Publié le 23 Jul 2019 - 17:27
AFFAIRE GUY MARIUS SAGNA

Frapp/France dégage ‘’déballe’’ tout

 

Le Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (Frapp)/France dégage dénonce la détention arbitraire de leur leader Guy Marius Sagna. Revenant sur les faits, l’organisation se prépare à mettre sur pied un front pour la libération de leur camarade.

 

A peine la page de la Can tournée, les citoyens reprennent les combats là où ils les avaient laissés. Hier, le mouvement Frapp/France dégage a ouvert les hostilités. Ses membres ont crié au scandale, face à la détention de leur camarade Guy Marius Sagna, depuis le mardi 16 juillet 2019, et disent non à une justice manipulée, ‘’prompte à fabriquer des infractions pour les citoyens qui dérangent’’.

Selon leur version des faits, il aura fallu trois jours pour que la gendarmerie de Colobane trouve une infraction contre Guy Marius Sagna, arrêté le 16 juillet dernier. Durant cette période, la question : ‘’Quelle infraction ai-je commise ?’’, de l’activiste est restée sans réponse. Il est finalement accusé de ‘’fausse alerte au terrorisme’’ et placé sous mandat de dépôt le vendredi 19 juillet, pendant que tous les esprits étaient portés sur la finale de la Can. Une coïncidence loin d’être anodine, pour le collectif.

 Cette accusation vient d’un post Facebook de l’organisation France dégage, affirmant que la France prépare un attentat terroriste contre le Sénégal. Sauf que ce texte n’a pas été partagé par G. M. Sagna, contrairement à ce qu’ont affirmé les enquêteurs. Il s’agit du texte liminaire de la conférence de presse du mouvement tenue le lundi 15 juillet à laquelle M. Sagna n’a même pas pris part. C’est pour cela d’ailleurs que ses camarades se demandent pourquoi aucun autre membre n’a été interpellé, puisque c’est le Frapp/France dégage (composé de 17 organisations) en tant que personne morale qui est l’auteur du texte. De plus, ce dernier n’en est pas le coordonnateur.

‘’Guy  Marius Sagna dérange. Cela tombe sous le sens, quand on voit les différents fronts sur lesquels il se bat contre les dérives de ce régime et aussi contre le néocolonialisme français au Sénégal et en Afrique. Ce qui arrive aujourd’hui avec son arrestation et sa détention arbitraires entrent dans une stratégie sournoisement élaborée depuis longtemps, dont la finalité est de le museler, de le ‘tuer’’’, en déduisent les activistes, par la voix de Fatima Mbengue.

A ce jour, plusieurs organisations de défense des Droits de l’homme et de la société civile ont dénoncé cette mesure arbitraire. Frapp/France dégage compte mettre sur pied un front commun pour la libération de Guy Marius Sagna.

Retour sur les faits

Tout a commencé le lundi 15 juillet, dans la soirée, par un message du commandant de la gendarmerie de Colobane informant Guy Marius Sagna que le lendemain, une convocation lui parviendrait. Ce qui s’est produit au siège de l’organisation à Dieuppeul, par l’intermédiaire de quatre éléments de la Section de recherches de ladite gendarmerie. Ces derniers lui ont intimé l’ordre de les suivre, en ajoutant : ‘’Vous êtes en état d’arrestation.’’

Sachant qu’une convocation et une arrestation sont deux choses totalement différentes en droit, Guy Marius Sagna demande, une fois dans les locaux de la gendarmerie, la raison de sa privation de liberté. Les gendarmes lui disent tout simplement que c’est sur instruction du procureur qu’il a été arrêté. L’enquêteur, pour sa part, voulait des explications quant à deux posts qu’il a publiés sur sa page Facebook.

Dans ses écrits, il déplorait le fait que les autorités sénégalaises choisissent d’aller se soigner à l’extérieur, pendant que le peuple sénégalais souffre d’un manque notoire d’infrastructures sanitaires. Guy Marius Sagna répond alors qu’il n’a pas à s’expliquer sur des opinions exprimées sur Facebook, demandant en quoi a-t-il violé la loi. Les 17 et 18 juillet, il fera face au procureur pendant neuf heures. Le 18 juillet, il est conduit au commissariat central de Dakar pour sa troisième nuit de détention, sans qu’aucune infraction ne lui soit signifiée.

‘’Faute d’en avoir une à lui opposer, du point de vue du droit concernant les deux posts, le procureur a instruit le gendarme enquêteur d’essayer une autre piste’’. Ces faits sont relatés par les membres de Frapp/France dégage qui ajoutent ‘’qu’il n’est pas normal que nos forces de sécurité soient mises dans des situations d’insécurité morale, déontologique. C’est cruel. C’est dangereux’’.

Des antécédents passés sous silence

Si l’organisation accuse la France de préparer un attentat terroriste au Sénégal, c’est parce qu’elle est en possession de discours le prouvant. La conférence de presse d’hier a été l’occasion de balancer des enregistrements sonores du député de Benno Bokk Yaakaar Khoureichi Niasse et du ministre français de l’Intérieur.

Le premier affirmait, le 18 février 2019, que ‘’c’est la France qui nous a colonisés durant plus de deux siècles. Et la France n’a jamais pensé que le Sénégal pouvait disposer du pétrole, du gaz et d’autres ressources. Elle pensait que le Sénégal se limitait à la pêche, à l’agriculture, à l’élevage et à la mendicité. Mais, on se réveille un jour et on découvre que le Sénégal a du pétrole et du gaz, et bien d’autres ressources. Bien évidemment, il faut que la France vienne réclamer sa part. Quand la France est venue demander qu’on lui donne une zone pour l’exploration, si le président Macky Sall avait refusé de lui concéder cela, la France allait ouvrir les portes du Sénégal aux djihadistes du Mali pour qu’ils viennent perpétrer des attentats. Elle aurait aussi réarmé les rebelles casamançais et créé d’autres problèmes dans le pays’’.

Il s’exprimait lors d’un meeting organisé par les jeunes de l’Alliance des forces de progrès (Afp) à Kasnack (Kaolack). Selon Frapp/France dégage, le député cherchait à justifier la concession, par l’Etat, de blocs pétroliers à Total et expliquer la brouille entre le ministre démissionnaire Thierno Alassane Sall et le président Macky Sall.

Le second enregistrement concerne le ministre français de l’Intérieur Christophe Castaner, qui affirmé que  ‘’le terrorisme est présent au Sénégal’’. C’était le 21 mai dernier, lors de sa visite à Dakar.

Ainsi, ces deux déclarations ont permis à l’organisation de se faire sa propre opinion. ‘’Après les propos du député, nous attendions une réaction de la part de l’Etat. Bizarrement, il n’y en a pas eu. Lorsque nous avons entendu le ministre parler, nous nous sommes dit attention, quelque chose se prépare. C’est comme si la France intimidait notre président. Ces propos sont graves’’, ajoute Daouda Guèye, membre du mouvement.

De son point de vue, les premiers lanceurs d’alerte au terrorisme sont bien ces deux personnalités qui ne sont pourtant pas interpellées, contrairement à G. M. Sagna.

‘’Aujourd’hui, il faut que chaque citoyen se sente concerné par cette situation, car plus personne n’est à l’abri. Aussi, si on doit convoquer quelqu’un, ce doit être tous les membres de Frapp/France dégage, car nous sommes responsables de ce texte, nous l’assumons pleinement’’, poursuit-il.

EMMANUELLA MARAME FAYE

Section: