Publié le 6 Aug 2019 - 22:49
AFFAIRES GUY MARIUS ET ADAMA GAYE

Les précisions ‘’à confusion’’ et ‘’à charge’’ du procureur 

 

En voulant apporter des précisions à l’opinion par rapport aux affaires Guy Marius Sagna et Adama Gaye, le procureur de la République a fini par agacer les avocats de ces deux inculpés. Serigne Bassirou Guèye a non seulement fait une confusion sur la nature des infractions, mais il est également accusé de violation de la présomption d’innocence.

 

Le procureur de la République, Serigne Bassirou  Guèye, brise le silence, dans les affaires Guy Marius Sagna et Adama Gaye. C’est pour dénoncer une certaine ‘’propagande’’ relative aux motifs de l’inculpation de ces deux activistes. ‘’Depuis quelques jours, des informations circulent sur les motifs de l’arrestation des nommés Guy Marius Sagna et Adama Gaye’’, soutient le procureur de la République près le tribunal de grande instance hors classe de Dakar. Qui fait ces précisions : ‘’Dans le souci de prévenir la propagation d’informations parcellaires ou inexactes, il convient de retenir que Guy Marius Sagna est poursuivi du chef de diffusion de fausses nouvelles, suite à ses déclarations selon lesquelles la France préparait un attentat contre le Sénégal’’, renseigne-t-il.

Et d’ajouter pour les condamner : ‘’De telles déclarations, au de-là de leur caractère faux et de la psychose qu’elles créent, peuvent avoir des conséquences graves sur la tranquillité et la sécurité des citoyens et des étrangers vivant au Sénégal.’’

Concernant le journaliste Adama Gaye, le procureur Serigne Bassirou Guèye déclare : ‘’Ses propos d’une indécence inouïe sur le président de la République ont conduit à son inculpation sur la base de l’article 80 du Code pénal et pour offense au chef de l’Etat.’’

Seulement, si le ministère public motive sa sortie par ‘’le souci de prévenir la propagation d’informations parcellaires ou inexactes’’, il semble être le premier à verser dans la désinformation. Car le coordonnateur du mouvement Frapp/France dégage est inculpé pour fausse alerte et non pour diffusion de fausses nouvelles.

Joints au téléphone par ‘’EnQuête’’, les avocats de Guy Marius Sagna l’ont confirmé. ‘’Notre client est poursuivi sur la base de l’article 429 bis du Code pénal et non 255. Le procureur s’est trompé et ceci prouve une fois de plus que Guy Marius est arrêté sans aucune base légale, car il y a eu des erreurs depuis le début et il vient de les reproduire’’, assène Me Moussa Sarr. Et d’ajouter que le communiqué n’apporte rien au débat.

Son confrère Cheikh Khoureyssi Bâ n’y est pas allé par quatre chemins pour dénoncer ‘’un amalgame terrible’’. ‘’C’est gravissime. Il ne peut pas dire qu’il est poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles, qui n’a rien à voir avec la fausse alerte, car il s’agit de deux infractions différentes’’, fustige M. Bâ. Qui, au-delà des ‘’confusions’’ liées à la qualification des infractions, déplore une violation de la présomption d’innocence. Il souligne que Serigne Bassirou Guèye n’a pas su retenir les leçons du passé. Allusion faite à la condamnation du Sénégal par la Cedeao dans l’affaire Khalifa Sall pour violation de la présomption d’innocence par le procureur de la République, lors du point de presse qu’il a animée, après l’arrestation de l’ex-maire de Dakar.

En fait, le conseil n’apprécie pas que le ministère public ait qualifié de ‘’propos d’une indécence inouïe’’ ceux reprochés à Adama Gaye. ‘’L’indécence commence avec les responsables de l’Apr. Où est-ce que le procureur était lorsque Moustapha Cissé Lô insultait Macky Sall ? Ce que Adama Gaye a écrit, le président lui-même l’a écrit dans son propre livre’’. 

Le procureur se rectifie

Cependant, face aux tirs groupés dont il a fait l’objet, pour avoir fait des confusions sur les infractions reprochées à Guy Marius Sagna, le procureur a rectifié le tir. ‘’Une erreur s'est glissée dans le communiqué du procureur de la République. Guy Marius Sagna a été inculpé pour fausse alerte au terrorisme et non pour diffusion de fausses nouvelles’’, rectifie la cellule de communication du ministère de la Justice dans un communiqué publié tard dans la soirée.

Frapp/France dégage renvoie le procureur à ses cours de droit

Il n’y a pas que les avocats de Guy Marius qui ont réagi au communiqué du procureur de la République. Le mouvement Frapp/France dégage fustige le contenu du communiqué de Serigne Bassirou Guèye. ‘’En prenant la responsabilité d’attribuer directement ces propos à Guy Marius Sagna, le procureur, non seulement a violé le principe constitutionnel de la présomption d’innocence, mais aussi et surtout, il n’a même pas cherché à savoir si les faits en cause sont techniquement imputables ou non à Guy Marius Sagna’’, déplore le mouvement. Qui renvoie Serigne Bassirou Guèye à ses cours de droit, en lui faisant savoir que ‘’tout juriste de bonne foi devrait, sur la base des faits en question, écarter la responsabilité pénale de leur camarade’’.

Car, arguent les activistes, ‘’les déclarations sur lesquelles se fonde le procureur n'ont pas été partagées par Guy Marius Sagna, ni sur Facebook ni sur un autre réseau social’’.

Ils précisent que ‘’c'est le Frapp, personne morale, qui est l'auteur desdites déclarations et non Guy Marius Sagna intuiti personae’’. Tout en regrettant qu’aucun autre membre de l’organisation n'a été convoqué ou interrogé, les membres de Frapp soulignent qu’ils sont ‘’un mouvement anti-impérialiste, qui a le droit de prévenir et d'éveiller les Africains contre les pratiques impérialistes et néo-colonialistes de la France, surtout quand le ministre Français de l'Intérieur, Christophe Castaner, et le député de Bby, Khouraychi Niasse, se sont exprimés sur la question du terrorisme’’.

‘’Dans ces conditions, font-ils remarquer, ‘’il est clair qu’imputer directement à Guy Marius Sagna les déclarations de Frapp/France dégage est plus une technique d’imagination judiciaire qu’une technique digne d’un procureur de la République’’.

Les activistes de poursuivre : ‘’Cette cécité du procureur devant l’impossibilité d’imputer objectivement les faits en cause à Guy Marius conduit logiquement tout observateur libre à chercher les motifs de l’arrestation de notre camarade non pas dans le droit pénal, mais certainement dans la politique judiciaire du gouvernement à brimer toute forme de contestation citoyenne populaire de sa politique néo-colonialiste.’’ Et ce, concluent-ils, ‘’grâce à une monstrueuse domestication du parquet en particulier et de l’institution judiciaire en général’’.

C’est au regard de ces griefs que le mouvement exige, une fois de plus, ‘’la libération sans condition et sans délai’’ de Guy Marius Sagna ainsi que de leur camarade de combat, le journaliste Adama Gaye, ‘’lui aussi en détention arbitraire’’.

FATOU SY

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