Publié le 3 Jul 2012 - 00:00
AFRIQUE

Ces Premières dames qui creusent la tombe de leur mari

 

Mise à jour du 1er juillet 2012: dans une interview au journal Le Parisien, réalisée à partir d'une webcam, Leïla Trabelsi, l'épouse de l'ancien dictateur tunisien Ben Ali, s'est dite «optimiste» pour son pays. L'interview raportée par Le Journal du dimanche a été réalisée par webcam depuis Djeddah, où Leïla Trabelsi et son mari sont assignés à résidence.

 

 

Grace Mugabe, la disgrâce des Zimbabwéens

 

«Est-ce un crime que de faire du shopping?» Voilà comment l’épouse du président du Zimbabwe a récemment tenté de minimiser les nombreuses critiques sur son train de vie extravagant. Une formule qui s’ajoute à celle, toute aussi sidérante, qu'elle adresse à un journaliste qui l’interrogeait sur son goût prononcé pour les chaussures de luxe:

 

«J’ai les pieds très fins. Je ne supporte que les Ferragamo.»

 

Tout est dit, dans ces deux phrases, sur la folie des grandeurs de l’épouse de Mugabe.

 

Souvent comparée à Imelda Marcos, la femme de l’ex-dictateur philippin réputée pour sa collection impressionnante de chaussures, Grace Mugabe aime faire les magasins de luxe. Ses points de chute avant que son mari et elle ne deviennent persona non grata en Europe et aux Etats-Unis en 2004, étaient Paris, Londres, Rome et Milan —les grandes capitales européennes de la mode.

 

On la surnomme «Gucci Grace» ou «The First Shopper», la Première cliente. Mais à Harare, la capitale, tout le monde la désigne par le très savoureux «Disgrace», la Honte en anglais, en référence aux sommes folles qu’elle dépense dans les vêtements haute-couture et les bijoux, alors que les Zimbabwéens sont en proie à une précarité de plus en plus grande et à un chômage qui frappe 95% de la population. En 2003 par exemple, le quotidien britannique The Daily Telegraph rapportait une note de 81.000 euros qu’elle aurait réglée dans un magasin parisien.

 

Les folies de Grace Mugabe ne se limitent pas aux grands couturiers et autres bijouteries de luxe. La femme du président aime aussi la couleur de l’argent. Fin 2010, l’hebdomadaire zimbabwéen The Standard publiait des révélations de WikiLeaks faisant état d’un câble diplomatique américain la soupçonnant d’avoir gagné plusieurs millions de dollars grâce à la vente illégale de diamants issus de la mine de Marange, dans l’est du Zimbabwe. Influente et crainte par les pontes du régime, «Disgrace» peut facilement faire décaisser des sommes aussi étourdissantes que six millions d’euros en liquide de la Banque centrale zimbabwéenne pour un achat pressant.

 

Depuis son mariage en grandes pompes en 1996 avec Robert Mugabe (12.000 invités), elle s’est fait construire le très controversé Graceland, une immense propriété qui aurait été revendue par la suite au chef d'Etat libyen Mouammar Kadhafi. Elle s’est également fait bâtir un autre palais dont la construction aurait coûté près de 18 millions d’euros. Ses villas en Asie ne se comptent plus, depuis que son mari et elle en ont fait leur nouvelle destination favorite. Selon le Sunday Times, elle viendrait ainsi d’acquérir une villa de deux étages dans la banlieue chic de Hong Kong pour la modique somme de trois millions d'euros.

 

Si le pouvoir de Mugabe tient toujours, l’influence et les frasques de Grace auront tout de même contribué à mettre le régime au ban de la communauté internationale.

 

Constancia Obiang, la nouvelle riche de Malabo

 

Il fut une époque où la Première dame équato-guinéenne n’avait d’autre choix pour faire ses emplettes que les grands magasins de Yaoundé, la capitale camerounaise. A l'époque son mari, le président Teodoro Obiang Nguema, empruntait pour ses voyages à l’étranger l’avion présidentiel du Camerounais Paul Biya. Mais surtout, tout ça c’était avant la découverte à la fin des années 90 d’importants gisements de pétrole dans ce petit pays d’Afrique centrale.

 

Depuis, la Guinée équatoriale s'est transformée en un véritable eldorado qui produit 350.000 barils de pétrole par jour. Une manne qui fait de Constancia Obiang une nouvelle riche décomplexée, manifestement impatiente de hisser la taille de sa garde-robe au niveau de certaines de ses homologues. Aujourd’hui, ce ne sont plus les vendeurs des boutiques de prêt-à-porter à Yaoundé qu’elle part impressionner, mais plutôt les joailliers de la place Vendôme à Paris et les grands couturiers internationaux qu’elle affole avec ses dépenses faramineuses. Elle sillonne Londres, Rio de Janeiro et Malibu, collectionnant au passage véhicules de luxe et villas cossues, dépensant sans compter la fortune qu’elle a accumulée avec son mari en seulement quelques années, depuis le boom pétrolier équato-guinéen.

 

Selon le magazine américain Forbes, la fortune des Obiang est aujourd’hui estimée à 600 millions de dollars (405 millions d’euros). Ce qui en fait l’un des couples présidentiels les plus riches au monde. Un patrimoine acquis grâce à l’exploitation de l’or noir mais aussi, selon certains, issue du trafic de drogue. En 1997, l’International Narcotic Board classait la toute petite Guinée équatoriale parmi les 9 plus grands narco-Etats d'Afrique.

