Publié le 26 Jan 2017 - 20:16
AFFAIRE DE LA FUSILLADE A LA MAIRIE DE MERMOZ-SACRE-CŒUR

Les prévenus nient en bloc

 

Le procès de la fusillade à la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur du 22 décembre2011 s’est tenu hier, en audience spéciale, devant le tribunal correctionnel. 7 prévenus sur 12 ayant comparu, ont contesté les faits d’association de malfaiteurs, participation à un rassemblement illicite suivi d’actions diverses, de coups mortels, coups et blessures volontaires et détention d’armes sans autorisation administrative.

 

Dans l’affaire de la fusillade à la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur, tout a été bien planifié depuis la Permanence du Parti démocratique sénégalais (Pds) sise sur la Vnd. L’idée de se rendre chez Alioune Tine, Abdoulaye Bathily et Barthélémy Dias, pour les convaincre d’accepter la recevabilité d’une 3ème candidature d’Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle, est venue de Samba Diouf Alias Ndiol. ‘’Nous avons remis nos lettres au professeur Bathily et à Alioune Tine de la Raddho. Mais cela a dégénéré chez Barthélémy Dias. On était loin d’imaginer que les choses allaient prendre cette tournure’’, a expliqué le ferrailleur Seydina Oumar Mangane, 40 ans, et prévenu dans l’affaire de la fusillade à la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur, le 22 décembre 2011. En effet, comme au Far West, le plombier et non moins lutteur Ndiaga Diouf y a perdu la vie.

L’affaire a donc atterri devant la justice. Samba Diouf alias Ndiol, Ameth Guèye, Malick Thiombane, Badara Guèye, Bocar Sy, Cheikh Diop, Seydina Oumar Mangane, Cheikh Mbackiyou Siby, Abdoulaye Diène ont été arrêtés avant d’être placés sous mandat de dépôt pour association de malfaiteurs, participation à un rassemblement illicite suivi d’actions diverses. Là où le maire Barthélémy Toye Dias, Habib Dieng et Babacar Faye ont subi le même sort pour les délits de coups mortels, coups et blessures volontaires et détention d’armes sans autorisation administrative et complicité. Devant être jugés hier, en audience spéciale devant le tribunal correctionnel de Dakar, seuls 7 prévenus ont comparu. En fait, Ameth Guèye, Malick Thiombane, Bocar Sy Doucouré, Badara Guèye et Bocar Sy, régulièrement cités, n’ont pas déféré à la convocation. Ils ont été jugés par défaut.

Revenant sur les faits, Samba Diouf  a déclaré que le jour des faits, il était à la permanence du Pds. Par la suite, lui et ses camarades sont montés dans 5 véhicules pour faire des tournées. Peu prolixe, le chauffeur, âgé de 41 ans, de révéler : ‘’Je devais me rendre chez moi à Usine Niary Tally où je devais assister à un rassemblement politique. Arrivés à hauteur de la mairie de Barthélémy, il y a eu des échauffourées entre les deux camps. Le commissaire de police, Mbaye Sèye (Ndlr : il est décédé) est venu nous intimer l’ordre d’arrêter les hostilités’’. ‘’Pour ne pas que M. Sèye sache que je parlais avec notre Chef Diène, j’appelais ce dernier ‘’Ins’’ qui voulait dire Inspecteur du nom donné à Bro, un des célèbres membres du Pds.

Cheikh Mbackiyou Siby : ‘’Jai recruté 25 personnes à raison de 10 000 F CFA chacune’’

Se présentant comme l’initiateur de ces sorties, Cheikh Mbackiyou Siby, d’une voix audible, a raconté : ‘’Je me suis porté volontaire pour aller à la mairie de Barthélémy Dias, puisque nous sommes des amis. Ce dernier avait proféré des menaces par voie de presse contre le régime d’Abdoulaye Wade. Du coup, je suis parti le voir pour lui faire entendre raison. Je voulais le sensibiliser, lui dire que nous sommes des jeunes et que nous sommes l’avenir de demain. A notre arrivée, Barthélémy n’était pas sur les lieux. Il est revenu accompagné des journalistes de la Tfm quelque temps après, car ayant reçu un appel qui lui a fait part de notre présence’’. Ce membre de la protection rapprochée du Pds a révélé qu’il a recruté 25 personnes à qui il a donné 10 000 F CFA chacune. Le commerçant domicilié à Thiaroye Gare, marié et père de 2 enfants, de poursuivre : ‘’Le commissaire est venu nous dire de partir. C’est à ce moment-là que les hommes du maire nous ont lancé : ‘’day yomb’’ (Ndlr : Ce serait trop facile). Sans perdre de temps, ils nous ont pourchassés pour en découdre avec nous. Nous n’avons pas riposté. Nous ne détenions pas d’arme à feu’’.

Egalement membre de la sécurité rapprochée de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, depuis 2007, Abdoulaye Diène, 56 ans, se chargeait de coordonner les gardes, à chaque fois qu’il y avait une sortie du Chef de l’Etat. ‘’Ce jour-là, je devais leur donner la conduite à tenir. A 8 heures, j’ai remis à Samba Diouf les clés des véhicules. Je n’étais même pas au courant qu’ils s’étaient rendus à la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur. Car, comme le Méridien est un lieu fermé et sécurisé, ils devaient rester au siège du Pds jusqu’à 15 heures’’. Une déclaration loin de convaincre le président du tribunal Ndary Diop. Le juge lui a signalé que l’opération était ‘’bien préparée’’, car les réquisitions téléphoniques ont établi plusieurs communications entre lui et la bande à Samba Diouf. Là, ce dernier n’a pas hésité à changer de version en enfonçant son chef. ‘’C’est lui (Abdoulaye Diène) qui coordonnait cette action. En cours de route, nous l’avons informé de notre déplacement. Il nous a intimé l’ordre de rebrousser chemin. Nous n’avons pas obtempéré. Il nous a rappelés pour nous dire qu’il ne voulait pas faire d’histoires. A notre retour, nous lui avons fait le compte-rendu des évènements’’.

