Publié le 11 Sep 2016 - 08:34
AMINATA TOURE (ANCIEN PREMIER MINISTRE)

‘’L’opposition est dans des insinuations qui ne sont pas toujours saines’’

 

Les différentes sorties de l’opposition dénonçant des nébuleuses dans les contrats gaziers et pétroliers ont fait sortir Aminata Touré de sa réserve. L’ex-Premier ministre, dans cet entretien accordé à EnQuête, apporte la lumière sur ce qu’elle considère comme des insinuations qui ne sont pas du tout fondées. L’ancien ministre de la Justice se prononce également sur d’autres sujets liés à l’actualité tels que les élections du Haut conseil des collectivités territoriales, les affaires Nafi Ngom Keïta et Ousmane Sonko.

 

Quels enseignements tirez-vous des élections du Haut conseil des collectivités territoriales ?

La représentativité de Benno bokk yaakaar sur l’ensemble du territoire s’est largement confirmée. Mais je pense qu’on est en train de se tromper de type d’élection. Il faut comprendre que c’est une élection indirecte. Moi, qui vous parle, je n’ai pas pu voter et je ne suis pas élue. Donc, on ne parle pas d’une élection à suffrage universel direct. Il faut qu’on puisse éclairer l’opinion sur cela. La démocratie c’est généralement le suffrage direct. La dernière élection directe, c’était le référendum. Et on a vu ce que cela a donné sur Dakar.

Ceux qui portaient d’ailleurs le ‘’NON’’ étaient de la coalition ‘’Taxawu Dakar’’. Et on connaît les résultats. C’est ça le rapport de force. Cette élection est le prolongement de l’élection de 2014. Mais, entre-temps, les rapports de force ont beaucoup changé et beaucoup évolué. Donc, on entretient une confusion un peu volontaire. Le rapport de force s’est vérifié lors du référendum où le ‘’OUI’’ porté par BBY l’avait largement emporté y compris à Grand-Yoff et dans le bureau de vote de certains maires socialistes qui avaient appelé à voter NON

 Mais la coalition Benno Bokk Yaakaar a essuyé  un revers à Dakar. Comme ce fut le cas lors des locales de 2014. Est-ce que cette nouvelle défaite dans la capitale  est bonne pour l’image de la coalition en perspectives des prochaines élections?

Ce n’est pas un revers. C’est ce que je suis en train de vous expliquer. Ce n’est pas un suffrage direct. Il faut bien le comprendre. Il faut qu’on sache de quel type d’élection on parle. Seuls les mille et quelques conseillers étaient habilités à voter sur Dakar. Les Dakarois sont quand même plus nombreux que ça. Au suffrage direct où on posait la question aux Sénégalais lambda, c’était le 20 mars dernier et vous connaissez les résultats. Maintenant, chacun veut entretenir le flou.

Toujours est-il que ‘’And Taxawu Dakar’’ dirigée par le maire Khalifa Sall a triomphé de Benno Bokk Yaakaar.

Ne soyez pas biaisé. Quand on perd, on dit qu’on a acheté les voix. Et dès qu’on gagne, on se tait sur la question. Il n’y a pas eu d’achats de conscience. Il y a eu beaucoup de conseillers qui ont quitté justement ‘’Taxawu Dakar’’ et qui ont accompagné Benno BBY. Il faut avoir du respect pour ces électeurs. Penser que tout électeur est achetable, n’est pas très respectueux. Ce sont des gens qui ont des points de vue et qui peuvent évoluer dans ces derniers. Je vous signale qu’à Mbacké, la situation a changé. On ne va pas me dire qu’on a acheté tous les conseillers de Mbacké.

Je crois qu’il faut qu’on soit bon joueur en politique. L’enseignement que j’en tire globalement, c’est que BBY se porte bien. Nous avons gagné 37 listes sur les 45 départements et il y a  même des départements dans lesquels la liste qui a gagné est un détachement de BBY ou de l’Alliance pour la République. Dans le département de Foundiougne, par exemple, la liste gagnante est celle des maires de l’APR. De même qu’à Gossas, ils sont de BBY. Ce qu’il faut surtout constater, c’est l’effondrement de l’opposition. Vous me direz quels départements ils ont gagné. C’est peut-être deux départements. Sans plus. C’est dire qu’au-delà de l’animation politicienne, les conseillers, parce qu’il ne s’agit pas des populations, reconnaissent qu’il y a des progrès importants au niveau du Sénégal. C’est ça la réalité.

