Publié le 24 Apr 2018 - 21:58
APPLICATION LOI SUR LE PARRAINAGE

La recette pour éviter la double signature

 

Le débat sur le parrainage se poursuit. Loin du tumulte orchestré par les hommes politiques de tout bord, des observateurs continuent de cogiter afin de proposer des voies de sortie de crise. Ababacar Sadikh Top, journaliste, propose une plateforme informatique pour sécuriser l’application de la nouvelle loi, en évitant toute possibilité de double parrainage.

 

Quand le vin est tiré, il faut le boire. Longtemps, ils se sont battus contre la loi sur le parrainage. Mais malgré tout le tollé soulevé, le président Sall a fait voter sa trouvaille par sa majorité. Et contre vents et marées ! Que reste-t-il à faire, sinon essayer de sauver les meubles ? Aux cris d’orfraie des gens de l’opposition qui promettaient un autre 23 juin, la majorité du peuple a répondu par l’indifférence. Comme s’il avait donné raison à Doudou Sarr, coordonnateur national adjoint du M23, président de l’Urd/Fal. Ce dernier, dans nos colonnes, affirmait : ‘’La discussion sur le parrainage est une discussion des personnes qui ont le ventre plein. Et ils ne discutent pas des préoccupations de ceux qui ont le ventre vide.’’ Plus loin dans cette interview exclusive qu’il avait accordée à ‘’EnQuête’’, il ajoutait : ‘’Quand les manifestations commençaient dans la matinée, il y avait 4,5 millions de Sénégalais qui étaient partis chercher de l’emploi (selon des études réalisées par son cabinet). Quand elles terminaient, tout ce beau monde étaient en train de retourner, bredouilles, chez eux.’’

Par conséquent, il serait dangereux, pour la majorité, de considérer le flop de la révolte du jeudi comme un désaveu de l’opposition, la ‘’minorité’’, comme l’appelle le président de la République. De même, il serait dommage que cette opposition s’enflamme, se radicalise après sa maigre mobilisation.

En réalité, aucun des deux camps n’a gagné. Le peuple, souverain, est resté ‘’neutre’’ dans la bataille du parrainage qu’il a considérée comme avant tout une bataille politique ou même politicienne. A tout le moins, ils sont nombreux à considérer que l’argument de la rationalisation des candidatures est recevable. Le camp d’en face qui s’arc-boutait sur une velléité de casser de l’opposant n’a pas su contourner cet obstacle. D’où sa défaite cuisante le 19 avril 2018.

Avec le parrainage, la crainte majeure est de voir des candidatures invalidées à cause de doubles signatures. Comment éviter ce piège ? Voilà qui doit être le véritable combat de l’opposition, maintenant que les carottes sont cuites.

Comment éviter le double parrainage ?

La bataille de Soweto perdue, l’opposition peut encore se rattraper, si elle le veut. Continuer de boycotter le processus serait le meilleur cadeau qu’elle pourrait offrir à la majorité sans état d’âme. Ce serait également alimenter l’image négative qu’elle présente aux yeux de certaines populations qui voient en elle une force réfractaire à tout changement, même les plus salvateurs. C’est du moins la conviction du journaliste Ababacar Sadikh Top. Il déclare : ‘’Ce serait une grave erreur, un suicide politique pour les potentiels candidats, de bouder la commission qui sera mise en place pour une bonne application de la loi sur le parrainage.’’

Pour le journaliste-activiste, la bonne attitude pour les opposants serait, maintenant que le projet de loi a été acté par l’Assemblée, de réfléchir afin de trouver le meilleur moyen de mise en œuvre. ‘’Je pense qu’il ne sert à rien de continuer à tirer sur le régime, en prétextant qu’il veut exclure de la compétition électorale d’éventuels adversaires. L’opposition gagnerait à adopter une posture beaucoup plus républicaine. En quoi faisant ? En étant dans les structures pour veiller à la sécurisation du processus’’, préconise-t-il. Pour arriver à cette fin, l’ancien journaliste de Dtv a déjà entamé la réflexion. ‘’Comment faire, se demande-t-il, pour qu’un signataire de Benno Bokk Yaakaar ne puisse se retrouver dans la liste de Pastef ou d’une quelconque autre liste ?’’.

Selon lui, une simple informatisation aurait permis de rassurer tout un chacun. A l’instar de ce qui se fait avec Campusfrance pour les étudiants désirant trouver une préinscription pour la France, il propose ‘’la mise en place d’une plateforme nationale’’ qui permet à tout citoyen désireux de parrainer un candidat de s’y inscrire. Une fois inscrit, l’électeur est automatiquement rejeté en cas de tentative d’une seconde inscription. A titre illustratif, dans le site Campusfrance, il est impossible de s’inscrire deux fois. Dès que vos éléments d’identification sont enregistrés, vous ne pouvez plus vous réinscrire’’.

Au-delà de la sécurité, c’est aussi gage de transparence. Chaque Sénégalais, où qu’il se trouve, pourrait superviser l’évolution du système. Ababacar Sadikh : ‘’Il y va de la stabilité politique du pays. Ceci ne demande pas un coup de génie, mais juste une toute petite volonté des uns et des autres. Ainsi, le régime prouverait qu’il n’a pas les intentions sournoises que lui prêtent ses détracteurs, que son seul souhait est d’apporter de l’ordre.’’ A ceux qui pourraient penser aux citoyens qui ne maitrisent pas l’outil informatique, le journaliste rétorque : ‘’Cet argument ne peut prospérer, dans la mesure où ces derniers ne peuvent pas non plus écrire. Même si c’est manuel, ils auront besoin d’être assistés. Ça, c’est le rôle des représentants des partis politiques. Après avoir convaincu l’électeur, ils vont l’aider, muni de sa carte d’électeur biométrique, à s’inscrire’’.

Mor Amar

 

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