Publié le 21 Oct 2014 - 13:12
AFFAIRE HABRE

La partie civile demande la tenue du procès

 

Pour Me Jacqueline Moudeina et Cie, le rejet de l’entraide judiciaire de l’Etat tchadien ne doit pas constituer un frein à la tenue d’un procès équitable pour Hissein Habré.

 

Après les Chambres africaines extraordinaires (CAE), c’est au tour des avocats des victimes du régime de Hissein Habré de monter au créneau pour dénoncer le rejet par le Tchad de l’entraide judiciaire. Saisi par la commission d’instruction des CAE pour le transfèrement de Saleh Younouss et Mahamat Djibrine dit «El Djonto», deux coïnculpés de l’ex-président tchadien en détention préventive à N’Djamena, le Tchad a rejeté la demande des juges sénégalais.

Pour Me Jacqueline Moudeina et ses confrères, ce refus ainsi que le rejet d’une demande de commission rogatoire «montrent le mépris du Tchad pour les Chambres et le mandat de l’Union africaine». A l’analyse de la situation, le collectif considère que cette démarche du Tchad n’est pas le seul acte posé par le régime d’Idriss Déby à l’encontre de la justice. Les avocats font remarquer «qu’après un an de promesses non tenues, les autorités tchadiennes ont ralenti la procédure, montrant ainsi qu’elles ne respectent pas la justice africaine et internationale».

«Habré, principal responsable des abus massifs»

Cependant, les conseils des victimes estiment que «le non-transfèrement des complices de Habré ne doit plus retarder la tenue du procès à Dakar». Les robes noires avancent comme argument le fait que l’ex-président «est le principal responsable des abus massifs commis pendant son régime». Il s’y ajoute que «l’objectif de la longue lutte des survivants, des veuves et des orphelins a toujours été de traduire en justice Hissein Habré, le chef de l’Etat, qui dirigeait la répression». C’est pourquoi ils exhortent les CAE «à aller de l’avant et montrer l’exemple en jugeant l’ancien dictateur».

Sur un autre volet, le collectif reste sceptique quant à la réelle volonté du Tchad de juger les présumés complices de Habré. La preuve, les avocats font remarquer qu’aucune poursuite n’a été initiée contre les «anciens tortionnaires» depuis qu’une plainte a été déposée contre ces derniers devant les juridictions tchadiennes. C’était en 2000. «En dépit des insistances de leurs avocats et des organisations de défense des droits de l’Homme», note le communiqué.

Ainsi, loin d’être enflammés par les promesses de N’Djamena, les conseils des victimes font savoir qu’ils «ne veulent pas d’une procédure expéditive, comme cela semble se profiler, mais de procès justes, équitables et transparents». Ils invitent le gouvernement tchadien «à aller de l’avant et traduire en justice ces deux individus, inculpés pour les mêmes faits au Tchad et en détention à N’Djaména, ainsi que tous les autres complices de Habré, dans le respect des standards internationaux et de la procédure pénale ».

Me El Hadj Diouf : « il n’y aura jamais de procès »

Si les avocats des victimes de Hissein Habré semblent habités par le doute, ce n’est pas le cas de Me El Hadj Diouf. Le conseiller de l’ex-président tchadien est formel. Il reste persuadé qu’avec ou sans cette attitude de N’Djamena, il n’y aura jamais de procès. «Comme je l’ai toujours dit, il n’y aura et il ne peut y avoir de procès. La procédure n’a même pas démarré», a tranché Me Diouf au téléphone d’EnQuête. «En droit, le complice emprunte la criminalité de l’auteur et en l’espèce, Habré n’est qu’un complice. Or les vrais coupables ne seront jamais traduits». A ses yeux, l’actuel président Idriss Déby a voulu faire du «maquillage» et du «cinéma» en procédant à l’arrestation de deux personnes uniquement. «Comment deux personnes peuvent-elles tuer 40 mille personnes ? C’est insensé», s’est interrogé notre interlocuteur.

S’attaquant encore une fois au président tchadien, Me Diouf estime que «si tout se passe bien, c’est Déby qui devrait être inculpé et jugé. Et qu’il n’y aura pas de procès tant qu’il ne sera pas arrêté». Mais par la force des «ONG de défense des droits de l’Homme qui ont fait de cette affaire un fonds de commerce, c’est le héros national Hissein Habré qui est inculpé».

FATOU SY

 
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