La victoire de la coalition ‘’And Taxawu Dakar’’ a créé un malaise dans les rangs de l’APR. Et depuis lors, le débat sur le contrôle de Dakar est agité et certains même comme le ministre Seydou Guéye, pense qu’il n’y a aucun patron de l’APR dans la capitale. Qu’en pensez-vous ?

Comme je l’ai dit tantôt, c’est de l’animation politicienne. C’est aussi vieux que la politique. Et la politique c’est aussi des positionnements. Mais le plus important, c’est d’avoir cette vision générale et globale et d’apprécier l’adhésion des populations d’une manière générale. Sinon, dans tous les pays du monde les politiciens se livrent à des guerres de positionnement. Tant qu’il y aura de la politique, on y assistera. Mais le plus important, à mon avis, c’est que les populations adhèrent massivement à ce que fait le gouvernement.

Entre responsables à Dakar, on se tire dessus juste après la défaite à Dakar. Est-ce que cela ne traduit pas une crise ?

Oui, mais comme je l’ai dit, il faudra qu’on puisse apaiser tout cela. Ça me paraît important puisqu’on a eu des progrès importants. Je rappelle que le suffrage direct, c’est-à-dire le référendum, a quand même donné une adhésion à la politique du président de la République. Parce que l’opposition l’avait présenté plus pour ou contre Macky Sall. Ça a été une majorité en faveur du pouvoir. Pour consolider cela, il faut qu’au niveau de l’APR que nous nous retrouvions au-delà de nos divergences et travailler ensemble. Il faut qu’on s’asseye et qu’on s’organise. Comme on a su le faire pour gagner en 2012 Dakar lors du premier tour de la présidentielle, des législatives et du référendum. C’est dire qu’il y a un courant de sympathie. Il faut que nous n’émettions pas des ondes qui pourraient ennuyer les électeurs à Dakar. Mais quand on parle de Dakar, il faut parler de la région. Pour revenir au HCCT, on a quand même gagné Pikine, Guédiawaye et Rufisque. C’est ça la région de Dakar. C’est 3 départements sur 4 puisque vous parlez de Dakar en tant que tel. Après la défaite de 2014, le Président Sall avait sanctionné certains responsables dont vous. Vous avez même été contrainte à l’exil à Kaolack…

(Elle coupe) C’est une décision personnelle tout en gardant toutes les sympathies que j’ai notamment au niveau de Grand-Yoff.

Certains responsables apéristes de Dakar réclament la même sanction pour Abdoulaye Diouf Sarr. Etes-vous du même avis qu’eux ?

Je pense que c’est un faux débat. Ce n’est pas une question de sanction. Le Président apprécie, la Constitution lui donne le pouvoir de réaménager son échiquier politique. Ce sont ses prérogatives. Mais je ne crois pas que la sanction soit la logique. On ne va pas revenir sur l’histoire ancienne. D’abord, l’APR n’avait pas de candidat. Donc, vous ne pouvez pas dire que l’APR a été battue en tant que telle. Nous n’avions pas de candidat. Le ministre Abdoulaye Diouf Sarr, lui-même n’était pas candidat. Je pense que le plus important pour nous, c’est de resserrer les rangs, de galvaniser à nouveau les troupes, de travailler en solidarité à Dakar et sur l’ensemble du pays pour accompagner ce que le Président fait. C’est important. A chaque fois qu’il y a des élections, BBY gagne. C’est quand même unique dans l’histoire du Sénégal. Une coalition qui dure aussi longtemps dans le gouvernement, à l’Assemblée nationale, qui fait trois types d’élection, cela est quand même une avancée importante de notre démocratie.

Mais est-ce que ce n’est pas cela qui a fait naître une nouvelle opposition ?

Cette opposition est la même qui dirigeait le ‘’Non’’ ici.

Il y a de nouvelles adhésions avec notamment l’arrivée d’Ousmane Sonko et d’Abdoul Mbaye…

Si je me rappelle, Abdoul Mbaye avait appelé à voter ‘’NON’’. Vous avez vu le résultat au niveau de Dakar et des régions. Je vous appelle à analyser les faits tels qu’ils étaient. Donc, le rapport de force, il est connu. L’un des partis les plus représentatifs de l’opposition en l’occurrence le PDS,  s’est effondré lors du vote du Haut conseil des collectivités territoriales.

