Publié le 5 Sep 2015 - 04:19
AFFAIRE HISSEIN HABRE

Des victimes de la répression tchadienne racontent leur calvaire 

A quelques jours de la reprise du procès de Hissein Habé jugé devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE) pour crimes internationaux, des victimes du régime de l’ex-président dictateur ont fait face à la presse, hier. Elles ont raconté leur calvaire tout en portant tout leur espoir sur la justice.

 

Des larmes, des démonstrations. Rien n’a été laissé au hasard par les membres de l’Association des victimes de crimes du régime de Hissein Habré (AVCRHH) pour décrire le calvaire qu’ils ont vécu durant le règne de l’ancien président tchadien. Outre le fait de partager l’association, ils ont en commun le malheur d’avoir été arrêtés et emprisonnés par la machine répressive de l’homme fort de Ndjamena, appelée DDS (Direction de la documentation et de la sécurité). Avec des témoignages les uns plus poignants que les autres, ils ont retracé leur calvaire.

Fatimaté Sakine

La cinquantaine environ, Fatimé Sakine a été arrêtée à l’âge de 17 ans, le 24 octobre 1984. Accusée d’appartenir à l’un des groupes armés de l’opposition, elle a été emprisonné à la DDS puis à la prison dénommée ‘’Les Locaux’’. Pendant 1 an et 3 mois de détention, elle fut l’objet de toutes sortes de tortures. Battue avec une matraque et électrocutée, elle n’a pas échappé à ‘’l’arbatachar’’, pratique qui a consisté à attacher les deux bras d’une personne aux chevilles derrière le dos de manière à faire bomber la poitrine. Les conditions de sa détention étaient loin des meilleures car elle était obligée de dormir à même le sol. Secrétaire administrative de profession, elle était obligée de jouer le rôle de sage-femme pour aider ses co-détenues enceintes.

Haoua Brahim

Commerçante de son état, Haoua Brahim a été arrêtée le 2 juin 1985 alors qu’elle n’avait que 13 ans. En l’absence de sa mère partie au Nigéria, les agents de la DDS l’ont emmenée avec eux. Car, ils voulaient contraindre sa mère, soupçonnée de complicité avec des groupes rebelles de revenir au Tchad. Sa mère n’est revenue qu’un an après dans l’espoir de voir sa fille libérée. Mais toutes les deux furent transférées dans une garnison militaire située à 1500 km du désert.

‘’ Il y avait six vieilles femmes parmi les prisonnières. Les plus jeunes faisaient l’objet de viol toutes les nuits’’, a confié la dame tout en tentant de refouler ses larmes. Le calvaire durera un an avant leur libération sous condition. ‘’En 1989 on nous a ramenées à Ndjaména pour nous libérer mais auparavant on nous fait jurer sur le Coran de ne  pas parler des tortures’’, a confié la gorge serrée, Haoua Brahim pour qui, ‘’Habré doit être jugé et souffrir comme eux ont souffert’’.

Rachel Mouaba

Si le crime de Haoua a été d’avoir une mère soupçonnée de complicité avec des groupes rebelles, celui de sa compatriote Rache Mouhaba a été d’avoir un père qui refusait de participer aux arrestations. Lieutenant, Memdengar Rémi, le père de Rachel était considéré comme un complice des rebelles du Sud tchadien à la suite de son démission de l’armée. Un soir d’octobre 1984, il fut conduit à quelques mètres de son domicile, ligoté et torturé avant d’être exécuté. ‘’J’ai escaladé le mur du voisin pour assister à la scène’’, a confié la dame âgée à l’époque de 19 ans. Au retour des militaires, elle fut violée par ses derniers qui ont pillé leur maison. Le commanditaire de cette atrocité, c’est le symbole de la terreur, dit-il pour désigner Hissein Habré. ‘’En venant au pouvoir il s’est présenté comme un père de la Nation mais il a fini par faire tomber son masque et s’est transformé en véritable bourreau du peuple’’, a lâché Mme Rachel dont le témoignage a été rompu par des larmes.

Souleymane Guengueng

Comptable au sein de la Commission du bassin du lac Tchad (CBTL), Souleymane Guengueng a été arrêté le 3 août 1988 car accusé de détournement. Durant les trois années vécues dans les geôles du régime de Habré, il a subi toutes sortes de tortures et de brimades. Il a eu la chance de sortir contrairement à certains de ses co-détenus dont une dizaine est morte de tortures et de maladies. C’est pourquoi, à sa libération le 1er décembre 1990, il s’est juré de lutter pour que ses bourreaux soient traduits en justice. L’auteur de l’ouvrage ‘’ Prisonnier de Hissein Habré : L’expérience d’un survivant des geôles tchadiennes et sa quête de justice’’, a créé la première association de victimes. En 2000, il a déposé une plainte au Sénégal et vit en exil à New York à cause ‘’des menaces des sbires de l’ex-Président’’, dit-il

Abdourahmane Guèye

Les victimes ne sont pas que des Tchadiens. Le Sénégalais Abdourahmane Guèye et son défunt compagnon Demba Gaye y figurent. Ils avaient été arrêtés en mars 1987, à l’aéroport de Ndjamena. Les deux commerçants étaient à bord d’un avion militaire français en provenance de la République centrafricaine, avec une quantité importante d’or. La marchandise a été commandée par des officiers français de l’opération ‘’Epervier’’ qui soutenait le gouvernement de Hissein Habré. Abdourahmane Guèye a été finalement libéré grâce à l’intervention du gouvernement sénégalais. Son compagnon n’a pas survécu aux mauvaises conditions de détention. 

FATOU SY

 

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