Publié le 14 Aug 2012 - 11:08
AFFAIRE DU KING FAHD PALACE

L’affreuse imposture

 

Depuis quelques jours un débat s'est instauré autour de la gestion de l'Hôtel King Fahd. Et récemment, le CNP a jugé utile d'apporter à travers un communiqué son appui à un de ses membres (le plus influent du reste) pour afficher son désaccord avec le minsitre Youssou NDOUR qui compte revenir sur la décision prise par l'ancien régime d’attribuer sans appel d'offres la gestion du Méridien à M. Racine Sy. Le CNP, tout comme d’autres personnes qui se sont exprimées par voie de presse, met en avant la notion de «préférence nationale» et de «patriotisme économique» pour justifier cette position.

 

Je suis un Sénégalais à la retraite certes, mais en état de veille et soucieux de l’avenir de mon pays que j’ai servi comme haut fonctionnaire et ensuite comme entrepreneur agricole. Je suis témoin de beaucoup de mutations que notre pays a connues et en particulier de la trajectoire des différents patronats de notre pays.

 

Pour en revenir aux prises de positions du CNP, je dois dire que pendant des années, le CNP n'a jamais voulu entendre parler, ni de la préférence nationale ni du patriotisme économique. C’est de l’imposture ! Seules la CNES, l’UNACOIS et les GES sont restées constantes dans la défense de ces positions. Par contre, le CNP, héritier des syndicats coloniaux comme le Scimpex, le Sypaoa et l’Unisyndi etc., s’est toujours opposé à leur prise en compte dans les concertations. Nous sommes des témoins vigilants.

 

La tragédie de l'entreprise Jean Lefebvre et les humiliations subies par son Directeur général Monsieur Bara TALL ont eu au moins le mérite de nous montrer un visage hideux de cette organisation qui a participé de manière sournoise à la tentative de mise à mort programmée de ce qui fut le fleuron de notre économie et une fierté nationale. Au moment où se jouait la tragédie Bara TALL, où étaient ces messieurs qui font monter aujourd’hui cette clameur indécente sur le King Fahd ? Nous le savons tous, pour bénéficier des faveurs du régime et éviter de s’attirer les foudres des tenants de l’ancien régime, dont ils cherchaient la proximité, ils avaient renié Bara TALL qui était pourtant un des leurs.

 

Une trahison qui fait d’autant plus mal qu’elle survenait au moment où M. TALL devait pouvoir compter sur son organisation. Pire, les dirigeants du CNP, contre toute éthique syndicale, ont participé à cette entreprise funeste de destruction. Ils ont cautionné la mise en faillite d’un Sénégalais pour servir les intérêts de Senac. Il faut vraiment être immoral pour venir aujourd’hui parler de patriotisme économique et de préférence nationale. Quelle honte !

 

On connaissait le CNP opportuniste à souhait. Mais l’agitation à coups de déclarations et de communiqués que nous sert cette organisation depuis l’avènement du nouveau régime dérange et donne la nausée. Personne n’a oublié l’attitude de soumission comme posture syndicale. Où était le CNP lorsque le régime de Wade décrétait sa Fatwa contre les organisations qui prendraient part aux Assises. Qui ne se souvient de la honteuse volte-face du CNP aux premières injonctions du tout puissant ministre Farba Senghor à l’annonce de la participation du CNP aux Assises nationales et les tentatives pathétiques de justification de cette dérobade.

 

Pour en revenir au problème du King Fahd, je suis choqué d’entendre des personnes sorties de nulle part et au nom de je ne sais quel secteur privé s’attaquer au ministre Youssou Ndour parce que ce dernier entend respecter les engagements du président de la République en matière de bonne gouvernance.

