Publié le 15 Feb 2020 - 21:53
AGRESSION ENVIRONNEMENTALE DE LA FALEME

Le Boundou se rebelle

 

L’orpaillage menace la ressource en eau principale des populations des zones traversées par la Falémé. Lasses d’attendre des mesures de protection de leur richesse, les populations du Boundou s’organisent pour sauver ce qui reste de la Falémé.

 

Une catastrophe est en train de se dérouler sur les berges de la Falémé. De Kédougou jusqu’à la frontière sénégalo-malienne que l’affluent du fleuve Sénégal borde, l’état d’alerte a été dépassé. En cause, l’orpaillage qui met en péril la principale réserve d’eau des populations et du bétail du Sénégal oriental. ‘’Nous craignons des répercussions sanitaires pour nous-mêmes et nos bêtes qui s’y abreuvent. Nos cultures de décrue sont également exposées à des risques. En bref, toutes les activités économiques de la zone sont menacées. Pour une étendue d’eau qui permet d’assurer la quasi-totalité des besoins ménagers pour nombre de villages, la situation actuelle est grave’’, dénoncent les membres du comité de veille élargi mis en place aux fins de mettre un terme aux agressions dont souffre la Falémé.

Au banc des accusés, les orpailleurs sénégalais, mais également de diverses autres nationalités. L’activité, qui n’est pas encadrée, est à l’origine de conséquences environnementales très lourdes, qui risquent d’être irréversibles, si les mesures tardent à être prises.

En effet, le déboisement est à un stade très avancé. La perte de la biodiversité est une réalité palpable. De plus, les sols sont dégradés et pollués. De même que les eaux du fleuve, dont il est fait état de leur caractère boueux et trouble dans plusieurs localités parcourues par la Falémé.

En cause, les produits chimiques exploités, en premier lieu, le mercure utilisé dans les activités d’orpaillage. Viennent, ensuite, les huiles usagées des moteurs des engins, le flot d’équipements performants sollicités. Enfin, la main-d’œuvre nombreuse qui s’active dans la zone participe à la pression intense exercée sur les ressources. Avec comme conséquence immédiate sur la biodiversité, la raréfaction des poissons dans les eaux.

L’alerte de l’OMVS

L’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) alertait déjà, dans son site Internet, des effets induits de l’orpaillage sur la nature. ‘’Sur le plan environnemental, le danger principal émane de la pollution due à l’utilisation des dragues pour fouiller le lit du fleuve et du mercure dans le traitement du minerai. Il faut pointer, par ailleurs, la déforestation, l’agression du sol et l’utilisation de produits chimiques’’.

Aujourd’hui, la situation a empiré. ‘’Cette situation n’a pas fini d’accélérer chaque jour, un peu plus, la dégradation de ce fleuve qui, indépendamment de ces fonctions écosystémiques, représente une identité, un symbole pour les populations autochtones’’, clament en chœur les sages du comité de veille élargi au-delà des frontières sénégalaises.

Sursaut des populations du Boundou

Devant les mesures qui tardent à être prises pour sauver la Falémé et assurer sa survie et, par ricochet, celle des populations, un sursaut vital citoyen local s’est imposé aux populations du Sénégal oriental, à leurs ressortissants disséminés aux quatre coins du pays et dans la diaspora.

De fait, plus de 31 villages étaient déjà représentés lors de la réunion récente de la cellule élargie, ce 10 février, pour discuter des mesures à adopter. Cette mobilisation a dépassé les frontières sénégalaises. En atteste la présence, à cette réunion, de mandants des populations de Diboly (NDLR : région de Kayes) au Mali dont l’envoyé du maire.

Conséquences sociales des activités de recherche aurifère

En plus des conséquences environnementales désastreuses, l’activité a fini d’impacter les mœurs de la zone. En témoigne le flot de prostituées de nationalités variées qui ont investi les lieux.  L’OMVS en faisait déjà écho, en 2018, dans son article ‘’L’orpaillage dans la Falémé : une menace très sérieuse sur les ressources en eau’’, où elle affirmait : ‘’Sur le plan social, de la cohésion sociale, le péril est tout aussi grand, en raison de la promiscuité engendrée par la forte concentration humaine qui crée des problèmes de consommation de drogue, de prostitution et même de banditisme. En plus, il est en train d’impacter négativement sur l’agriculture, du fait de l’abandon de cette activité par beaucoup de jeunes.’’

Par ailleurs, les fils du terroir ont déjà prévu des actions diverses : marches, campagnes de sensibilisation, rencontres avec les autorités locales et administratives...

MAMADOU DIALLO (STAGIAIRE)

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