Publié le 18 Nov 2018 - 14:03
AFFAIRE KARIM WADE

Les précisions et griefs des avocats de l’Etat

 

Suite et pas fin de l’affaire Karim Wade. Après la sortie des avocats du fils de l’ex-président Wade se réjouissant de la décision du Comité des Droits de l’homme des Nations Unies, la réaction des conseils de l’Etat ne s’est pas fait attendre. Me Sow minore la portée de la décision et soulève des griefs contre le comité.

 

La décision rendue le 28 octobre dernier par le Comité des Droits de l’homme, suite à la plainte de Karim Meissa Wade pour violation de l’article 14.5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, plonge encore les avocats du requérant et ceux de l’Etat dans une polémique. Les premiers s’en réjouissent et parlent de victoire, puisque le comité demande l’annulation de la condamnation infligée à Karim Wade par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Les seconds ont une autre lecture de cette décision.

Dans un communiqué, Me Pape Moussa Félix Sow conteste la portée conférée aux décisions rendues par le comité. Il explique que celles-ci sont des recommandations adressées à l’État partie concerné, mais elles ne sont pas juridiquement contraignantes. Poursuivant, il explique : ‘’Si un comité conclut à une violation des dispositions d’un instrument, l’État partie est invité à fournir des renseignements, dans un délai de 180 jours, sur les mesures prises pour donner effet aux recommandations du comité.’’ Il ajoute que si l’État partie ne prend pas les mesures voulues, le comité poursuit l’examen de l’affaire dans le cadre de la procédure de suivi.

En d’autres termes, il laisse croire que la partie n’est pas encore gagnée, comme semble le dire Me El Hadj Amadou Sall et ses confrères.

La forme et le fond critiqués

Outre ces précisions, cet avocat de l’Etat ne manque pas de soulever un certain nombre de griefs contre la décision. D’abord, sur la forme, Me Sow trouve ‘’curieux’’ le raisonnement adopté par cette structure des Nations Unies concernant la recevabilité de la requête. ‘’Le comité a retenu que l’examen du cas de l’auteur de la plainte par le Groupe de travail des Nations Unies ne constitue pas un obstacle à la recevabilité de la communication et a ajouté que l’Etat du Sénégal n’a pas fait de réserve sur les recours successifs’’, relève Me Sow, tout en soulignant que l’article 5 para.2 a) du protocole ne prévoit pas cette réserve. Ledit article, renseigne-t-il, précise que : ‘’Le comité n’examinera aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que : La même question n’est pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.’’ 

Dans le même ordre d’idées, il reproche au comité de n’avoir pas respecté son règlement intérieur, s’agissant de la question de l’abus de plainte ratione temporis. Selon l’argumentaire de la robe noire, le délai de trois ans a été bien dépassé, entre la plainte de Karim Meissa Wade datant du 31 mai 2016 et l’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao rendu le 22 février 2013. ‘’Le comité aurait dû s’interroger plutôt sur les raisons justifiant le retard’’, assène Me Sow qui ne comprend pas que le comité ait renvoyé l’examen au fond, mais n’a pas finalement répondu.

La décision est également critiquée dans son fond. Le coordonnateur du pool des avocats de l’Etat indique que ‘’le comité s’est contenté de considérer que la Cour suprême n’a pas procédé à l’évaluation des éléments de preuve et de faits par la Crei’’. En conséquence, explique-t-il, l’organe estime que les Etats parties accordent une réparation intégrale aux personnes dont les droits reconnus par le pacte ont été violés. C’est ce qui l’a poussé à conclure que la déclaration de culpabilité et de condamnation contre l’auteur doit être réexaminée.

D’ailleurs, il s’y ajoute, selon la décision, que l’Etat partie est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir. Elle donne également à l’Etat partie un délai de 180 jours pour lui fournir des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constations.

Cependant, selon l’analyse de l’ex-bâtonnier, ‘’cette position du comité rompt avec sa jurisprudence constante, à savoir que «c’est aux juridictions des Etats parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée ou la manière dont la législation interne a été appliquée, à moins qu’il ne soit établi que cette appréciation ou cette application a été clairement arbitraire ou manifestement entachée d’erreur ou a constitué un déni de justice». La seule question qui méritait d’être posée, dès lors que le comité était saisi sur la base de la violation de l’article 14.5 du protocole,  s’interroge Me Sow, ‘’était de vérifier si la décision rendue par la Cour suprême était arbitraire ou manifestement entachée d’erreur ou a constitué un déni de justice.

 Pour finir, l’avocat de l’Etat rapporte que ‘’le comité n’a pas donné suite à la demande de Karim Meissa de voir annuler les décisions de condamnations prises à son encontre avec toutes les conséquences de droit’’.   

FATOU SY

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