Pourtant les Libéraux  nient avoir perdu du terrain. Ils crient même victoire et dénoncent des cas d’achats de conscience…

(Elle coupe) Ah Bon ! Ils sont contents avec une défaite. Je vous signale qu’il y a des départements où ils étaient majoritaires comme Mbacké et où ils ont été défaits. Ne serait-ce que pour cela, si les libéraux du Parti démocratique sénégalais sont contents, tant mieux pour eux. En tout cas, nous, nous sommes contents d’avoir gagné. Vous êtes des observateurs objectifs, vous savez que c’est un parti qui a extrêmement reculé. C’est un parti qui appartient au passé. Aujourd’hui, la dynamique dans laquelle le Sénégal se trouve et qui a besoin d’être renforcée est positive. Il faut travailler à soutenir le gouvernement sur des actions positives avec une force de proposition également et à mobiliser les populations dans le sens de leurs intérêts. Maintenant, des compétitions en politique, c’est inévitable. Mais qu’on les fasse dans une manière de ne pas nous porter préjudice nous-mêmes.

Certains leaders de l’opposition comme Sonko  dénoncent des nébuleuses dans les contrats gaziers et pétroliers signés entre l’Etat et des entreprises internationales. Qu’en est-il réellement ?

Sur ces questions, il y a plus d’insinuations que de faits posés sur la table. C’est important que les journalistes que vous êtes, aillent jusqu’à la source des faits.

Quand l’Etat signait  les différents contrats de gaz avec M. Franck Timis, le Président Macky Sall n’était pas encore au pouvoir. C’est important de le rappeler. Deuxièmement, on n’a pas encore de pétrole. La production du pétrole est attendue pour 2022. Donc, il n’y a pas matière à s’inquiéter. Surtout qu’il y a un dispositif de lutte contre la corruption qui a été mis en place.

Il s’agit de l’OFNAC. La déclaration de patrimoine, le code de transparence, c’est un certain nombre d’acquis mis en place par le régime du Président Macky Sall. C’est ce dispositif également, qui va aider à bien gérer cette manne pétrolière que nous attendons tous. Entre temps, il y a un contrat qui a été signé avant. Dans le sens de la continuité de l’Etat, il n’y a aucune raison de le remettre en cause. Voilà les faits, il n’y a pas autre chose. Maintenant, quand une opposition n’arrive pas à attaquer sur le bilan, sur la croissance économique par exemple avec 6,7%, c’est normal que cette opposition-là essaye de chercher la petite bête avec des insinuations non fondées. Maintenant nous, peut être que du point de vue de la communication, on devrait être un peu plus à l’offensive pour bien expliquer. Une opposition est bonne pour une démocratie. Mais il faut qu’elle fonde son discours sur des faits véridiques.

Est-ce que quelque part, Abdoul Mbaye n’a pas eu raison de dénoncer un conflit d’intérêt dès lors que  certains proches du Président Macky Sall s’activent dans le secteur du pétrole ?

Je pense que ce sont des personnes majeures qui savent se défendre et ils se sont défendu publiquement. Ce n’est pas moi qui vais porter leur parole.

Mais est-ce que l’opposition n’a pas raison de dénoncer un conflit d’intérêt ?

J’estime que le président de la République prend ses conseillers souverainement. Dans tous les pays du monde, vous pouvez avoir des gens qui ont réussi dans un secteur dont vous souhaitez avoir les conseils. Je signale qu’ils ne sont pas payés d’ailleurs. Ce sont des gens qui ont pu, dans un secteur particulier, avoir une réussite que tout le monde reconnait, qui donnent des conseils au président de la République. Cela n’a rien à avoir avec une commission d’attribution des marchés où vous avez des personnes qui sont indépendantes qui ne reçoivent pas leurs instructions venant d’où que ce soit. Vous avez également l’ARMP, (Agence de régulation des marchés publics).

