Publié le 4 Nov 2019 - 16:47
AMINATA MBENGUE NDIAYE AU HCCT ET ALIOUNE NDOYE AU MPEM

L’envers de nominations

 

Les nominations d’Aminata Mbengue Ndiaye au Hcct et d’Alioune Ndoye au ministre de la Pêche et de l’Economie maritime, par le président Macky Sall, s’inscrivent dans la logique de la poursuite du compagnonnage Apr-Ps au sein de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Mais elles renforcent aussi ces deux responsables dans leur quête de légitimité au sein du Parti socialiste, surtout après la disparition d’Ousmane Tanor Dieng et l’exclusion de Khalifa Sall et Cie.

 

Longtemps annoncée, mais toujours reportée sine die, la nomination d’Aminata Mbengue Ndiaye à la tête du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) a été finalement actée avant-hier samedi 2 novembre 2019. La désormais ex-ministre de la Pêche et de l’Economie maritime succède, une seconde fois, à feu Ousmane Tanor Dieng, d’abord au Secrétariat général du Parti socialiste, puis à la présidence du Hcct.

Toutefois, il faut souligner que le processus ayant débouché sur sa nomination n’a pas été de tout repos pour le président de la République. N’étant pas élue locale, il était quasi impossible, pour Aminata Mbengue Ndiaye, d’intégrer le Hcct. Elle l’a été par un concours de circonstances. Puisqu’il a fallu que deux places se libèrent dans le stock de nominations du chef de l’Etat pour que ce dernier puisse prendre un décret à cet effet.

Logique de continuité du compagnonnage Apr-Ps

Etant donné que 70 des 150 membres du Hcct sont directement nommés par le président de la République, les 80 autres élus par un collège électoral constitué uniquement d’élus locaux, il fallait, au chef de l’Etat, faire recours aux postes vacants laissés par les défunts hauts conseillers Adja Dior Diop et Cheikh Lo, pour intégrer Aminata Mbengue Ndiaye au sein de l’institution. Elle ne pouvait pas succéder directement à Ousmane Tanor Dieng qui, lui, avait été élu au même titre que feu Bouna Camara qui ont été tous deux remplacés par leurs suppléants respectifs.

Ainsi, pour porter la désormais ex-ministre de la Pêche et de l’Économie maritime au sommet du Hcct, Macky Sall a été obligé de prendre deux décrets. Un décret qui la désigne, dans un premier temps, membre du Hcct, puis un autre qui la nomme présidente de ladite institution.

Au même moment, le président de la République n’est pas allé chercher loin pour trouver un remplaçant à Aminata Mbengue Ndiaye. Il a coopté à ce poste le maire de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye. Annoncé à plusieurs reprises dans le gouvernement de Macky II, le secrétaire national à la formation permanente et à l’éducation politique, directeur de l’Ecole du parti du Ps, préside désormais aux destinées du ministère de la Pêche et de l’Economie maritime.

Jeu d’équilibrisme

Ces choix du président de la République obéissent, en effet à une logique de continuation du compagnonnage avec le Parti socialiste. Alors que les uns s’attendaient à une récupération du poste, suite au rappel à Dieu d’Ousmane Tanor Dieng, les autres à une suppression pure et simple de cette institution qu’ils qualifient souvent de budgétivore, Macky Sall renforce, au contraire, les socialistes en conservant intact le quota qui leur a été toujours imparti dans le gouvernement depuis la prise du pouvoir en 2012. De tous les partis alliés du président de la République, dans le cadre de la coalition Benno Bokk Yaakaar, seul le Parti socialiste n’a jamais été dévalué d’un seul poste ministériel. Même si la coalition Benno ak Tanor en a perdu un avec la défénestration d’Aly Haïdar du ministère de l’Environnement. Le parti d’Ousmane Tanor Dieng a toujours conservé ses deux postes de ministre et jusqu’à avant-hier, la présidence du Hcct.

A travers ces deux nominations, le président Macky Sall joue à l’équilibriste. Une récupération du poste pouvait sonner le glas de son compagnonnage avec le Ps dans le cadre de la coalition Benno Bokk Yaakaar et pouvait passer, aux yeux de l’opinion, comme une trahison à l’égard de feu Ousmane Tanor Dieng. Le poste pourrait également faire l’objet de convoitise au sein du parti-Etat, l’Alliance pour la République. Le parti présidentiel a toujours dénoncé les faveurs faites aux socialistes dans l’attelage gouvernemental. Par moments, elles ont eu à occasionner des grincements de dents. Mais c’est sans compter avec la volonté et la détermination du président de la République de garder dans son escarcelle ses alliés traditionnels dont les socialistes qui lui ont accordé leur soutien au second tour de l’élection présidentielle de 2012 et qui lui ont été d’un grand apport politique lors des précédentes joutes électorales de 2014, 2016, 2017 et 2019.

Enjeux politiques

Ces nominations d’Aminata Mbengue Ndiaye au Hcct et d’Alioune Ndoye au département de la Pêche et de l’Economie maritime sont perçues, par ailleurs, comme une consécration pour les deux responsables socialistes, dans leur quête de légitimité au sein du Parti socialiste. Tous deux partagent un destin commun. Si la toute nouvelle présidente du Haut conseil des collectivités territoriales a toujours vécu dans l’ombre d’Ousmane Tanor Dieng, le directeur de l’Ecole du Ps a vu son ascension à la coordination Ps de Dakar bridée par un certain Khalifa Ababacar Sall, Secrétaire national à la vie politique et Secrétaire général de la coordination Ps de Dakar, jusqu’à sa récente exclusion du Parti socialiste par le Bureau politique.

Leurs nominations viennent ainsi redistribuer les cartes dans les rangs du Ps secoué par une guerre de succession et de leadership, après la disparition d’OTD en juillet dernier.

Même si Aminata Mbengue Ndiaye exerce la plénitude de la fonction de secrétaire général du Ps, après sa désignation, par le Secrétariat exécutif national, par le truchement des articles 18 et 30 des statuts et règlements dudit parti, beaucoup de responsables socialistes, et pas des moindres, voient en elle une simple intérimaire qui devra passer le témoin très vite, au prochain congrès qui devait normalement se tenir en juin 2019 dernier. Sa cooptation à la tête du Hcct par le président de la République peut ainsi lui être d’une grande utilité dans sa quête de légitimité en tant que digne héritière d’OTD. Dans un milieu politique sénégalais très misogyne, elle devra impérativement sortir le grand jeu pour s’imposer.

Dans cette bataille future, elle a besoin de beaucoup de soutiens qu’elle peut d’ores et déjà trouver dans des instances de décision comme le Secrétariat exécutif national, le Bureau politique ou encore le Comité central, qui est le parlement du Ps. Mais aussi de beaucoup de moyens financiers pour tisser sa toile. Cela est d’autant plus à sa portée qu’elle trône désormais sur un butin de guerre de 7,3 milliards de nos francs, représentant le budget de fonctionnement du Hcct qui échappe à tout contrôle du Trésor public. Elle dispose, en sus, de fonds politiques de plus de 500 millions de F Cfa par an.

Itou pour Alioune Ndoye, parachuté dans un département ministériel très liquide. Dans sa conquête de la coordination Ps de Dakar, il peut dorénavant compter sur sa force de frappe financière pour déboulonner Khalifa Ababacar Sall qui tente, un tant soit peu, de se refaire une nouvelle santé politique, après sa remise de peine.

ASSANE MBAYE

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