Publié le 17 Mar 2018 - 01:13
APOLOGIE DU TERRORISME

Ibrahima Ly risque la prison à vie

 

Le parquet a requis, hier, les travaux forcés à perpétuité contre le Franco-sénégalais Ibrahima Ly attrait devant la chambre criminelle spéciale pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, actes de terrorisme et apologie au terrorisme.

 

Ibrahima Ly risque d’être le premier à subir les effets de la nouvelle loi sur le terrorisme. D’ailleurs, l’avocat de l’accusé n’a pas manqué de relever que le Sénégal est à son baptême du feu dans cette infraction nouvelle. Si jamais la chambre criminelle spéciale suit le réquisitoire du parquet, son client sera le premier à être condamné pour terrorisme. Car, le représentant du ministère public a requis les travaux forcés à perpétuité contre le jeune Franco-sénégalais jugé pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, actes de terrorisme et apologie au terrorisme.

Le substitut Aly Ciré Ndiaye a requis cette peine hier, au bout d’un long réquisitoire durant lequel il a fait la genèse des faits. Aussi-a-t-il révélé qu’Ibrahima Ly n’a été interpellé qu’après des tirs de sommation, puisqu’il a tenté de s’enfuir. Lors de la perquisition, des livres, des notes d’enseignements islamiques, des téléphones, des billets de banque, deux passeports ont été découverts chez lui, à Mbour. Par rapport aux accusations, le substitut fait remarquer que les actes de terrorisme relèvent d’infractions nouvelles, mais les dénégations d’Ibrahima Ly ne sauraient convaincre personne.

Lors de son interrogatoire, mercredi, le natif de Trappes en France a allégué s’être rendu en Syrie pour se perfectionner dans le Coran et apprendre l’arabe, car il avait des assurances selon lesquelles la ville de Raka était épargnée par les conflits. Mais selon le substitut, Ibrahima Ly savait qu’en Syrie, il y avait la guerre. Ce qui ne l’a pas empêché de s’y rendre non pas pour apprendre le Coran, mais pour rejoindre l’Etat islamique. ‘’Le projet d’Ibrahima était en rapport avec une entreprise individuelle. A travers la presse et à travers les vidéos, ils ont proclamé être des terroristes dans le dessein de faire régner un trouble grave de l’ordre public par la terreur, par l’intimidation’’, a appuyé le maître des poursuites. Il a également souligné que le pseudo Abou Azam n’est pas fortuit, c’est un nom de guerre très révélateur. Car, selon ses explications, ce dernier était l’un des pionniers du djihadisme avec Ben Laden et ils ont formé les premiers terroristes. Par conséquent, Ibrahima Ly était bel et bien un combattant et que ses dénégations ne sauraient prospérer.

Face aux juges, l’accusé a soutenu que la tenue qu’il a arborée sur certaines photos lui servait de manteau pour se protéger du froid. Il a également déclaré que la vidéo, dans laquelle il se réjouit de l’attentat contre Charlie Hebdo, tout en promettant l’enfer ‘’aux mécréants’’, était un jeu afin de pouvoir se libérer. Pour les photos prises dans le fief de Daesh, il a laissé entendre qu’il les a acceptées sous la contrainte, mais il voulait rassurer sa famille. Le parquetier juge que l’ex-agent de sécurité en France ‘’n’a jamais été contraint sur quoi que ce soit’’. ‘’Il a fait la vidéo et les photos sans contrainte. On ne rassure pas sa famille en se photographiant avec une arme’’, a-t-il indiqué. Le magistrat trouve également suspect le retour d’Ibrahima Ly au Sénégal, d’autant plus que ce dernier a passé 3 mois au cœur de l’Etat islamique. Autant d’arguments qui poussent le parquetier à dire qu’il n’est plus permis un seul instant de douter des faits reprochés à l’accusé.

La thèse ‘’de l’enfant victime’’

Mais, pour Me Daouda Kâ, il y a un doute dans cette affaire et c’est pourquoi il a invité le tribunal à juger avec recul. ‘’Ceux-là (la France) qui ont initié les lois l’ont fait dans la panique. Nous sommes à nos débuts, donc, apprécions objectivement les faits de l’espèce’’, a lancé Me Kâ avant de demander que la commission rogatoire faite par la France, dans le cadre de l’instruction du dossier ouverte contre le frère de l’accusé, soit écartée. Car, dit-il, ‘’on ne peut pas aussi se fonder sur des propos d’un co-accusé dont on n’a pas le procès-verbal pour dire qu’il est coupable. Il a plaidé la thèse ‘’de l’enfant victime’’ et celle ‘’du voyage d’étude’’, en soulignant que son client ‘’a été extirpé de la France à l’âge de 8 ans au profit du Sénégal où les conditions ne sont pas les meilleures’’.

Il reste persuadé qu’Ibrahima Ly s’était rendu en Syrie pour apprendre le Coran, comme beaucoup d’autres Sénégalais le font, en se rendant dans certains pays arabes. C’est pourquoi, Me Kâ estime qu’on ne peut pas condamner une personne à perpétuité en faisant allusion à l’histoire. Pour lui, la vidéo n’est pas une preuve, mais ‘’c’est la rançon pour obtenir la liberté’’. Le conseil a argué que son client n’a posé aucun acte qui pouvait le compromettre. ‘’On pouvait le mettre à l’épreuve pour voir s’il allait communiquer avec des djihadistes, mais on l’a cueilli une semaine après sa venue. Ce serait très grave de dire qu’il est dans une entreprise terroriste’’, a fulminé Me Kâ. Délibéré le 9 avril prochain.

FATOU SY 

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