C’est un organisme de contrôle qui fonctionne normalement. Vous avez vu récemment qu’elle a invalidé des marchés déjà attribués. Ce qu’il faut préserver, c’est que lorsqu’il y a des attributions de marchés publiques, que toutes les procédures se passent régulièrement. Je pense que c’est le cas. Si ce n’était pas le cas, vous pensez qu’on jouirait de cette bonne renommée au niveau international. Standard and Poor’s  qui juge de l’efficacité économique mais également de la bonne transparence nous a attribué de bons points. Il en est de même de Mo Ibrahim qui juge de la bonne gouvernance dont l’appréciation pour les quatre dernières années du régime est extrêmement positive. Ces Agences de notation ne sont pas payées par le régime de Macky Sall. Elles émettent des opinions tout à fait indépendantes. Maintenant, il faut poursuivre ces efforts. La lutte contre la corruption, c’est un effort continu. Le plus grand scandale de corruption, ce n’est pas en Afrique, c’est aux Etats-Unis avec l’affaire Madof. C’est pourtant un pays de démocratie.

L’exploitation du pétrole au Sénégal est prévue en 2022. Mais d’ores et déjà, elle soulève beaucoup de tollé. Ne craignez-vous une malédiction de l’or noir?

Je ne le pense pas parce que justement il y a un mécanisme de lutte contre la corruption et une bonne plateforme pour la reddition des comptes. Dans les pays où il y a la malédiction du pétrole, ce dispositif n’existe pas. Ce qu’on a fait en quatre ans, on se rendra compte plus tard de l’extrême importance. Au-delà de cela, il y a une réflexion qui se mène pour avoir un Comité national de gestion des ressources comme l’a fait la Norvège. Je crois qu’il y a une réflexion en cours sans présager de ses résultats. Tout cela s’inscrit un peu dans la préservation de notre patrimoine. Parce qu’il faut que les générations futures puissent trouver ce pétrole et en bénéficier. Ce n’est pas une fatalité la malédiction du pétrole. Quand il n’y a pas de dispositif de lutte contre la corruption, oui. Mais ce dispositif existe déjà dans notre pays.

 Mais avec le départ de Nafi Ngom Keïta de la tête de l’OFNAC  et la non reconduction des contrats des cinq membres qui enquêtaient sur l’affaire Petrotim, est-ce qu’on peut parler d’une volonté de transparence du Président de la République…

(Elle coupe) Le Président a quand même fait faire des avancées extraordinaires dans le dispositif législatif de lutte contre la corruption. Beaucoup de gens viennent au Sénégal pour s’inspirer de ce dispositif. C’est un fait indéniable qu’il faut saluer. Il faut toujours renforcer les efforts, c’est clair.

Comment expliquez-vous le fait que ces cinq membres de l’OFNAC qui enquêtaient sur ce dossier de Petrotim soient remerciés à la fin de leurs contrats?

Je ne sais pas s’il y a un dossier Petrotim à l’OFNAC. Je ne le sais pas du tout. Ce que je sais c’est qu’il y a une institution où vous avez une magistrate tout à fait compétente à la tête. Je ne préjuge pas du fait que des dossiers en cours seraient mis dans les placards. Je m’en tiens aux faits. Je pense que Mme Keïta a fait du bon travail. Sa mission est arrivée à terme et une autre dame tout aussi compétente qu’elle est en poste. Il faut souhaiter que l’OFNAC continue sa mission dans notre intérêt à nous tous. Il faudrait qu’on distingue les personnes et les institutions. Ce qui m’intéresse, c’est le renforcement des institutions à travers un dispositif législatif, la mise en place de structures qui fonctionnent mais également la nomination de personnes compétentes.

Comment appréciez-vous la révocation de l’inspecteur des Impôts et Domaines, Ousmane Sonko ?

J’ai été fonctionnaire internationale. L’ONU a quand même des normes d’administration assez élevées. J’aurais dit le centième de ce que j’ai entendu, je n’aurais pas passé la journée à mon poste. Dans une administration, il y a des règles et des normes. Cela ne veut pas dire que les fonctionnaires sont bâillonnés. Ils sont des citoyens qui ont une opinion qu’ils font prévaloir. Mais ils ont également dans leurs contrats, un devoir de réserve mais surtout un devoir de véracité. Ce n’est pas sous prétexte politique qu’on invente des faits. La commission disciplinaire a pris sa décision, je n’ai pas de commentaires particuliers à y faire. Mais je dois dire que j’étais assez surprise parce que c’est la première fois cela arrive.

Ne trouvez-vous pas la décision trop sévère ?  

