Publié le 9 Jul 2018 - 20:46
AFFAIRE KHALIFA SALL

Le Sénégal ‘’prêt’’ à respecter la décision de la Cj/Cedeao

 

C’est un combat épique. Entre l’État et les partisans du maire de Dakar, on ne se fait aucun cadeau. Sous la houlette de l’agent judiciaire, les avocats de l’État sont montés au créneau, le samedi, pour porter la réplique à leurs adversaires qui multiplient les assauts.

 

Le marquage se fait à la culotte. Avocats de l’État et de Khalifa Sall ne se lâchent plus d’une semelle. Après la sortie fracassante de la défense, vendredi dernier, les représentants de l’État du Sénégal ont lancé la contre-offensive, dès le lendemain. Leur capitaine, Moussa Félix Sow, sous la supervision de Coach Antoine Diom (agent judiciaire de l’État), a tenu, d’emblée, à préciser : ‘’Il ne faut jamais perdre de vue les raisons pour lesquelles monsieur Khalifa Ababacar Sall et ses co-prévenus ont été attraits à la barre. Il s’agit de faits graves d’escroquerie sur des deniers publics, de faux et usage de faux…’’ Et puis, dans une longue litanie qui a failli plonger certains journalistes en quête d’arguments nouveaux dans un sommeil profond, la robe noire est revenu sur les faits, objet des débats d’audience durant plusieurs jours au tribunal de grande instance hors classe de Dakar.

Cela dit, l’ancien bâtonnier s’est aussi longuement appesanti sur les enjeux du jour, à savoir les effets de la décision rendue par la Cour de justice de la Cedeao. À ce sujet, il y a un fait qui semble répugner les conseils de l’Etat : ‘’Le Sénégal condamné par la Cour de justice.’’ Moussa Félix sort de ses gonds et tient à rétablir (sa) vérité, face au reporter qui a osé prononcer une telle expression. ‘’Ah bon ?’’, rétorque l’avocat. ‘’Si vous disposez d’une décision de la Cour de justice de la Cedeao condamnant le Sénégal dans cette affaire Khalifa Sall ou dans l’affaire Karim Wade, nous serons heureux que vous nous la présentiez’’.

‘’Certains veulent faire dire à la cour ce qu’elle n’a pas dit’’

La ligne de défense est ainsi toute tracée. Contrairement au discours souverainiste de certains politicards, l’aile juridique du gouvernement se la joue on ne peut plus prudent. L’image du Sénégal sur le plan international étant aussi en jeu. Pour les conseils, les gens vont parfois trop vite en besogne. Telle est leur conviction. Car, estiment-ils, à ce jour, l’arrêt de la Haute cour n’est même pas encore disponible. ‘’Le document brandi pour exiger la libération de Khalifa Sall est juste un extrait qui ne permet pas de faire une analyse ou critique exacte de la décision ou de tirer des conclusions hâtives. Certains l’utilisent aux fins de tromper les Sénégalais et ça ne peut pas passer’’.

Me Félix Sow et ses confrères se retroussent ainsi les manches, prêts à en découdre avec l’adversaire, sur tous les fronts. Sur le terrain médiatique, la bataille fait rage, même si l’arrêt n’a pas été communiqué, comme l’indiquent les avocats. La question qui se pose est alors de savoir quelle sera la posture du gouvernement, s’il s’avère que le jugement lui est défavorable ? L’ancien responsable du Forum civil, qui a joué un rôle clé dans le déclenchement de la traque des biens mal acquis, réplique : ‘’Le Sénégal est un État de droit qui respecte les décisions rendues par les juridictions, qu’elles soient nationales ou internationales. Nous avons toujours respecté les décisions de la Cedeao. Cette question, il faut surtout la poser à l’autre camp. C’est eux (avocats de la défense) qui ont cette tendance de ne pas reconnaitre les jugements rendus.’’ Selon lui, ses adversaires font dire à la cour communautaire ce qu’elle n’a pas dit.

Dans cette affaire donc, du moins si l’on en croit les avocats, il ne s’agit nullement d’un refus de l’État de se soumettre à une décision de la Cour de justice. Le pouvoir conteste plutôt l’interprétation qui en a été faite. Ce qui est constant, pour le moment, si l’on se fie aux défenseurs de l’État du Sénégal, c’est que Khalifa Sall et Cie ont été déboutés en ce qui concerne leur demande de cessation des poursuites et de libération immédiate. Mais, tout de même, ils reconnaissent que, selon les informations en leur possession, le gouvernement a été condamné à payer 35 millions de francs Cfa et non 50 milliards comme le demandaient les requérants.

Saisissant la balle au bond, il leur est ainsi demandé si l’État acceptera d’indemniser la bande à Khalifa Sall. Antoine Diom réplique : ‘’Il y a deux manières de montrer son respect à une décision de justice. On peut soit l’exécuter immédiatement, soit introduire un recours. Mais tout ça n’est pas encore possible, parce que l’arrêt n’est pas encore disponible. Je pense que c’est un droit légitime de dire que nous allons attendre la notification de l’arrêt pour savoir l’attitude qui s’impose. Ce qu’il faut retenir est que le Sénégal est membre de la Cedeao et respectera les décisions rendues par ses instances’’. À en croire l’Aje, certains dansent plus vite que la musique. Il leur conseille de faire ‘’Bine-Bine’’ (doucement). Maitre Ndéné Bitèye renchérit : ‘’Si la Cour de justice de la Cedeao voulait ordonner leur libération ou la cessation des poursuites, elle n’allait pas le faire de manière tacite. Une juridiction ne procède pas par métaphore ou par parabole. Une décision de justice doit être claire. Et ce sont les gens qui veulent semer la confusion en faisant dire à la cour ce qu’elle n’a pas dit.’’

À noter que le pool des avocats de l’Etat s’est enrichi de l’arrivée de Me Ousmane Sèye qui n’a pas du tout ménagé ses confrères de la défense.

Mor Amar

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