Sur ces entrefaites, le policier radié avant d’être réintégré en 1993, a déclaré : ‘’J’ai bien géré ma mission. Ce sont mes éléments qui n’ont pas respecté mes ordres. Ils m’ont dit qu’ils voulaient sensibiliser Barthélémy Dias. Je ne maîtrisais pas les actions politiques et ils savaient que je suis le moins gradé de la sécurité de Wade. J’ai été informé alors qu’ils étaient en cours de route’’.

Barthélémy Dias : ‘’Ces personnes ont une part de responsabilité, mais il y a eu des commanditaires’’

Mais Abdoulaye Diène a été contredit par l’avocate du maire, Me Aïssata Tall Sall, qui a lu les déclarations de Badara Guèye à l’enquête préliminaire. ‘’C’est moi qui devais procéder au paiement des sommes dues, mais j’ai eu des contraintes. Ainsi, c’est Abdoulaye Diène qui devait s’en charger et malheureusement, il y a eu cet incident malheureux’’, disait le sieur Guèye. Me Sall de faire remarquer au tireur d’élite : ‘’Pourquoi vous ne leur avez pas dit qu’en se rendant à la mairie de Barthélémy Dias, ce serait une violation de domicile ?’’ Aucune suite n’a pas été donnée à cette question.

Ensuite, le Parquet a voulu savoir si l’attaque a été commanditée. A Cheikh Mbackiyou Siby qui a déclaré avoir pris la décision d’aller à la mairie du fils de Jean Paul Dias, il a été posé ces questions : ‘’Quel droit aviez-vous pour aller chez les responsables de l’opposition, ainsi que dans les services des autres ? Qui vous a mandatés et quelle était votre mission ?’’ Le commerçant a endossé l’entière responsabilité. ‘’On allait vers un congrès pour la validation de la candidature de Wade et on devait discuter avec lui (Barthelemy Dias) en vue d’apaiser les tensions’’, a-t-il précisé. Avant de s’amender : ‘’Je reconnais avoir mal agi, dans la mesure où j’avais le numéro de téléphone de Barthélémy Dias. Je devais lui téléphoner pour lui demander d’arrêter ses menaces.’’

Appelé à la barre, Barthélémy Dias a déclaré avoir subi un double préjudice. ‘’Je suis un acteur politique connu et reconnu. J’ai fait 6 mois de détention préventive. J’ai échappé à une tentative d’assassinat. On cherchait à attenter à ma vie. Ces personnes ont une part de responsabilité dans cette affaire, mais il y a eu des commanditaires. Je n’avais jamais vu autant de personnes encercler une institution de l’Etat et j’ai appelé la police’’, a-t-il soutenu haut et fort. L’agent de sécurité Habib Dieng a affirmé qu’il n’avait jamais manipulé une arme et que Barthélémy Dias ne détenait que le Torus Pt 917. Le Parquet lui a rappelé que dans le film, on le voit à côté du maire, mettant les chargeurs. Le sieur Dieng de rectifier : ‘’Il y avait 2 armes dont un révolver à barillet. C’est Barthélémy qui me montrait comment on les chargeait. Je les chargeais avant de les lui remettre.’’ L’agent municipal a reconnu ensuite avoir dopé ‘’son maire’’. ‘’C’est moi qui lui disait d’avancer et de tirer sur les visiteurs indésirables à la mairie. A ce moment, j’avais le sang chaud’’.

Le père de Ndiaga Diouf : ‘’Je n’ai pu identifier le corps de mon fils que le lendemain des faits’’

Après eux, le Parquet est revenu à la charge pour dire que le principal prévenu est parti directement à la mairie et avait demandé à tous les vendeurs aux alentours de fermer boutique. Que c’est un nommé Aliou Tall qui a avisé la police et non Dias fils. Ce que ce dernier a contesté. ‘’C’était sur mon instruction’’, a-t-il dit. Le substitut du procureur a poursuivi son argumentaire, en signalant que Malick Thiombane a été touché aux fesses et Cheikh Diop a reçu une balle aux cuisses. ‘’C’est ce même type de balle qui a été extraite du corps de Ndiaga Diouf. Vous avez compliqué les choses, car vous avez caché la 3ème arme. Peut-être que vous avez aussi dissimuler d’autres armes. L’arme qui a tué Ndiaga Diop est de type calibre 38’’, a laissé entendre le représentant du Parquet. Le maire de rétorquer : ‘’Cela ne m’engage pas. Je n’étais pas à l’hôpital pour le savoir. Lors de la bagarre, j’avais une arme avec un canon court à plomb. Ceux qui ont dirigé l’enquête étaient sous la direction du ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom’’.

Le père du défunt Ndiaga Diouf, Aliou Diouf, s’est également exprimé. ‘’Mon fils est un plombier et un lutteur. J’ai été mis au courant des faits vers 14 heures, car je devais assister à un baptême. On m’a informé qu’il avait été atteint par balle. Ce n’est finalement que le lendemain que j’ai pu identifier le corps de mon fils à la morgue d’un hôpital de la place’’.

AWA FAYE

 

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