Publié le 14 Oct 2015 - 16:44
AFFRONTEMENTS A CONAKRY

Bambéto jette la première pierre 

 

Ça a chauffé hier à Bambéto, un des fiefs électoraux  de Cellou Dalein Diallo.  Au moment où tout le monde appelait au calme, des jeunes de cette localité ont porté leurs griefs dans la rue. Un léger face-à-face avec les éléments d’intervention de la police qui, toutes proportions gardées, risque de n’être qu’une escarmouche à l’approche de la proclamation des résultats par la CENI

 

‘‘Laissez-les passer, c’est une procession funéraire. Ne la bloquez surtout pas !’’, s’écrie un policier  tout de noir vêtu franchissant la barrière de fleur qui le séparait de la route. Devant le branle-bas de combat de ses hommes provoqué par une foule qui dévalait la Route du prince, celui qui semble être le commandant de ce détachement, joue l’apaisement. ‘‘Regardez chef, maintenant ce sont les sages qui les mènent’’, proteste un élément un peu zélé qui appelle les policiers à former les rangs. Mais rien n’y fait ; les ordres sont les ordres.

 A cent mètres, la minuscule affluence qui descendait l’une des voies de la Route du prince  devenait de plus en plus nette, laissant voir une foule composite de vieux, de femmes, d’hommes, d’enfants qui, le visage amusé par l’objectif d’un photojournaliste, qui le doigt menaçant devant le même appareil, prenaient la direction du cimetière, sous supervision policière extrême. L’autre voie est totalement libre, bloquée qu’elle est, depuis la mi-journée, par un mouvement de contestation des jeunes résidents de Bambéto. Cette localité de la banlieue nord de Conakry, bastion inexpugnable du candidat de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo, a  été le théâtre d’un affrontement entre groupes de jeunes, et forces de sécurité. Une fine pluie aidant à seize heures passées, la confrontation s’est estompée mais la fièvre peut monter à tout instant. ‘‘Depuis ce matin, nous sommes là, cinq de nos éléments ont été blessés par des jets de pierres’’,  fait savoir un membre du détachement policier qui nous urge de quitter les lieux.

 ‘‘La procession a certainement été infiltrée. Au retour, une autre flambée de violence pourrait se déclencher’’, dit-il l’air sérieux. Lunettes noires assorties à sa tenue sombre et au béret, il fait partie de la  centaine d’éléments qui campent dans la station Total de Bambéto, essayant de contenir l’avancée des manifestants. Les rebords empierrés des deux voies témoignent de l’intensité des affrontements. Avec ses grands immeubles qui bordent la route de part et d’autre, Bambéto ressemble peu à une  banlieue. Mais derrière ces façades luxueuses se cachent des demeures plus modestes et même des taudis, qui servent d’habitation.

‘‘Ce n’est pas très facile de les arrêter puisque quand nous entrons dans les ruelles, nos voitures ne passent pas. En plus, ils connaissent  le quartier mieux que nous’’, se défend le policier. La circulation automobile est inexistante sur ce point. Malgré la proposition d’escorte de la Police, pour qui vient du rond-point ‘Concasseur’, les automobilistes déclinent poliment, rebroussent chemin ou contournent Bambéto en passant par Gbessia. Les points les plus chauds sont Niarouwada, Route du prince, Barry Deflante et Pharmacie, explique un témoin, où la police, à défaut d’avoir pris totalement le contrôle, a contenu la foule.

Dixxin aussi

Les journalistes qui, à l’heure du déclenchement des hostilités, ont eu la malchance de passer par là, passaient des coups de fil aux confrères qui n’avaient pas encore quitté. ‘‘Bambéto, ce n’est pas bon. Il faut faire un grand tour pour venir à Coléah’’, entend-on dire dans les salles de rédaction de la Maison de la presse guinéenne.  A notre arrivée, la sécurité avait déjà bien quadrillé la zone, mais les témoins de la scène sont formels. Les affrontements ont été très intenses par moments. ‘‘Nous avons cru qu’ils allaient détruire nos commerces.

Heureusement que la Police est intervenue à temps’’, déclare Ibrahim Sori Diallo qui vient de fermer son échoppe pour n’encourir aucune perte. ‘‘Quand ils sont dans cet état, ils détruisent tout sur leur passage ; mieux vaut les éviter’’, déclare-t-il serrant le cadenas et vérifiant si la table tiendrait bien en cas d’attaque. Bambéto n’était pas seule puisque Dixinn aussi a connu des troubles hier. Des rassemblements et jets de pierres entre deux mouvements de jeunes appartenant aux différents camps vite maîtrisés par la Police qui a déployé un important dispositif sécuritaire dans ce quartier, où le leader de l’UFDG a voté dimanche passé. 

O.L.DIOP (envoyé spécial)

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