Publié le 17 Mar 2017 - 12:52
AL AMINE NOUVEAU KHALIFE DE TIVAOUANE

Parcours d’un guide pratique

 

Dans la continuité d’une intendance de la famille Tidiane qu’il n’a jamais cessé de gérer depuis le khalifat de son père, Al Amine est le nouveau Khalife général de la confrérie. Une charge de plus pour un homme qui a toujours porté la médiation en bandoulière.

 

La mise au point de Serigne Abdoul Aziz Sy en décembre 2015 était empreinte d’humour pour les préparatifs du Gamou. ‘‘Ne m’appelez plus Junior, j’ai 90 ans’’, avait-il déclaré devant l’assistance. Il est vrai que pour cet âge de senior, continuer à se faire appeler de la sorte était paradoxal. Un surnom qui lui a été accolé depuis longtemps pour le différencier de son oncle paternel, l’autre Abdoul Aziz Sy ‘‘Dabakh’’, celui avec qui il a cheminé durant une bonne partie de sa vie. En remplacement, et toujours pour éviter tout amalgame, il reçoit cette fois le surnom arabe d’Al Amine, signifiant littéralement celui qui est digne de confiance.

Tacitement, il était khalife général des Tidianes malgré un titre officiel de porte-parole, puisqu’il remplissait dans les faits les fonctions du khalife Al Maktoum, qui s’est reclus depuis 2012. Al Amine est de facto, depuis avant-hier, le guide spirituel sur lequel repose le destin de la Tijaniya, l’une des plus grandes confréries religieuses du Sénégal. Après avoir fait ses premières classes en même temps que ses frères Serigne Mansour et Serigne Cheikh, auprès de Serigne Alioune Guèye, Il fut chargé de l’intendance des affaires de son père, Serigne Babacar Sy, premier Khalife de Maodo. C’est le début d’une grande intendance des affaires de la famille Tidiane que les différents khalifes qui ont succédé à son père n’ont eu de cesse de renouveler jusqu’à présent.

Serigne Abdou Aziz Sy Al Amine peut avoir des postures très libérales et une liberté de ton dans un milieu où les traditions et protocoles sont primordiaux. Malgré sa poigne, ses disciples qui viennent assister aux conférences se voient parfois accorder la libéralité de s’asseoir sur les chaises au même niveau que lui. Un respect de la tradition prophétique qu’il s’évertue à respecter dans la plus grande humilité. Malgré son érudition intellectuelle et religieuse, Al Amine est pareil à son prédécesseur. Hors de question de se détourner du sort des hommes dans les vicissitudes de la vie quotidienne. A ce titre, sa contribution à l’édification d’une société pacifique se manifeste par ses incursions sans complexe dans les sphères de décisions politiques. 

Médiation politique

Il ne serait pas exagéré de dire que le nouveau Khalife des Tidianes est le religieux sénégalais le plus imprégné des dossiers politiques. Dans la tradition d’un interventionnisme confrérique dans les affaires de l’Etat, (politiques serait plus exact), Al Amine n’a cessé de proposer ses services pour un règlement à l’amiable de tous les différends, ou de se faire enrôler dans la tourmente politicienne par la force des choses. Toutes les grandes crises caractérisées par des intérêts globaux ou partisans de la classe politique, ont connu son intervention officieuse ou officielle, avec tous les risques de ‘‘représailles’’ politiciennes  que cela impliquait pour sa stature d’homme de Dieu. Médiateur des affaires sensibles, Al Amine demeure aussi un guide au langage sans détours. ‘‘Avant de commencer à démolir, il fallait faire des sacrifices et faire des offrandes aux différents foyers religieux. Tu n’as rien fait de tout ce que je t’avais demandé de faire et voilà ! Le président Abdoulaye Wade a rejeté tout ce que tu as fait. Il n’y a plus de fête d’indépendance.

C’en est fini pour toi. Nous ne sommes pas en France ou en Suisse, nous sommes au Sénégal avec nos réalités’’, déclarait-il dans une vidéo, critiquant ouvertement l’ex Premier ministre Idrissa Seck de n’avoir pas observé les conseils qu’il lui avait prodigués avant le démarrage des travaux dans la ville de Thiès pour l’indépendance en 2004. La fameuse brouille entre Wade et Idy qui s’ensuivit et sa médiation ratée ont contribué à détruire ses rapports avec le maire de Thiès, qui s’est jusque-là réclamé disciple tidiane. Ce dernier se verra même carrément ostracisé lors du Gamou en janvier 2015 par la voix de Tivaouane, ainsi que par Serigne Mbaye Sy Mansour, après qu’il a prétendument fait allégeance à l’autre foyer religieux, Touba, selon certaines autorités de la ville religieuse. Une mésentente vite effacée pour la célébration suivante où le président du Conseil départemental de Thiès a été reçu après avoir patienté pendant trois tours d’horloge.

Récemment, dans l’affaire de la caisse d’avance mettant  en cause Khalifa Sall, Al Amine a également critiqué le maire de Dakar pour avoir été ‘‘impatient de tenir une conférence de presse’’. D’après certaines indiscrétions, la sortie médiatique de l’édile de la capitale, accompagné du fils du défunt guide, a ruiné les efforts entrepris par Al Amine pour arrondir les angles d’une affaire qui sentait la prison. Mais apparemment, ‘‘Khalifa n’est pas demandeur de quoi que ce soit’’, dixit Barthélémy Dias. Une autre dissension politicienne qui ne devrait pas tellement inquiéter l'expérimenté désormais nouveau Khalife. 

OUSMANE LAYE DIOP

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