Publié le 12 Jan 2016 - 09:11
ALLEMAGNE

Ce qu’il faut savoir sur les viols du Nouvel An et les violences anti-immigrés à Cologne

 

Plus de 500 plaintes ont été enregistrées en Allemagne rien que dans la ville de Cologne pour des violences remontant au soir du Nouvel An, dont 40% d'agressions sexuelles. De nombreux étrangers et demandeurs d'asiles sont visés dans le cadre de ce scandale dont l'extrême-droite fait son miel.

 

En guise de « représailles », une douzaine d’étrangers ont été agressés hier après-midi dans le centre-ville de Cologne, vraisemblablement visés au cours de « promenades » orchestrées sur les réseaux sociaux par l’extrême-droite. Le point sur ces événements après la divulgation, lundi 11 janvier, des résultats du premier rapport d’enquête par les autorités allemandes.

Que s’est-il passé le soir du Nouvel An ?

Le soir de la Saint-Sylvestre, la ville de Cologne, à l’Ouest de l’Allemagne, a été le théâtre de violences, visant en particulier les femmes. Depuis le 1er janvier, 516 agressions ont été enregistrées, selon le dernier décompte de la police locale, publié dimanche.

Cette nuit-là, près d’un millier d’hommes d’origine arabe et maghrébine se sont rassemblées devant la gare, dont « de nombreux réfugiés » a expliqué lundi matin Ralf Jäger, le ministre de l’Intérieur de l’État régional de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, qui présentait au Parlement du Land les résultats du premier rapport d’enquête.

« Des heurts y ont éclaté, des agressions notamment sexuelles ont été commises avant que la place ne soit évacuée. Mais la foule a pu s’y rassembler de nouveau et de nouvelles violences y ont été perpétrées », a-t-il indiqué devant les élus locaux.

Cologne est-elle la seule ville concernée ?

Quelque 133 plaintes pour agression, y compris à caractère sexuel, ont été également déposées à Hambourg pour des faits de violences commis au même moment, le soir du Nouvel An. Hier après-midi, des femmes manifestaient dans les rues de cette ville du nord de l’Allemagne avec des pancartes disant « Nous ne sommes pas du gibier. Bas les pattes ! »

Dans les villes de Francfort, Bielefeld, ou encore Stuttgart, des plaintes auraient également été enregistrées, mais celles-ci seraient le faits de groupes isolés.

Qui sont les personnes suspectées ?

« Les personnes qui ont commis ces crimes étaient presque exclusivement d’origine immigrée », a indiqué ce lundi Ralf Jäger, parlant de « personnes originaires d’Afrique du Nord et du monde arabe ».

Pour l’instant, seules 19 personnes sont considérées comme suspectes, a indiqué dimanche soir la police locale. Les personnes sur lesquelles cette dernière enquête sont « originaires en grande partie de pays de l’Afrique du Nord » et seraient « en grand partie des demandeurs d’asile et des personnes se trouvant en Allemagne illégalement ». Deux voleurs à la tire de 16 et 23 ans, originaires de Tunisie et du Maroc, présents le soir des incidents, ont notamment été interpellés en possession de téléphones portables contenant des vidéos d’agressions sexuelles, a indiqué la police locale, deux jours plus tôt.

Vendredi, le ministère de l’Intérieur faisait état de 31 suspects, un chiffre fourni par la police fédérale allemande, dont 18 demandeurs d’asile, pour des violences ou des vols survenus le soir du Nouvel An dans la ville rhénane. Ce groupe de personnes comprend notamment 9 Algériens, 8 Marocains, 4 Syriens, 5 Iraniens, un Irakien et un Serbe, a-t-il détaillé. Mais le ministère n’avait alors pas mentionné la présence de suspects en ce qui concerne les agressions sexuelles proprement dites, ni d’interpellation.

Les violences ont-elles été planifiées?

Le ministre allemand de la Justice, le social-démocrate Heiko Maas, a déjà tranché : « Quand une telle horde se rassemble pour enfreindre la loi, cela paraît sous une forme ou une autre planifié. Personne ne me fera croire que cela n’a pas été coordonné ou préparé », a-t-il déclaré dans l’édition dominicale du quotidien Bild.

Le Journal du Dimanche, dans son édition du 10 janvier, évoquait de son côté « la main-mise de la mafia marocaine, de plus en plus puissante dans la région ». « Une commission spéciale (Sonderkommission) dite « Soko Casablanca » a surveillé plus de 2 000 suspects l’an passé et a alerté en décembre sur l’infiltration de ce gang de trafiquants et de pickpockets dans les foyers de réfugiés » précisait le journal.

Quelles ont été les « représailles » de l’extrême droite envers les étrangers ?

Une douzaine d’étrangers – 6 Pakistanais, 3 Guinéens, 2 Syriens ainsi qu’un homme d’origine africaine dont la nationalité n’a pas été précisée – ont été pris pour cible et brutalisés dimanche, à Cologne. En tout, il s’agit d’au moins quatre agressions distinctes orchestrées sur les réseaux sociaux par l’extrême-droite qui a appelé ses partisans à participer à des « promenades » dans le centre-ville, a indiqué ce lundi la police locale. Des personnes émanant du milieu hooligan et relayés par des groupes rebaptisés Altstadt Spaziergaenge (Promenades dans la vieille ville) ou Armlaenge (en référence aux mots de la maire de Cologne invitant en particulier les femmes à respecter « une certaine distance, plus longue que le bras » avec les inconnus pour se protéger des agressions).

Pour l’heure, il n’y a eu aucune arrestation, mais 153 personnes ont été interrogées dimanche, dont 13 étaient déjà connues pour des infractions liées aux activités de l’extrême-droite, et 18 autres provenant du milieu des bikers, notamment de la bande des Hells Angels, ou des videurs de boîte de nuit.

Manifestations xénophobes du parti Pegida

La veille, la manifestation du parti populiste et islamophobe Pegida, organisée samedi après-midi à Cologne, sur le parvis séparant la cathédrale de la gare centrale où ont eu lieu les agressions du Nouvel An, s’était soldée par des heurts avec la police locale. Après avoir reçu des bouteilles et des tirs de feu d’artifice d’un groupe de manifestant, les forces de l’ordre ont eu recours au gaz lacrymogène et à des canons à eau pour disperser les manifestants.

Une autre manifestation contre les réfugiés a été organisée dimanche soir, également à l’initiative de la branche locale de Pegida, à Leipzig, à l’Est de l’Allemagne.

Comment les autorités ont-elles réagi ?

Devant le Parlement du Land, Ralf Jäger a reconnu que la relative inaction de la police locale lors des violences du Nouvel An « avait été inacceptable » et a admis que les autorités n’avaient pas disposé « d’image d’ensemble » des événements avant la matinée du 1er janvier.

Vendredi, il a suspendu de ses fonctions le chef de la police locale de Cologne, Wolfgang Albers, critiqué pour l’incapacité des forces de l’ordre à protéger les femmes victimes d’agressions sexuelles et pour sa communication très tardive, confuse et limitée, plus d’une semaine après les faits.

Face aux critiques, la chancelière Allemande, Angela Merkel a durci le ton, demandant à ce que les demandeurs d’asile condamnés par la justice, même pour une peine avec sursis, puissent être expulsés, alors qu’ils doivent actuellement être sous le coup d’une condamnation à trois ans de prison ferme pour perdre leur droit de rester en Allemagne. En 2015, le pays a enregistré plus de 1,1 million de demandeurs d’asile, venus de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan ou d’Afrique du Nord.

(Jeuneafrique.com)

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