Publié le 29 May 2017 - 23:02
AMINATA SOW FALL ECRIVAINE

‘’La pauvreté n’est pas incurable’’

 

Aminata Sow Fall, auteure émérite sénégalaise, vient de publier aux éditions ‘’Caec, Khoudia’’, son dixième roman : ‘’L’empire du mensonge’’. Une cérémonie de dédicace de cet ouvrage s’est tenue jeudi passé à la maison des écrivains sénégalais. EnQuête a saisi l’occasion pour interviewer, le lendemain, ‘’la fringante jeune dame de 76 ans’’. Elle a partagé sa pensée sur l’évolution de la société, l’emprise de l’argent et du mensonge, etc. A ceux qui sont tristes de ne pas la voir célébrée par les autorités comme il faut, Aminata Sow Fall assure que cela ne la dérange guère.

 

Cela fait 12 ans que vous n’avez pas publié de livres. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

De plus en plus, quand on bouge, quand on voyage, il est difficile de produire. Avant, j’enseignais. Ensuite, j’ai été dans des directions au ministère de la Culture. J’ai démissionné parce qu’il me fallait me consacrer à l’écriture. Mais en même temps, je recevais des invitations d’universités étrangères pour des enseignements en ‘’visiting profesor’’. Je préfère rester au Sénégal. Je voyageais aussi pour des conférences. Mais j’écrivais aussi des textes qu’on me commandait ; des nouvelles, des réflexions sur divers sujets. Je pense, incha Allah, réunir tous ces textes. C’est ce qui a retardé ma production, mais je ne me suis jamais arrêtée. C’est en 1982 que j’ai décidé d’écrire ‘’Douceurs du bercail’’. A ce moment-là, j’étais directrice des Lettres et de la propriété intellectuelle et directrice du centre d’études des civilisations.

J’étais à ce moment déjà étonnée d’un certain découragement des jeunes pour rester ici chez nous en disant qu’ici rien n’est possible, qu’à l’université rien n’est possible. Alors que moi, j’aurais pu rester en France. Mes enfants sont nés là-bas. Mais je leur ai dit de venir faire leurs études au Sénégal et d’aller consolider leur savoir, s’ils le veulent, après la Maîtrise. C’est en ce moment-là que j’avais entrepris ‘’Douceurs du bercail’’. En 1982, une dame qui enseigne aux Usa m’a interviewée dans une revue qui s’appelle ‘’Notre Librairie’’, consacrée exclusivement au Sénégal, et m’a demandé quel serait mon prochain livre après ‘’L’Appel des arènes’’. Je lui ai dit qu’on va parler de l’émigration et l’immigration pour montrer qu’on peut vivre en Afrique. Il est vrai qu’il est  bien d’écrire. Mais des fois, on est empêché. Seulement quand on a une idée en tête, on ne la perd jamais.

Que dénoncez-vous dans votre nouvel ouvrage ‘’L’empire du mensonge’’ ?

D’abord, je n’écris jamais pour dénoncer. Jamais ! Ecrire pour dénoncer, c’est faire un pamphlet ou faire n’importe quelle production engagée dans le sens de critiquer. Moi, je suis dans la fiction. Parce que même si ce sont des choses qui se passent, je ne fais pas un travail de sociologue. Je fais un travail qui me permet de mettre en place des mécanismes qui peuvent être possibles. Il n’y a jamais eu de grève de mendiants au Sénégal. Ce qui m’avait choqué un jour, c’est que j’avais entendu une personne traiter les mendiants de ‘’déchets humains’’. Ça, je ne pouvais pas le supporter. Je pense que la première chose que nous nous devons, c’est de respecter les êtres humains quelles que soient leurs conditions. Ça m’était resté en travers de la gorge. Trois années après, je passais sur les allées Papa Guèye Fall pour aller travailler. J’étais là au feu rouge et j’ai vu qu’on apportait beaucoup de bonnes choses aux mendiants. On leur donnait de grands bols pleins de victuailles.

Il y avait à côté un personnel de maisons et on voyait bien que ce sont des gens qui venaient de milieux aisés. Au feu rouge où j’étais, une question m’a turlupinée : ‘’Et si ces mendiants avaient refusé cette nourriture ?’’ Connaissant notre contexte socioculturel, nos croyances etc., j’imaginais le désarroi que ça allait causer à ceux qui les ont envoyés. C’est comme ça que très vite, j’ai écrit ‘’La grève des bàttu’’. Moi, je pars du possible. Là, c’est ce qui a motivé cette réaction de ma part. Je vous dirais que cette personne qui a prononcé ces mots-là, elle pourrait être identifiée. Mais je ne dirais jamais son nom. Un professeur d’une université américaine a fait sa thèse sur moi. A l’étranger, quand ils font des thèses, ils obtiennent des fonds pour aller enquêter. Ce professeur a dit dans sa thèse que ‘’les déchets humains’’, ce bout de phrase a été dite par telle personne, à tel endroit. Et c’était vrai. D’ailleurs, ce n’est pas à moi qu’il a envoyé la note. C’est aux éditions ‘’L’Harmattan’’, qui me l’ont transmise.

Vous parlez de quel mensonge dans ce roman ?

Ce n’est pas le Sénégal. Dès qu’on lit, on peut même ne pas penser au Sénégal. Parce que le mensonge que je décris est le mensonge planétaire. Nous ne sommes plus nous-mêmes. Nous ne nous contentons plus d’être nous-mêmes. Nous sommes en train de feindre. J’aurais même pu écrire ‘’L’emprise du mensonge’’. Parce que très souvent, on est pris par ce mensonge social. Mais je dis que tous les mensonges ne sont pas mauvais parce que l’art en est un. Toute création artistique, y compris le roman, c’est du mensonge. Vous inventez et vous mettez ça dans la tête des gens. Mais là, ce n’est pas grave. Parce que quand je vivais en France, je me disais, ces gens-là sont tellement pressés, ils sont tellement occupés, ils ont tellement de soucis, si un jour toutes les institutions culturelles étaient fermées, ils deviendraient fous. Parce que c’est cela qui leur donne le courage de vivre. Je m’amusais dans le métro à voir si quelqu’un allait sourire.

Mais ils n’en avaient pas le temps. C’est ce genre de mensonge artistique qui nous soigne, nous préserve de nos angoisses. Parce qu’en ce moment-là, on peut s’échapper quelque part, surtout maintenant, d’une manière ou d’une autre, on peut échapper à cet ennui, ce stress. Posez-vous la question, si aujourd’hui il n’y avait pas la culture, que serions-nous devenus ? Ce n’est pas le Sénégal, c’est partout. Seulement, ça part d’un évènement, d’une chose que j’ai vue. Là aussi, ça part du réel pour être après romancier. Un jour, j’ouvre un quotidien du Sénégal et c’est un ambassadeur dont je connais bien le pays, j’étais même à son déjeuner d’adieu. Il a dit beaucoup de belles choses sur le Sénégal. Mais c’est la nuit ici que nous disons la vérité. Mais chez eux aussi. On ne dit jamais la vérité.

Et ça, c’est partout, dans toutes les branches de notre activité, surtout maintenant avec l’industrialisation. On nous donne du lait ou du jus d’orange en nous faisant croire que ce n’est que du lait ou de l’orange, alors que ce n’est pas vrai. Il n’y a que 10% de jus et le reste, c’est du médicament. Ce n’est pas du bon médicament. Ce n’est pas la bonne molécule. C’est une molécule de synthèse. Des gens en meurent. Les laboratoires le savent mais ça fait gagner plus d’argent. Avoir la molécule naturelle coûte beaucoup plus cher et est plus lente à multiplier. Pour ce qui nous concerne, nous les femmes, on veut toujours changer notre physique, changer nos manières d’être, chercher à être autre. Je dis là : restons nous-mêmes. On peut s’embellir, c’est le droit de toutes les femmes et de tous les hommes, mais l’esthétique fait maintenant des ravages. Dans le livre, c’est bien expliqué que le mensonge est planétaire.

Comment en est-on arrivé à cette situation,  à votre avis ?

On n’a pas eu le temps de réfléchir, surtout quand ça concerne le physique et de savoir qu’on a toujours des moyens d’être belle pour les femmes. Des fois, on pense que plus on se rapproche de la peau blanche, plus on est dans la modernité. Pour les habits aussi, on se dit : c’est la modernité. Les gens avaient même honte de mettre nos habits. J’ai vu un couple que je connais mais l’homme disait à sa femme : ‘’Ne mets pas les grands boubous parce que ça te vieillit’’ ; alors qu’il n’y a aucun rapport. On n’a pas eu le temps de prendre acte et de savoir ce que nous sommes, ce que nous pouvons valoir et ce que nous pouvons être dans n’importe quel monde. Je vais en Occident et je vois que dans les universités, il y a beaucoup de gens qui ont adopté notre genre d’habillement.

Il y a des Américains qui travaillent ici et on les voit mettre des ‘’abaya’’ (djellaba) comme nous. Nous, nous sommes complexés. Nous pensons que plus on ressemble aux Occidentaux, plus nous sommes dans la modernité. C’est une grande confusion sur la notion de modernité parce que la vie n’est jamais statique chez nous. Ça avance. On avance dans le temps. L’idée des gens de la modernité, je ne la situe pas à un point géographique particulier. Pour moi, la modernité, c’est quand chaque matin, chaque jour, chaque année, on cherche parce qu’on a découvert qu’il y a une meilleure manière de faire telle chose. Là, on cherche toujours le meilleur. Même si on sait qu’on s’est trompé, à ce moment-là, on fait en fonction de ses vouloirs, de ses désirs et en fonction de ce qui est bon pour nous. Je pense que vouloir ressembler à l’autre signifie qu’on n’a pas confiance en ce que nous sommes. C’est cela le problème.

Lors de la cérémonie de dédicace, votre homonyme, en témoignant, a dit que la page 42 du livre est votre préférée. Pourquoi exactement ce passage ?

Parce que je montre toujours que la femme est forte. Cette jeune femme-là, l’épouse de Mapaté (ndlr l’un des protagonistes de L’empire du mensonge) qu’est Sabou est douce, généreuse. C’est elle qui a sauvé la vie de ‘’Taaw’’. Elle voit son mari qu’on humilie, elle avance en toute douceur. Elle ne fait pas de clash, elle ne crie pas, elle n’insulte pas. Elle lève son pilon pour taper sur la tête du malfaiteur. Chez nous, on pense que la femme est faible, qu’elle n’est pas capable etc. La femme est beaucoup plus forte que l’homme. Elle ne le montre pas. Elle a une intuition forte qui lui permet de capter le monde. L’homme n’a pas toujours le temps de regarder.

C’est aussi cela le rôle que la société lui a donné d’aller construire, d’aller couper, d’aller dominer. Dans ce cas-là, il n’a pas le temps de réfléchir. Quand il voit un arbre par exemple, ce qui lui importe, c’est d’aller le couper et d’en faire une maison. Alors que la femme, elle, peut capter les souffles du monde sans avoir besoin toujours de crier. Elle se nourrit des souffles du monde. Elle peut sentir les choses, écouter les enfants, les regarder, analyser. C’est pourquoi je préfère ce passage. Contrairement à ce qu’on pense, les femmes ne sont pas des soumises à perpétuité. Elles ont une force tant qu’elles ne brandissent pas une pancarte pour dire : ‘’je suis l’égale de l’homme’’. Elle sait aussi comment imposer sa présence par les enfants, son travail etc. Elle travaille et crée dans sa maison. Pendant que le mari essaie de dominer, elle arrange sa maison, sa personne et c’est un travail de création qui nécessite une certaine inspiration et qui va vers l’esthétique.

Est-ce vrai que vous refusez qu’on vous qualifie de féministe ?

Non, je ne le refuse pas. Je suis ouverte ; à chacun ses désirs. Mais personnellement, je ne sens pas le besoin de militer. Je suis ce que je suis, pourquoi militer ? J’étais avec des féministes et tout se passait très bien. Ce n’était pas des polémiques et on ne s’est jamais insulté. Je leur ai dit : ‘’Vous dites que la femme est dévalorisée, l’homme la maltraite, mais il faut lui apprendre comment éviter cela, qu’elle ait le savoir, qu’elle soit éduquée, qu’elle sache quand ses enfants sont malades comment les assister, lui montrer les voies par lesquelles elle peut passer pour ne pas être dépendante.’’ Un jour, j’ai rencontré une de ces féministes au Danemark. C’était en 2000 au cours d’un congrès mondial sur la culture etc.

