Publié le 18 Sep 2012 - 08:05
AMADOU GUEYE (Initiateur de Terminus 2012)

«La sur-priorité de Macky Sall doit être l'emploi des jeunes»

 

Coordonnateur de l’Union des indépendants du Sénégal (UNIS), et initiateur de Terminus 2012, il s’était illustré dans le combat contre un troisième mandat du candidat Abdoulaye Wade. Ce dernier ayant été défait, Amadou Guèye, ex-fonctionnaire à la Banque mondiale, engage le président de la République à faire de l'emploi des jeunes une sur-priorité de son mandat et émet des doutes contre le Conseil économique, social et environnemental annoncé.

 

 

Dans une contribution parue dans la presse, vous soupçonnez le régime de Macky Sall de vouloir créer le Conseil économique, social et environnemental pour caser une clientèle politique en portant le nombre de ses membres à 250 à l’image de ce qui se passe en France. Dès lors que le Sénat n'existe plus, qu’est-ce qui explique votre suspicion ?

 

Depuis la suppression du Sénat, applaudie par tous les démocrates et les populations, il y a subitement cette urgence à engager une réforme du Conseil économique et social pour le transformer en Conseil économique, social et environnemental. D’abord, il faut constater que ce n’est ni une demande populaire, ni une urgence, encore moins une recommandation des Assises nationales. Ce n’est pas une priorité articulée par Yoonu Yokkute. Alors, il est surprenant que subitement le Conseil économique et social retienne autant d’attention. Nous sommes dans notre rôle de vigie pour avertir cordialement qu’il ne faut pas que cette réforme du Conseil économique et social soit utilisée pour être une sorte de simili Sénat destiné à caser des amis et des alliés. Il faut savoir que le Conseil économique et social est un espace pour des organisations de la société civile, des acteurs sociaux. Donc, ce n’est pas un espace pour des politiciens. C'est un avertissement cordial que nous lançons au président Macky Sall pour qu'elle reste une institution austère.

 

Qu’entendez-vous par austère ?

 

Austère, c’est d’abord 80 membres. Avant c’était un peu moins. Austère dans son implication politique. Encore une fois, c’est d’abord un espace socio-économique. Ce n’est pas une urgence. Le président Macky Sall ne doit pas perdre de temps à travailler sur de telle réforme.

 

Le projet de loi portant suppression du Sénat, du Conseil économique et social, de la vice-présidence a été rejeté par les sénateurs. Est-ce un camouflet pour Macky Sall ?

 

Je ne pense pas que cela soit un camouflet pour le président Macky Sall. Il a pris la décision courageuse de supprimer une institution inutile. C’est la chose la plus importante. Le reste, c’est une question de procédure et un baroud d’honneur que les sénateurs veulent avoir. On est en démocratie. Mais le peuple ne veut pas du Sénat. Donc, si on doit aller vers un référendum, ce sera dans le cadre d’un paquet de réforme des institutions. L’essentiel est que cette décision soit entérinée.

 

Est-ce qu’un référendum ne serait pas une victoire pour l’opposition ?

 

Non. Si on doit aller vers un référendum, ce ne sera pas la seule question. Elle sera posée dans le cadre d’un paquet de réformes plus globales. D’ailleurs, c’est l’approche privilégiée que nous pensions être la bonne. C’est pourquoi nous saluons la mise en place d’une commission de réforme des institutions.

 

Au sein du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, les voix sont discordantes. Certains parlent de suppression définitive, d’autres souhaitent la restauration ultérieure du Sénat.

 

Je pense que les Sénégalais ne sont pas dupes. Il est clair que les politiciens ne diraient pas non sur une représentation qui leur permet d’avoir un moyen politique. Mais, ce ne sont que des opinions. Ce qui est important, c’est que la suppression du sénat est une décision populaire. C’est une volonté majeure des Sénégalais cautionnée par une grande partie des acteurs politiques, des Assises et du président de la République.

 

Vous avez participé à la lutte contre un troisième mandat du président Abdoulaye Wade. Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur le bilan à mi étape du président Macky Sall ?

 

Je dois dire que je suis entièrement satisfait, au même titre que les Sénégalais, du départ du défunt régime dans la paix.