 

La Première dame du pays cultive une apparente discrétion et multiplie les actions dans l’humanitaire et la protection de l’enfance. Elle a fait construire une grande clinique privée à Malabo, La Virgen de Guadalupe, et une autre à Mongomo, le village natal des Obiang. Elle a créé le Comité d’Appui à l’enfant Equatoguinéen ainsi qu'une fondation pour la promotion des femmes et une autre pour la lutte contre le sida.

 

Peu présente sur le devant de la scène politique, pour les adversaires du régime Constancia Obiang est en réalité celle qui manœuvre tout depuis les coulisses du palais présidentiel. Un palais où deux employés paraguayéens qui géraient sa fortune lui ont dérobé en 2009 la rondelette somme de 4 milliards de francs CFA en liquide (6,1 millions d’euros), plus de nombreux bijoux. Pendant ce temps, les quelques 600.000 habitants du pays croupissent dans une pauvreté endémique. L’épouse de Teodoro Obiang détiendrait également des capitaux dans la plupart des entreprises de bâtiments et travaux publics —toutes étrangères— installées dans le pays.

 

Une boulimie de pouvoir couplée à une orgie consommatrice. Aussi rusée que son mari, d’où son surnom, «Zé» (la panthère en Fang, la langue du terroir), elle a contribué à instaurer une véritable oligarchie en Guinée équatoriale, plaçant des membres de sa famille à tous les postes stratégiques. Sur les 68 ministres du gouvernement, 11 sont issus du clan présidentiel. Elle essaierait même de jouer de son influence pour faire du sulfureux Teodorin Obiang, leur premier fils et actuel ministre de l’Agriculture et des Forêts, le successeur de son mari à la présidence de la République. Seulement, en Guinée équatoriale, les histoires de famille finissent toujours mal. L’époux de Constancia est arrivé au pouvoir en 1979, en renversant son oncle Macias Nguema. L’histoire se répétera-t-elle ?

 

La Messaline de la lagune Ebrié

 

«Sorcière! Guenon! Escadron de la mort!» Après avoir plusieurs fois échoué à déloger Laurent Gbagbo de son bunker d'Abidjan, les soldats pro-Ouattara n’en revinrent pas durant leur dernier assaut de tomber face à face avec celle qui, pour eux, est l’incarnation même du mal. Les images de Simone Gbagbo jetée à terre, molestée par des soudards dépareillés posant avec elle comme un douteux trophée de guerre, dans une posture extrêmement dégradante, témoignent du degré de haine qu’inspirait l’ex-Première dame ivoirienne. Cette brutalité des hommes de troupe contrastait avec la retenue dont les commandants des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) ont fait preuve avec son mari. Pouvait-il en être autrement?

 

Pour beaucoup d’Ivoiriens, c'est cette dame de fer au physique ingrat, qui exerçait un pouvoir maléfique sur son mari, qui a entraîné Laurent Gbagbo dans sa descente aux enfers —et la Côte d’Ivoire dans l’abîme. C’est qu’au contact du pouvoir, la fille du gendarme Jean Ehivet, membre d’une fratrie de 18 enfants, syndicaliste de choc dans les années 70 et cofondatrice du Front populaire ivoirien (FPI) dans la clandestinité, va se révéler sous son vrai jour: implacable avec tous les adversaires, réels ou supposés, de son mari.

 

Ainsi, députée du FPI, elle ne va pas tarder à incarner l’aile dure du parti aux côtés de «faucons» comme l’ancien Premier ministre Pascal Affi Nguessan, le président de l’Assemblée nationale Mamadou Koulibaly ou le leader des Jeunes patriotes Charles Blé Goudé. Ainsi, après l’insurrection nordiste de septembre 2002, elle n’hésitera pas à verser dans la vulgarité en menaçant les émissaires du régime partis en France, à Marcoussis, négocier avec une délégation de rebelles:

 

«Si nos maris signent n’importe quoi là-bas, à leur retour ils ne nous trouveront pas dans leurs lits!»

 

Après avoir survécu miraculeusement en compagnie de son mari à un grave accident de la route, cette catholique, sous l’emprise du très controversé pasteur Moïse Koré, va devenir une intégriste évangélique. Pour elle, c’est simple: la rivalité entre Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara se résume à un combat entre le bien et le mal. Ainsi, selon Simone, «Dieu a donné la Côte d’Ivoire à Laurent Gbagbo». D’ailleurs, elle ne pardonnera jamais à son mari d’avoir épousé sa jeune et jolie rivale Nadiana Bamba, ancienne journaliste à Africa N°1, originaire du Nord musulman, qu’elle a réussi à écarter du palais après le premier tour de la présidentielle de 2010.

 

Simone est fortement soupçonnée, par l’entremise de son âme damnée et de son aide de camp le capitaine Anselme Seka Yapo, d’être impliquée dans les escadrons de la mort et dans la disparition du journaliste Guy-André Kieffer. Après la chute du président Gbagbo, la terrible Messaline du pays de la lagune Ebrié pourrait être traduite devant les tribunaux.

 

 

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