Publié le 20 Mar 2017 - 21:16
AL MAKHTOUM

L’intellectuel organique de la classe maraboutique (Par Fatou Sow Sarr)

 

Ce 15 mars, à l’annonce de la disparition de Serigne Cheikh, le Professeur Hamidou Dia m’a appelée pour me présenter ’’ses condoléances’’ en souvenir d’un débat que nous avions eu en 1987, venant de la Hollande, en route vers le Luxembourg. Avec des amis gauchistes et contestataires, nous avions eu des échanges houleux sur Serigne Cheikh. Mes arguments à moi je les tirais de la source à laquelle j’ai été nourrie : la foi d’une famille en cet homme. Mes amis, eux, n’avaient que les certitudes d’une doctrine marxiste qu’ils finiront d’ailleurs par abandonner et  je les avais invités, en tant qu’universitaires, à plus de rigueur dans la démarche, car aucun d’entre nous ne connaissait réellement la pensée de l’homme en question.

Depuis cette date, grâce à un moustarchidine, nommé Ousseynou Sarr, j’ai accumulé des matériaux sur l’homme. J’ai collectionné toutes les cassettes de ses conférences. Grâce à cette proximité virtuelle avec l’homme, par sa pensée, pendant une trentaine d’année, j’ai pu apprendre, au-delà de l’aimer, à respecter l’intellectuel intemporel, au savoir immense et d’une extraordinaire lucidité. Homme politique, homme de sciences, homme de culture, homme de lettres, il était devenu le défenseur de tous les droits : droit des femmes, des talibés, de l’environnement ; droit à la santé, au savoir, etc.

Cet homme à la pensée puissante, par son immense production intellectuelle est devenu mon inspirateur, la source à laquelle je m’abreuve. Il m’a enseigné le vrai sens de la liberté qui n’est rien d’autre que la soumission à Dieu, exclusivement à Dieu : seul moyen de briser les chaines que sont l’argent, le pouvoir, le statut social, etc.

Cheikh Ahmed Tidiane Sy était un des rares penseurs à pouvoir définir avec précision le rôle du marabout dans la cité, dont la spiritualité ne signifie pas un repli frileux mais une ouverture courageuse au monde. C’est en cela qu’il a été un intellectuel organique et même si comparaison n’est pas raison, Cheikh a été l’Instituteur du siècle, car il a instruit tout un peuple, comme l’ont fait d’autres tels que l’iman Al-Ghazâlî  dans la Perse du 12eme siècle ou ailleurs en Mésopotamie.

Il avait prédit que les jeunes allaient se ruer vers la religion mais en ajoutant ceci : trouveront-ils des gens pour les guider ? Pour ma part, sa vie et l’œuvre qu’il nous laisse constituent un précieux guide méthodologique, que nous avons l’obligation de vulgariser pour en faire un viatique pour les jeunes. Il sera leur guide pour l’éternité.

Je voudrais présenter mes condoléances à l’humanité toute entière car Cheikh Ahmed Tidiane Sy ne s’adressait pas seulement aux musulmans mais à l’homme universel. Je voudrais présenter mes condoléances à toutes les créatures du Seigneur avec qui il était en interaction, ce que dans notre infinie ignorance nous ne savions pas, car c’est tout l’univers qui s’est joint à nous, pour rendre hommage à cet élu de Dieu.

Je présente mes condoléances au Khalife Général des Tidianes, Serigne Abdoul Aziz Sy Al amine, à Serigne Mouhamadou Moustapha Sy et à tous les Moustarchidines.

Fatou Sow Sarr 

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