Publié le 16 Jan 2018 - 15:44
AFFAIRE DE LA CAISSE D’AVANCE

La Ville de Dakar veut se constituer partie civile

 

Le Conseil municipal a autorisé, hier, la Ville de Dakar à se constituer partie civile, dans l’affaire dite de la caisse d’avance. Il a désigné le président de la Commission administrative et juridique, Moussa Sow, comme son représentant devant toutes les juridictions compétentes, pour juger ce dossier.

 

La Ville de Dakar veut se constituer partie civile, dans l’affaire Khalifa Sall et Cie. Le Conseil municipal a autorisé cette constitution avec 58 voix pour et 1 contre. Ce, à l’issue de sa session ordinaire tenue hier dans la salle de délibérations de l’Hôtel de ville. De plus, le conseil a désigné Moussa Sow ’’pour représenter la Ville de Dakar devant le tribunal correctionnel et devant toute autre juridiction. Il lui donne expressément mandat à l’effet de commettre un ou plusieurs avocats pour représenter la Ville de Dakar’’. Auparavant, le président de la Commission administrative et juridique a lu le rapport de présentation de la constitution de partie civile de la ville dans l’affaire dite de la caisse d’avance de la mairie, signé par Soham El Wardini.

Selon Moussa Sow, l’article 1er du Code général des collectivités locales, reprenant le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités locales, consacre la personnalité morale des collectivités locales. Et, en tant que personne morale de droit public, la Ville de Dakar serait habilitée à intenter toute action en justice au nom de la collectivité. ‘’Sous ce rapport, la ville doit se constituer partie civile dans l’affaire dite de la caisse d’avance. En effet, cette affaire concerne la Ville de Dakar tant par la qualité des prévenus que par la nature des accusations portées contre eux. Cette constitution permet à la Ville de Dakar d’être partie au procès et, à ce titre, d’avoir accès au dossier, d’intervenir dans le procès et d’exercer toute voie de recours’’, s’est-il justifié.

Zator Mbaye : ‘’Est-ce que nous ne sommes pas en train d’accuser Khalifa Sall ?’’

Seul conseiller municipal à voter non pour cette demande, Zator Mbaye a exposé ses appréhensions. A l’en croire, cet acte tend à enfoncer l’édile de la capitale. Il a indiqué que dans ce dossier, la partie civile s’est déjà constituée par le biais de l’agent judiciaire de l'Etat (Aje), dans la mesure où la Ville de Dakar est un démembrement de l’Etat. A son avis, c’est que l’on comprend par le fait de l’unicité de la caisse de l’Etat. ‘’Est-ce que, nous conseillers de la Ville de Dakar, en nous constituant partie civile au procès, nous ne sommes pas en train d’accuser le maire ou alors de réclamer la réparation de nos préjudices ? Lesquels ont été causés par le maire Khalifa Sall ? Il nous faut l’avis d'un juriste pour nous éclairer, mais pas un avocat du maire de Dakar’’, a-t-il fait savoir. Avant de soutenir : ‘’Je suis d’accord pour que la Ville de Dakar commette des avocats pour défendre notre maire qui est dans les liens de la prévention. Mais si on se constitue partie civile, ce serait contre quelle défense ?’’

Son collègue, Ousmane Natte Ndoye, a également voulu des éclairages sur un point. ‘’Est-ce qu’il est possible, juridiquement, d’être partie civile à décharge, parce que le conseil n’ayant aucune charge vis-à-vis du maire ?’’, s’est-il interrogé.

Répondant à ces interpellations, le conseiller municipal Banda Diop a déclaré que la mairie ‘’a le droit de se constituer’’. Car, pour le maire de la Patte d’Oie, c'est le conseil municipal qui a voté le budget pour Khalifa Sall avec des rubriques budgétaires. ‘’Donc, si on accuse l’ordonnateur en le mettant dans les liens de la prévention, le conseil, qui agit au nom et pour le compte de Dakar, peut se constituer partie civile.

Loin de prétendre être un spécialiste du droit, encore moins un procédurier, le maire de Dieuppeul-Derklé pense qu’aujourd’hui, avec les accusations de détournement de fonds portées contre le maire de Dakar, s’il y a procès, il est normal que ce même conseil, qui avait donné mandat à l'utilisation de ces fonds, puisse se constituer partie civile. Cheikh Guèye a affirmé qu’il s'agira d'éclairer la lanterne des Sénégalais et même au niveau du conseil, sur les responsabilités de la ville.

Mbacké Seck : ‘’Nous allons nous constituer partie civile et aller témoigner en faveur de notre maire’’

Fatoumata Gassama de faire remarquer que la Ville de Dakar devait prendre part à ce procès depuis longtemps. Elle s’explique : ‘’La ville et son conseil municipal sont souverains et l'Etat n’est pas notre chef. Nous sommes un démembrement de l'État parce que les Dakarois nous ont confié leurs voix pour qu'on agisse en leur nom. Si on incrimine notre maire et une partie des agents de la Ville de Dakar sur les recettes votées par ce même conseil et si la partie civile existe, c'est normal qu'on se constitue pour défendre les intérêts de nos mandants qui nous ont élus et qui nous ont donné le pouvoir d’agir.’’ 

Prenant la parole, Mbacké Seck a lancé à l’endroit de l’assemblée : ‘’Il faut être très clair autour des termes. Il ne faut pas qu'on tourne autour du pot. Le maire de Dakar est victime d'un complot politique qui a un habillage judiciaire. Nous sommes face à un État qui ne respecte aucun texte, en commençant par la Constitution que le chef de l'État touche à sa guise et dont il applique d'une façon injuste les aspects qui lui sont favorables.’’

Il a ajouté que Khalifa Sall, ‘’qui est à la fois absent et présent, est victime d’une injustice qui n’a qu'un soubassement politique qui vise simplement à éliminer un adversaire politique’’. ‘’Nous, du conseil municipal, nous avons le devoir et l’exigence d'être autour de notre maire et faire barrière contre toute forme d’injustice d'où qu'elle vienne. Nous allons nous constituer partie civile et aller témoigner en faveur de notre maire. Nous allons nous opposer et faire face. Il est temps que les gens ouvrent leur poitrine et extraient la peur contre ce pouvoir qui, de plus en plus, devient une dictature’’, a asséné Mbacké Seck.

Reste à savoir si le juge du tribunal correctionnel, Malick Lamotte, va accepter leur demande de constitution de partie civile, le 23 janvier prochain, date du procès. Une autre bataille juridique s’annonce à la barre et peut même être motif d’un troisième renvoi du dossier. 

AWA FAYE

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