J’aurais dit le centième de ce qui a été dit, contre Ban Ki Moon mon patron, je n’aurais pas passé la journée à mon poste des Nations unies. Dans toute administration, il y a des normes. Si vous n’êtes pas d’accord avec le fonctionnement d’une administration qui vous emploie, vous avez la latitude de démissionner.

Est-ce que ce n’est pas parce Sonko est leader d’un parti politique d’opposition, qu’il a été sanctionné ?   

Voilà,  la  confusion de genre. Vous ne pouvez pas utiliser votre position de fonctionnaire pour des visées politiciennes. Vous venez vous-même de toucher du doigt le fond du problème. C’est peut-être là où une réflexion doit se mener. Etre politicien dans l’opposition ou dans la majorité c’est une option personnelle. Mais on ne peut pas profiter d’une position stratégique de l’Administration pour faire dans la politique politicienne. Le code des impôts et domaines est très clair sur le droit de réserve. Quand il y a eu violation, la commission  disciplinaire a décidé ce qu’elle a décidé. On prend acte. 

Parlons de la traque des biens mal acquis. Quand vous étiez au ministère de la Justice, on sentait les choses bouger. Mais depuis un certain temps, la traque semble être au point mort. Qu’en pensez-vous ?

Le temps de la justice n’est pas forcément le temps des journalistes. Les procédures sont très complexes, très longues. Je pense qu’on a eu récemment une décision de justice (Ndlr : Arrêt de la Cour Suprême sur  l’affaire Aida Ndiongue). Je pense que la traque, c’est une mission importante, c’est aussi une priorité du président de la République. Son action est saluée partout parce que c’étaient des actions extrêmement audacieuses. En cinquante ans d’indépendance, je pense qu’on n’a pas eu à vivre des expériences en termes de reddition des comptes, de lutte contre la corruption à cette dimension et à cette hauteur. Il faut quand même le saluer le reconnaitre et encourager la poursuite des efforts. Au-delà même de la traque, il s’agit de la bonne gouvernance d’une manière générale, de la reddition des comptes. Et c’est important qu’il y ait des mesures dans ce sens. Par exemple, aujourd’hui la Cour des comptes peut publier librement son rapport. Auparavant il fallait l’autorisation du Président de la République, c’est le Président lui-même qui a autorisé cette loi. Je pense qu’il est important de revenir sur les acquis et de chercher à améliorer les choses.

Les biens d’Aïda Ndiongue ont été saisis par la Cour suprême. Certains pensent qu’il s’agit d’un acharnement politique. Qu’en est-il exactement ?

Quand on poursuit, c’est une connotation politique. Quand on ne poursuit pas, la traque est aux arrêts. Mais tous les dossiers suivent les procédures normales. Vous avez eu d’autres décisions. Il y a eu des décisions du parquet de Paris sur la saisie des biens de Karim Wade. Ça ne se fait pas par hasard. Il y a beaucoup de gens qui travaillent là-dessus pour que cela se fasse. Tout ne se passe pas sur la place publique. Et effectivement j’estime qu’il faut poursuivre tout ça. Il y a des avancées qui se font, vous le voyez tous les jours. Au niveau des tribunaux français on confirme des saisies. Pourtant on avait dit que ce sont des opérations de liquidation d’adversaires politiques. Avec cette décision de la Cour suprême concernant Aida Ndiongue, on confirme encore des décisions de saisie de l’argent qui va revenir au Sénégal. A la Cour suprême, il y a des professionnels du Droits. Je crois que c’est là-bas, où on a nos plus grands magistrats.

Avez-vous  des nouvelles de Karim Wade ?

 Non. Pas du tout. Vous savez, je ne l’ai jamais vu. Ça n’a rien de personnel. Je ne le connais pas du tout. Mais, j’ai connu son père. Il y a longtemps. Mais lui je ne le connais pas. Ça n’a absolument rien de personnel. C’était un dossier qui a été traité par la justice, jugé par des magistrats. Il a été condamné.

Pourquoi Karim n’a pas pu rester au pays après sa libération ?

Oui vous savez une fois que vous avez signé votre demande de grâce et qu’on vous la accorde, vous pouvez aller, où vous voulez. Karim a été condamné, il a reconnu les faits puisqu’il a demandé la grâce présidentielle.

Est-ce que réellement le fis de l’ancien Président Wade a demandé la grâce ?