 

La personne de Youssou Ndour ne m’intéresse que parce qu’il est au centre d’attaques et qu’il est ministre de la République. Lorsqu’on lui prête des intentions d’opportuniste, je voudrais bien comprendre : l’homme est à l’abri du besoin, il a déjà eu tous les honneurs auxquels ne pourrait rêver aucun ministre, il est adulé dans le monde entier et des têtes couronnées seraient fières de s’afficher à ses côtés. Il a eu la gloire, la richesse et la reconnaissance internationale, que peut-il chercher d’autres dans un gouvernement de rigueur ? L’homme a atteint les sommets, voyons ! Au risque de paraître ridicule en cherchant les faveurs du sieur Racine Sy si prompt dit-on à récompenser ceux qui se montrent bienveillants à son égard, certains on perdu toute lucidité.

 

Car cette affaire, par quelque bout qu’on la prenne, se présente simplement comme un scandaleux gré à gré dont s’est justifié publiquement avec désinvolture et arrogance un ministre de la République qui disait simplement que Racine Sy est compétent. Mais, soyons clair. Ici aussi, la personne de Racine Sy ne nous intéresse pas. Ce serait Paul ou Demba, nous aurions tenu le même raisonnement.

Il s’agit tout simplement de poser aux Sénégalais la bonne question qui est de savoir si la compétence supposée de Racine Sy est au-dessus des lois de ce pays, qu’elle fait de sa personne un super citoyen qui doit se passer d’une compétition avec d’autres Sénégalais pour la gestion du King Fahd ?

 

La question est bien celle-là et non les gesticulations malhonnêtes à la périphérie du problème où des laudateurs inconnus veulent nous divertir avec des réponses à une question mal posée. En effet, le débat tel que posé dans la presse renvoie simplement à une malhonnêteté intellectuelle qui veut nous faire croire que le ministre Youssou Ndour préfère les étrangers comme repreneurs du King Fahd à un Sénégalais bon teint ! C’est ici que nous retrouvons toute la démarche tortueuse et nauséabonde de manipulateurs véreux qui s'arc-boutent sans vergogne à leurs intérêts.

 

La préférence nationale, contrairement à ce que veulent nous faire croire le CNP, est le choix du meilleur profil parmi les 13 millions de Sénégalais et non le choix porté sur un Sénégalais à l’exclusion de toute mise en compétition avec d’autres Sénégalais qui peuvent prétendre légitimement à la concession du King Fahd. Il ne s’agit pas d’enrichir quelqu’un sans cause.

 

Sinon comment ne pas cautionner demain une décision du régime qui choisirait un Sénégalais Lambda pour lui confier une autre société d’Etat sans appel d’offres et au seul prétexte qu’il est compétent dans son domaine. Accepter ce qui se passe avec le King Fahd aujourd’hui, c’est accepter à l’avenir l’inacceptable ! Soyons sérieux, si M. Sy a le meilleur profil comme le supposait avec désinvolture le ministre Thierno Lô du haut de son insolent argumentaire, il sera certainement l’attributaire légitime après une nouvelle procédure transparente de sélection qui laisserait sauf nos principes de bonne gouvernance dans la gestion du bien public.

 

La vérité est limpide mais terrifiante. Derrière les cris d’orfraie de certains ténors du CNP se cache une volonté d’anticiper les scandales que révéleront d’éventuels audits. En gonflant l’affaire King Fahd sur un soi-disant complot du régime contre le privé sénégalais, on cherche à intimider le gouvernement et à fragiliser ceux qui veulent aller jusqu’au bout des affaires qui ne sont pas seulement l’apanage des politiciens mais bien plus d’une partie du patronat devenu subitement riche.

 

Alors qu’on arrête de nous divertir et que l’on convoque les trajectoires individuelles des différentes organisations patronales au cours des douze dernières années pour savoir qui est qui, qui a adopté quelle posture durant ces dernières années et qu’on arrête de nous parler de patriotisme économique, pour cacher le scandale du King Fahd et nous enfariner après avoir tous cherché et obtenu les faveurs de Wade. Le CNP doit avoir la décence d’assumer son passé récent et de méditer le drame de la société Jean Lefebvre qui fut le rendez-vous raté avec l’éthique syndicale et la patriotisme économique.

 

Amadou Aly Kébé

7 square Faure, 17e arrondissement Paris

 

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