Publié le 30 Mar 2015 - 17:37
AMADOU SOW, CHEF DE VILLAGE

Il a obtenu le CFEE à 59 ans

 

Amadou Sow est le président de l’Association inter villageoise (AIV) du Ndiael. Depuis juin 2014, il étrenne fièrement son certificat de fin d'études élémentaires.

 

Né le 25 octobre 1955, Amadou Sow est un personnage au parcours atypique, mais très respectable. Le genre qui inspire admiration et motivation. Sans avoir jamais été à l'école et très déterminé à ne pas rester en marge de son époque, M. Sow a passé et obtenu son certificat de fin d'études élémentaires (CFEE), en octobre dernier, après avoir pris part à la session de juin 2014 qui a rassemblé plusieurs candidats de l'âge de ses petits-fils. Une consécration arrivée à 59 ans pour cet homme dont les différentes étapes de sa vie se résument au dévouement à sa communauté du Ndiael, dans la région de Saint-Louis.

Son certificat de fin d'études élémentaires, Amadou Sow, qui est aussi le président de l’Association inter villageoise (AIV) du Ndiael, le savoure volontiers et le fait savoir à qui veut l'entendre. C'est parce que derrière son premier "diplôme" reconnu par le système académique officiel de la République du Sénégal, Amadou Sow cache une histoire émouvante qui résume la relation amicale entre son défunt père et Denis Woula Ndiaye, un ancien commis de l'Etat du Sénégal. Amadou Sow avait sept ans lorsque Denis Woula Ndiaye, alors chef d’arrondissement de Ross Béthio, a rencontré son père, un marabout et grand notable du village de Raynabé 1. M. Ndiaye a demandé que le petit Amadou soit inscrit à l’école pour être instruit en français.

Le vœu du chef d'arrondissement ne fut pas exaucé, car Amadou Sow est le fils unique de son père qui choisit plutôt de l’initier personnellement aux enseignements du Coran. Mais le "vieux" fit cette promesse à son ami Denis Woula Ndiaye : "Amadou Sow pourra apprendre le français quand il le voudra, sitôt ses connaissances du Coran et de l'arabe assimilées". Sous la coupe réglée de son père, Amadou reçut une instruction approfondie du Coran et de l'arable, puis se spécialisa dans le droit islamique, la charia. Il est devenu imam et a été confirmé chef de son village en 1999. Amadou est aussi cadi de sa localité.

Malgré l’érosion du temps et des années, il n’a jamais oublié la promesse faite par son père à son ami Denis Woula Ndiaye. Autodidacte, Amadou Sow a été sensible aux préjugés qui auraient pu tourner en dérision son désir de s'instruire en français. Il a évité malgré lui les cours du soir dans la ville de Ross Béthio où il est très connu et a choisi de s’inscrire comme auditeur libre à l’examen du certificat de fin d’études élémentaires.

Un challenge compliqué, puisqu'avec ses 59 ans révolus, M. Sow s’est retrouvé en salle de classe, entouré de gamins de l’âge de ses petits-enfants, le jour de l'examen. Qu’importe, si c’est le prix à payer pour obtenir le sacre officiel de l’étape de base qui sanctionne son niveau d'instruction en français. Amadou Sow fonce sans calculer. Une tentative payante. Octobre 2014, les résultats sont tombés. Mamadou Sow a obtenu son diplôme du CFEE. Et lorsqu'on lui a demandé s'il franchirait le pas pour s'attaquer au brevet de fin d'études moyennes (BFEM), Amadou Sow a répondu stoïque : "Tout dépend des forces intellectuelles que mon âge voudra bien m'accorder."

Passionné des nouvelles technologies de l'information et de la communication, Amadou Sow étrenne aujourd’hui fièrement son ordinateur portable. Il écrit sur Word, s’exerce à la feuille de calcul Excel et sait tenir à jour ses documents comptables. Entre autres, Amadou Sow se ballade souvent dans la réserve du Ndiael avec son appareil GPS de géolocalisation qu’il a appris à manipuler à la suite d’une formation avec les techniciens du bureau régional Afrique de l’Organisation environnementale Wetlands International. Car soulignons-le, M. Sow est un grand défenseur de l'environnement comme en atteste le dynamisme de son association inter villageoise dans les activités de restauration du Ndiael, classé site Ramsar, depuis 1977.

 

 

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