Dans son speech, elle dit que les femmes sont les plus régulières à payer leurs dettes dans le commerce. Quand elles font des tontines, même sans signer, elles respectent toujours leurs paroles. Je la taquine en lui disant qu’il y a 20 ans, c’est ce que je leur disais. Quand on leur apprend, elles savent bien s’organiser. A Saint-Louis, je voyais les femmes, alors que je n’étais même pas instruite des notions de féminisme, fonctionner quand les hommes allaient au travail. Elles n’étaient pas des soumises. Si elles le paraissaient, elles le faisaient exprès. J’ai rencontré en Suisse une dame. Elle est béninoise, mais sa famille vit à Dakar. Elle était avec ses filles. On discutait et elle nous dit : ‘’écoutez, si les hommes vous demandent de faire quelque chose, dites oui et après vous faites le contraire. Ils ne diront rien après’’. On en a beaucoup ri. Mais sauver la paix dans la famille, c’est très important.

Certains de vos personnages comme Mapaté, dans ‘’L’empire du mensonge’’, qui est un ‘’boudjou’’ (éboueur, récupérateur), retrouvent une certaine dignité. Pourquoi ce choix de leur rendre ce que la société leur dénie souvent ?

J’ai grandi dans un environnement où on respecte l’être humain. La pauvreté n’est pas un état incurable. Quand j’étais petite, les gens avaient une notion de l’entraide. On  n’attendait pas que les gens meurent de faim pour leur venir en aide. On ne doit mépriser personne. C’est cette philosophie que j’ai héritée non seulement de mes parents mais de la société.  On s’entraidait. On n’attendait pas que ces gens viennent mendier. Evidemment, il y avait la mendicité. Par exemple, il y avait les femmes atteintes de cécité, mais elles faisaient de l’art. Elles chantaient et c’était presque une distraction. Savez-vous que beaucoup de chansons que Julien Jouga qui était un frère mettait en musique étaient celles de mendiantes ? Maintenant, les mendiants aussi ne sont pas exempts de reproches. Voyant l’emprise, le poids de l’argent, ils en font un fonds de commerce.

Comment en sommes-nous arrivés à cette société capitaliste ?

Si la société n’avait pas autant changé, je n’aurais rien écrit. Je suis partie faire mes études en France en 1962. Je suis rentrée en 1969 et j’ai vu comment la société avait en sept ans évolué sur le sens de l’argent. On montrait sa puissance financière, les billets de banque volaient. Quand on aidait les pauvres, on le faisait avec ostentation. Entre-temps, il y a eu une bourgeoisie politico-financière commerçante qui s’est installée. Moi, ça m’avait tellement choquée ! Quand il y avait des cérémonies et qu’on me demandait de cotiser, je refusais. Je donnais à la personne directement et dans la discrétion. On disait ‘’toubab-lë’’, alors que ce n’est pas une affaire de ‘’toubab’’. Mes parents fonctionnaient ainsi.

Il y a l’emprise du mensonge, il y a également l’emprise de l’argent avec le paraître, le voyeurisme. Cela n’obéit à aucune loi religieuse. Comme on dit : quand on donne de la main droite, il ne faut pas que la main gauche le sache. C’est vraiment une manière de blesser la dignité de la personne ; mais maintenant, c’est devenu un sport national. C’est tout dernièrement que j’ai su que ça s’appelle ‘’baatré’’. C’est un de mes neveux qui me l’a appris alors qu’on regardait la télé. Je ne sors pas beaucoup, je ne vais pas dans les cérémonies. Les gens font ça alors qu’il y a une loi qui interdit cela. On gaspille l’argent alors qu’à côté, il y a des gens qui en ont besoin. On aurait pu les soulager de leurs difficultés dans la discrétion. Pour moi, le ‘’suturë’’ (discrétion), c’est respecter la dignité de l’autre. C’est plus important que tout.

N’est-ce pas lié au fait que les gens ont perdu certaines valeurs ?

C’est cela exactement ! C’est le résultat d’ailleurs. On n’a perdu des valeurs et quand cela arrive, on perd sa profonde humanité. On ne respecte plus les autres, on n’a plus le sens du ridicule. Un Diola m’a raconté que dans leur société, quand quelqu’un voulait aider son prochain qui est dans des difficultés, il attendait le soir, quand tout le monde dormait, pour le faire. Il déposait l’aide devant la porte de celui qui en avait besoin. Ce dernier ne saura jamais qui en est l’auteur. C’est une très bonne chose.

Quelles sont les valeurs auxquelles vous tenez ?

