absence, mais c’est tant mieux. De toutes les façons, ce n’est pas la volonté du président. Macky Sall voudrait appeler l’ensemble des Sénégalais autour d’une table pour discuter et voir comment sortir le Sénégal de sa situation actuelle.

Idy, Pape Diop, Gackou parlent tous de folklore, de mascarade et de palabre pour qualifier ce dialogue. Qu’en pensez-vous ?

J’ai comme l’impression qu’ils veulent aujourd’hui insulter le peuple sénégalais. Lorsqu’il y a même une bagarre, les sages convient les partis à dialoguer. Lorsque quelqu’un dit : moi je ne participe pas au dialogue, il rejette toute possibilité de participer à l’apaisement du climat social dans notre pays.     

Encore que nous ne sommes pas en situation de guerre ou de désarroi. Nous sommes seulement étreints par des difficultés auxquelles tous les pays sont liés. Le président tient de Dieu et de la Constitution le pouvoir de mener, d’indiquer et de donner la direction par laquelle le pays doit passer. Malgré tout, il dit : venez, on dialogue. Mais il faut que les gens viennent d’abord. C’est à table qu’ils peuvent donner des idées ou dire : on n’est pas d’accord sur ça. Au Sénégal, on dit toujours non et on ne dit jamais pourquoi le non ; simplement pour s’illustrer politiquement, pour ne pas montrer qu’on est mort. Il n’y a que les morts qui sont absents aux grands rendez-vous.

L’affaire Bictogo, les gens en parlent. L’ex-Premier ministre Abdoul Mbaye a fait une sortie au cours de laquelle il s’est dédouané tout en invoquant la responsabilité du président de la République. Quel est votre avis sur cette question ?

Le Premier ministre Abdoul Mbaye, j’ai beaucoup de respect pour lui. Mais c’est un coutumier du fait. Quand il venait d’arriver, les gens avaient brandi son accointance avec Hissein Habré du fait de l’argent dont on disait qu’il avait amené ici. Avec de la technicité bancaire, il s’en est lavé. C’est de la même manière qu’il va se laver dans l’exercice de son occupation de poste de Pm jusqu’au jour où il fut remplacé par Aminata Touré. Quelqu’un qui a bu la moitié de la tasse, peut-il dire que ce n’est pas de bonne saveur. C’est la question que je pose au peuple sénégalais. Abdoul Mbaye a été Pm, tout le monde connaît les réunions préparatoires de conseil à l’intérieur, ses sorties, ses déclarations mirobolantes, le beurre qu’il avait mis autour de l’action du président de la République. Si aujourd’hui c’est lui qui se met en marge et en retrait pour décrier ce qu’il a peint avec des pinceaux en diamant, mais je ne sais plus à quel tableau de Picasso me fier.                                         

Cette affaire Bictogo n’est-elle pas aujourd’hui un scandale ?

Le Président, je ne sais plus si c’est Abdou Diouf, mais je ne veux pas lui faire porter le chapeau, quand il est venu, il avait dissous l’Office national de commercialisation des oléagineux qu’on appelait Oncad. Abdoulaye Wade, quand il est arrivé, il a tout de suite résilié le contrat d’Hydro Québec à la Senelec. Le Président Macky Sall, quand il vient, il trouve un contrat en utilisant les principes de la moyenne mobile, un principe élémentaire d’économie politique, en voyant que si le Sénégal s’y engage, il a plus à perdre qu’à gagner, mais il s’arrête. Il paie et puis il s’en défait. Hydro Québec c’était exactement le cas. Lorsqu’Abdoulaye Wade est arrivé au pouvoir, il a trouvé que le gouvernement sortant avait bradé la Senelec. Wade a cassé le contrat. On a pris énormément d’argent, on a payé à Hydro Québec. C’est un mauvais souvenir. Dans cette affaire de Bictogo, si l’Etat du Sénégal accepte de décaisser 13 milliards, c’est parce qu’il sait qu’il vaut mieux rétrocéder cette somme sans sortir la tête haute que de continuer tout en perdant. C’est mon point de vue, je ne suis pas un économiste parce qu’un domaine, quand on ne le connaît pas, on ne s’y aventure pas.

Depuis la publication du rapport 2015 de l’Ofnac, on a noté une levée de boucliers des gens du pouvoir contre Nafi Ngom Keita qui, pour certains organismes, n’a rien fait d’autre que son travail. Est-ce que la présidente de l’Ofnac mérite ce procès ?

On ne peut pas vouloir quelque chose et son contraire. J’aime le respect des règles de préséance. Quand on épingle quelqu’un, il est en droit, lui aussi, de donner une version. Maintenant au législateur de tirer les conclusions. Mais le peuple sénégalais s’est réveillé avec un rapport qui épingle beaucoup de gens. Quand j’étais le maire de la commune de Fass-Colobane-Gueule Tapée, les inspecteurs des opérations financières, du fait de ma largesse, de ma bonté et de tout ce que je donnais comme argent, m’ont audité. Mais on m’a donné l’occasion de prouver que je n’avais rien fait. Et Dieu avait fait que je n’avais rien fait. Quelqu’un qui détient les deniers de l’Etat qui n’appartiennent pas au président de la République mais au peuple sénégalais, lorsque l’enquêteur trouve, par une écriture comptable, des manquements, il peut lui demander des explications. C’est mon point de vue. Maintenant, la contradiction appartient à ceux qui tirent les conclusions.

Comment comprenez-vous que dans un pays où il y a des difficultés au niveau de l’éducation avec la grève répétitive des syndicats des enseignants, qu’un directeur comme celui du COUD sort 89 millions F CFA pour financer la venue du président de la République à l’université ?

Acceptez l’évidence, c’est prendre une position. Or, aujourd’hui, je ne suis ni du côté du directeur du COUD ni du côté de Madame de l’Ofnac. Je suis du côté de la probité morale, du côté de la justice. Si tant est-il que les choses sont avérées, à la justice d’en prendre la responsabilité.

Quelle suite donner à ce rapport ?

Il faut apporter la preuve des accusations. Parce qu’on ne peut pas juger quelqu’un si on ne l’écoute pas. Il faudrait qu’on leur permette d’apporter la contradiction et maintenant, la justice tire les conclusions. Moi en tout cas, je suis pour la punition de ceux qui ont fauté parce que le pays est le nôtre.

Peut-on aujourd’hui parler de  rupture dans la manière de gouverner ?

S’il est avéré que les gens ont fauté, qu’ils ont pris les deniers de l’Etat pour faire plaisir au Président Macky Sall, lui-même sera le premier à les punir. Parce que nous tous, nous avons été élus à des fonctions, mais nous devons utiliser nos salaires pour faire plaisir à nos militants et non les deniers de l’Etat. On ne le fait pas. Il n’y a que quelqu’un qui en a le droit et c’est fondamentalement le Président qui tient de notre Constitution les fonds politiques qui lui sont alloués. En charge à lui de les utiliser politiquement. Il n’y a pas à rechercher. Mais nous les autres, pourquoi prendre les biens de l’Etat. Moi je ne le ferai pas. Le Président m’a mis dans d’excellentes conditions. Mon salaire, j’en dispose pour faire ce que je veux et non les biens de ce pays. 

PAR ASSANE MBAYE

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