Comment il a été libéré ? Si vous avez été condamné, comment pouvez-vous sortir de prison, si vous n’avez pas demandé de grâce. Bien sûr que oui, le décret est disponible. Karim Wade a demandé  la grâce présidentielle et il est parti. Ce dossier est derrière nous. Il a été jugé et condamné, il fait plus de la moitié de sa peine. Le président de la République lui a accordé une grâce.

Une mission de la Banque mondiale qui séjournait à Dakar a fait le constat selon lequel les Sénégalais ne payent pas l’impôt. En tant qu’ancien chef de gouvernement, partagez-vous cet avis ?

Mais les impôts c’est pour tout le monde. Les salariés payent l’impôt au moins car c’est à la source qu’on le coupe. Il y a une dimension culturelle aussi. Il faudrait peut-être penser à reformuler l’impôt. Par exemple, il y a beaucoup de gens qui ont des maisons qui sont louées, peut-être qu’on pourrait penser que le douzième mois soit reversé aux impôts. Il faut rendre l’impôt beaucoup plus facile à payer pour élargir l’assiette fiscale. Ce n’est pas simple de payer ses impôts surtout que notre économie est  essentiellement constituée d’entreprises qui sont dans le secteur informel. Ce n’est pas toujours évident, donc, peut-être qu’il faudrait une réflexion pour adapter l’impôt à nos réalités. Il faut encourager les Sénégalais à payer l’impôt. Ça c’est évident. C’est à partir des impôts que l’on construit le pays.

Mais est-ce qu’il n’y a pas des entreprises qui bénéficient indûment d’une exonération ?

Je ne sais pas. C’est le ministre des Finances qui est le plus apte à vous répondre. Il gère des dossiers particuliers. Mais il faut payer l’impôt. Maintenant il faut comprendre qu’il y ait des incitations fiscales pour les nouvelles entreprises qui s’installent au Sénégal. La concurrence entre pays se fait d’ailleurs sur cela. C’est là où on vous offre plus de facilité fiscale que vous vous installez souvent. D’une manière générale, il faut une éducation fiscale en direction des populations. Parfois ce n’est pas un refus de payer, c’est la complexité. Effectivement, il faut qu'on fasse tous des efforts pour payer nos impôts au-delà des salariés qui n’ont pas le choix puisque c’est couper à la source.

Tout à l’heure vous avez parlé d’un taux de croissance de 6.7%. Mais les populations sont toujours confrontées à des difficultés énormes. Est-ce que cette croissance se ressent jusque dans le panier de la ménagère ?

La ménagère, ce qui l’intéresse, ce sont les prix. Vous prenez toutes les denrées de base, il n’y a aucune d’elle qui a subi une augmentation en quatre ans. Il y en même certaines qui ont baissé de prix. Un produit aussi stratégique que le pétrole a baissé. Vous me direz que c’est le cours mondial qui a baissé. Mais certains pays de la sous-région ont décidé de laisser les choses en l’état pour ne pas faire face à une baisse de fiscalité. Ceci étant dit, nous sommes quand même un pays en voie de développement où les besoins sont énormes et où les ressources ne sont pas à la dimension des attentes. Il y a des arbitrages à faire. L’arbitrage du président de la République c’est moins de dépense de luxe et plus de transfert aux populations les plus vulnérables. Le Sénégalais qui vit à Fongolémi ou à Keur Thiamène, c’est aussi un Sénégalais que n’importe quel fonctionnaire. Il a le droit de percevoir les fruits de la croissance.

Le nouveau tronçon de l’autoroute à péage  tarde à être inauguré parce que Senac propose des prix exorbitants. Qu’en pensez-vous ?

Tout cela, c’est à négocier pour que cela aille dans les intérêts des Sénégalais. Il y a un bon compromis qui se consolide.

Est-ce que vous ne privilégiez pas trop les Français ?

Monsieur Senac était là bien avant l’arrivée du Président Macky Sall

Mais vous avez renforcez le partenariat du Sénégal avec la France ?

La France est quand même un pays partenaire du Sénégal. Maintenant il y a une diversification. On pourrait parler du Centre international de conférence de Diamniadio avec les Turcs. Vous avez également les Chinois. Le Président l’a dit récemment, il faut que nos partenaires compètissent entre eux pour qu’on puisse bénéficier des meilleurs prix. Ce qui n’était pas le cas il y a plusieurs années.

PAR IBRAHIMA KHALIL WADE ET ASSANE MBAYE

 

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