Publié le 27 Nov 2015 - 16:35
AFFAIRE MAMADOU DIOP

La prison requise contre les policiers Tamsir Ousmane Thiam et Wagane Souaré

 

Les deux policiers suspectés de la mort de l’étudiant Mamadou Diop ont été jugés hier devant le tribunal correctionnel de Dakar. Le premier encourt 2 ans ferme, le second risque 3 mois ferme. Des dédommagements d’un montant global de 109 millions de F CFA sont réclamés à l’Etat du Sénégal. L’affaire est mise en délibéré au 24 décembre prochain.

 

Les policiers Tamsir Ousmane Thiam et Wagane Souaré vont-il passer les prochaines fêtes de Noël en famille ? Si le tribunal correctionnel de Dakar suit le parquet dans son réquisitoire, les deux policiers suspectés de la mort de l’étudiant Mamadou Diop iront en prison. Une peine de 2 ans a été requise contre Tamsir et 3 mois contre Wagane. Selon le substitut Mamadou Senghor, il y a assez d’éléments prouvant que le dragon de police conduit par Tamsir et assisté de Wagane, le 31 janvier 2012, a tué la victime, à la Place de l’Obélisque où manifestait le M23 pour protester contre la validation de la candidature de Me Abdoulaye Wade à la Présidentielle de la même année. Le parquetier n’a pas été convaincu par les dénégations des prévenus. Ces derniers ont clamé leur innocence et ont laissé entendre que si le Dragon avait roulé sur la victime, elle serait écrabouillée, or le certificat médical parle de polytraumatismes et d’hémorragie interne.

Entendu en premier lieu, Tamsir Ousmane Thiam a déclaré qu’il était stationné du côté de l’Ambassade de la Mauritanie. ‘’Lorsque les émeutes ont éclaté, j’ai reçu l’ordre de dégager les barricades disposées au niveau de la station-service. Ensuite, nous sommes partis au HLM, car le poste de police était attaqué par des manifestants’’, a raconté le policier. Il a ajouté qu’en cours de route, ils ont entendu qu’un manifestant avait été fauché à la Place de l’Obélisque par une Mercedes blanche. ‘’ Est-ce que vous ne l’avez pas fauché sans vous en rendre compte ?’’ lui a demandé le président Mamadou Diouf. Le conducteur a répondu par la négative. ‘’Le véhicule est doté d’une vidéo qui permet de tout voir’’, a rétorqué Tamsir sans se départir de son sourire. Son comportement a par moments irrité le président qui l’a sermonné : ‘’Il y a une mort d’homme. Il faut être sérieux.’’ Son coprévenu Wagane a paru moins décontracté. Très formel, il a soutenu que le dragon n’a pas touché le plus petit cheveu de la victime. ‘’Il y a toujours une distance qui nous sépare des manifestants et nous n’avons jamais foncé sur eux. Nous étions là-bas pour éteindre les feux et enlever les barricades’’, s’est-il défendu.

Le président est revenu à la charge, en lui faisant comprendre que la taille du dragon pouvait les empêcher de voir la victime. ‘’Ce n’est pas possible grâce aux caméras, mais aussi à la pelle qui permet d’enlever les gravats’’, a répondu d’un ton catégorique Wagane. A la suite du président, le parquet a cherché à démonter les dénégations des prévenus. Le substitut Senghor a renvoyé Tamsir à certains de ses aveux faits durant l’enquête. ‘’Après avoir nié les faits, vous avez finalement avoué que vous avez foncé à vive allure sur les manifestants pour les disperser’’, a-t-il rappelé au prévenu. Ce dernier de préciser qu’il roulait à 40 km/h. ‘’Si nous avions foncé, nous serions tombés à cause de la pelle’’, a renchéri Wagane.

Cependant pour le parquet, la vidéo, le relevé topographique, le certificat de genre de mort et le témoignage de l’imam qui a fait le bain mortuaire suffisent largement comme preuve. L’imam a attesté l’existence de plusieurs blessures sur le corps de la victime. Cela a été corroboré par le docteur Babacar Niang, patron de la clinique SumAssistance qui a affirmé qu’un objet lourd est à l’origine de la mort Mamadou Diop. Car, a-t-il argué, le défunt avait le bassin cassé, puisque ses membres inférieurs étaient en addiction. Conforté par tous ses éléments, le ministère public a demandé que les prévenus soient déclarés coupables. Mais il a estimé que Tamsir est l’unique responsable de la mort de Mamadou Diop et des blessures subies par le député socialiste Cheikh Seck. Quant à Wagane Souaré, le parquetier a écarté sa complicité dans les faits de coups mortels et de coups et blessures volontaires. A son avis, le policier n’est coupable que du délit de non-empêchement de la commission d’un délit.

Les conseils de la famille, Mes Mansou Hann et Abdoulaye Tine, pensent que le tribunal a assez d’éléments pour entrer en voie de condamnation, car ils ont failli dans leur mission de service d’ordre. Pour le préjudice, Me Tine a réclamé la somme globale de 108 millions de F CFA. Soit, 70 millions pour le préjudice économique, 30 millions pour le préjudice moral et 8 millions pour les frais de procédure. ‘’Les sommes réclamées ne pourront pas faire revenir Mamadou Diop, mais en les allouant, ce sera un message pour la famille’’, a justifié l’avocat, avant de demander que l’Etat soit déclaré civilement responsable. A sa suite, le conseil du député socialiste Cheikh Seck, Me Malick Mbengue, a demandé au tribunal d’ordonner une expertise pour évaluer les blessures subies par son client. Toutefois, l’avocat qui n’a pas manqué de faire un listing des victimes de bavure des forces de l’ordre, a réclamé une provision de 1 million de F CFA pour le compte de son client. Qui, a-t-il appuyé, marche avec une canne, depuis que le dragon de la police l’a frôlé.

Quoi qu’il en soit, l’agent judiciaire de l’État a déclaré que la responsabilité de l’État ne saurait être engagée. Car, la famille de la victime a été déjà dédommagée. En effet, le père de Mamadou Diop a confié que le président de la République lui a versé 5 millions de FCFA, en sus d’un montant de 2,6 millions de F CFA reçu de l’AJE. Il s’y ajoute que les deux orphelines de son fils reçoivent chacune, mensuellement, 25 000 F CFA, en tant que pupilles de la Nation. ‘’Mamadou Diop a été privilégié par rapport aux autres victimes des violences électorales. Son père a reçu plus de 10 millions que l’Etat lui proposait comme indemnisation’’, a révélé Cheikhouna Hann.

Par contre, Me Bamba Cissé, avocats des deux policiers, a plaidé la relaxe au bénéfice du doute ou à défaut, le renvoi des fins de la poursuite. Car, à son avis, le doute plane sur la culpabilité de ses clients et il n’existe aucune preuve. Il fonde sa conviction sur les dénégations des deux policiers, mais aussi sur la puissance du Dragon. ‘’C’est un véhicule de 30 tonnes avec 600 000 litres d’eau et roues. S’il avait touché la victime, elle serait écrabouillée’’, a conclu Me Cissé. 

FATOU SY

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