 

Il y a eu quand même de nombreuses victimes

 

Effectivement. Je dois en profiter pour saluer la mémoire des victimes tombées au champ de bataille. Nous devons avoir cette humilité en revendiquant cette victoire et avoir une pensée pieuse à l'endroit de tous ceux qui ne sont plus là. Sur les fruits de ce combat, il y a un espoir immense placé auprès de ce régime. Je pense surtout aux jeunes. Je pense que le président Macky Sall et son gouvernement, au-delà des urgences des inondations et des questions institutionnelles, doivent faire de la relance de l’économie et de l’emploi des jeunes des priorités. Sans la redynamisation de l’économie et de la croissance pour tous, et sans un programme ambitieux pour l’emploi des jeunes, il sera difficile d’avoir un bilan positif. C’est vrai qu’il y a beaucoup de priorités, mais la plus urgente, c’est l’emploi des jeunes. Sur cet aspect, nous sommes encore dans l’expectative.

 

Le Premier ministre a fait sa déclaration de politique générale. Vos préoccupations par rapport à cette question ont-elles été prises en compte ?

 

Ce n’est pas mon sentiment. Je pense que le Premier ministre a plusieurs fois parlé de la question de l’emploi des jeunes, mais à la fin du discours, je n’ai pas vu une mesure phare qui permet aux jeunes d’avoir une réponse à leurs préoccupations. C’est vrai que c’était une déclaration de politique générale qui ne va pas forcément dans les détails, mais on aurait aimé avoir les trois ou quatre priorités majeures. Quand on sort du discours, on ne sait pas ce qui va se passer. On a un sentiment d’avoir un ensemble de priorités, mais on ne sait pas exactement ce qui va être déroulé. Je retiens qu’il y aura une concertation qui sera organisée, on attend de voir ce que le gouvernement va faire. Il n'y a vraiment aucune piste sérieuse qui puisse permettre de dire que le gouvernement a des solutions pour l’emploi des jeunes.

 

Vous aviez fait des études sur le chômage. Le président de la République a promis 500 000 emplois pour les 7 ans (ou 5 ans). Est-ce réalisable ?

 

Je pense, comme le président Macky Sall, qu’il faut un dispositif massif pour résoudre le problème du chômage des jeunes, pour la bonne et simple raison que le nombre de demandeurs d’emplois croît chaque année. Nous, ce que nous avions proposé, c'est des mesures concrètes pour l’emploi des jeunes. Et l’une des mesures phares pour financer l’emploi des jeunes, c’était de réserver les revenus d’une quatrième licence de téléphonie pour lancer un ambitieux programme. Il faut donner un signal fort aux jeunes. C’est des dizaines de milliards qui doivent être mobilisés. Il faut des ressources nouvelles comme l’octroi d’une quatrième licence de téléphonie qui est d’ailleurs un besoin réel. Cela permettrait de mobiliser entre 100 et 150 milliards pour constituer un fonds de l’emploi des jeunes.

 

Pensez-vous que le président de la République soit lié par les Assises nationales ?

 

Je dois à la vérité de dire que pour autant que le président Macky Sall avait souscrit aux conclusions des Assises nationales, il avait émis quelques réserves. Par exemple, sur le Sénat, il avait critiqué le mode de désignation et non la suppression du Sénat. Il se peut qu’il y ait des divergences avec les conclusions des Assises. Je dois aussi rappeler que les Assises sont un ensemble de recommandations, ce qui suppose une certaine flexibilité dans leur application. Mais là n’est pas la difficulté. Si on veut respecter l’esprit des Assises, on peut le faire. Je me réjouis qu’il ait recours au président Amadou Makhtar Mbow à travers la mise en place d'une commission. C’est une manière de montrer qu’il tient compte des conclusions des Assises nationales. Ce qui est important, c’est de travailler à harmoniser les positions et surtout que ce soit les positions populaires qui triomphent en dernier lieu.

 

Vous êtes membre du M23, comment entrevoyez-vous l’avenir de ce mouvement.

 

Je crois que le M23 est une organisation exceptionnelle qui a toujours été là pour les moments exceptionnels. Le M23 est né de la fusion des acteurs politiques. Cette fusion était nécessaire pour le Sénégal lorsque le pays était en danger. Pour moi, cette philosophie doit demeurer. Il ne faut pas que le M23 se substitue aux organisations politiques, il doit continuer d’exister et émerger comme dernier ressort pour porter le combat si des dangers planent sur les institutions. Il ne faut pas s’attendre à ce que le M23 se prononce sur tous les sujets. Il faudra qu’il émerge juste sur des questions majeures. En dehors de ça, il faut laisser le champ libre aux acteurs politiques pour résoudre certaines questions politiques.

 

DAOUDA GBAYA

 

 

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