Je tiens à toutes les valeurs, à celle qui sauvegardent la dignité humaine. Passer son temps à tendre la main, mentir, voler ne sont pas des valeurs. La société, pour survivre, a arrangé cela. Quand quelqu’un vole, on dit que c’est parce qu’il est pauvre. On use du même prétexte quand quelqu’un prend le bateau de la mort (les embarcations de fortune). Il faut travailler et ne pas perdre l’espérance comme je dis dans ‘’Douceurs du bercail’’. Il faut que nous travaillions. C’est la sueur de notre front qui va arroser  la terre qui va nous nourrir. Malheureusement, on n’a plus le temps d’éduquer. Cela nous a menés aux situations qu’on voit.

Certains font passer l’influence des médias sur le rôle des parents. Etes-vous de cet avis ?

Je ne suis pas d’accord avec eux. Ce n’est même pas rationnel de dire ça. Parce que quand on a pris le temps et la responsabilité d’éduquer son enfant, on lui inculque les choses, non pas en le frappant mais en touchant sa conscience. Face à certaines choses qu’ils voient à travers les médias, ils résistent. Je suis contre la censure. Pour moi, il faut éduquer son enfant de sorte que rien ne puisse le détourner des valeurs qu’on lui a inculquées. Imbus de ces dernières, ils savent ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. On n’a pas besoin de censurer. Il faut les laisser découvrir, ils feront eux-mêmes leurs tris, car vous les aurez déjà sensibilisés sur les méfaits de certaines choses.

Lors de la cérémonie de dédicace, vous disiez que ce n’est pas parce qu’on est en Afrique qu’il faut faire les livres n’importe comment. Qu’entendiez-vous par-là ?

Le livre est un produit noble, artistique pour ce que ça contient. Le livre vient du plus profond de notre être, de notre esprit, des choses qui nous instruisent. Ce n’est pas parce qu’on est en Afrique qu’on ne doit pas faire des livres de qualité, non pas dans le contenu mais la production. Il faut en faire suivant les standards internationaux. C’est pour cela que j’ai créé les éditions du Caec (ndlr centre africain d’animation et d’échanges culturels). J’ai pris des gens qui sont formés pour ça pour travailler sur le projet comme M. Nabil Haïdar qui est professeur de Lettres. Je considère que c’est un manque d’estime de soi que de se contenter du minimum parce qu’on est en Afrique. Pour la publication de ‘’L’empire du mensonge’’ et d’autres livres que nous avions, M. Haïdar a respecté les standards internationaux, même si on fait des éditions de promotion. On n’a jamais fait une édition commerciale.

Vous vous dites très casanière, à quoi passez-vous vos journées ?

A travailler, à lire. Je ne sors pas pour sortir. Je ne fais jamais la grasse matinée, cela me fatigue. Je me couche tôt aussi. Quand les journées sont courtes, dès que je termine mes prières et des fois avant même de manger, je vais au lit. Je me lève très tôt aussi, même pendant le ramadan, je ne me recouche pas. Mais je remplis mon quota de sommeil, c’est important pour moi. Le matin, je pense à mes manuscrits et dans la journée, je continue. J’ai été nommée à la Cena. J’y ai travaillé. Il est important de travailler pour son pays quand on peut. Partout où j’étais, j’ai fait le travail avec conscience parce que pour moi je le dois à mon pays. Mais je ne dure pas.

Vous pensez écrire vos mémoires un jour ?

J’y pense parce que j’ai énormément de manuscrits, de documents, de commandes de textes, etc. Si je devais le faire, je le ferai avec un professionnel de ce genre. Si le Bon Dieu me donne la force, je voudrais aussi écrire un ou quelques romans.

Certains pensent que vous n’avez pas été assez célébrée par votre pays, êtes-vous du même avis ?

Pour moi, ce n’est pas un problème. Je ne cherchais pas à être célébrée. Quand j’ai écrit Le revenant, le directeur de la maison d’édition disait que cela ne plairait pas aux Occidentaux. Quand on a une véritable soif de devenir écrivain, on accepte que l’éditeur rature des choses. Moi, j’ai dit non. Je lui ai dit : si vous m’aviez dit que j’ai fait des fautes de français, j’aurais accepté parce que ce n’est pas ma langue maternelle, mais si vous me reprochez le fait que j’expose ma culture et que je dois la changer pour plaire aux Occidentaux, c’est impossible. Le faire serait indigne de moi. Je suis partie. Je lui ai laissé le manuscrit pendant 3 ans avant de revenir le prendre. C’est comme ça que je fonctionne.

BIGUE BOB

 

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