Publié le 3 Jan 2020 - 20:12
ARRIVÉE DE L’ECO

La parité à travers le monde

 

Les pays de l’Afrique, notamment ceux de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), ne sont pas les seuls à opter pour un taux de change fixe ou une parité fixe de leur monnaie. Que ce soit en Asie, en Amérique, au Moyen Orient ou en Europe, certaines économies ont leur monnaie arrimée à l’Euro ou au Dollar américain.

 

Le taux de change fixe ou constant, ou encore la parité fixe, est défini comme le taux qui est déterminé par l'Etat ou la banque centrale qui émet la monnaie, par rapport à une monnaie de référence. Celle-ci est généralement plus forte que la monnaie qui s’adosse à elle. Les monnaies sur lesquelles sont arrimées les autres monnaies locales sont le dollar américain ou l’Euro. Dans les normes, ce taux de change ne peut être modifié que par une décision de dévaluation ou de réévaluation, pour lutter contre la spéculation. Et certains économistes estiment que si le taux officiel n'est pas réaliste, un marché parallèle peut apparaître.

En plus, dans une fiche technique sur la politique monétaire et les banques centrales publiée sur son site, le 19 octobre 2016, le Fonds monétaire international (Fmi) précise que le choix du cadre d’action monétaire est ‘’étroitement lié’’ au choix du régime de change. D’après la même source, un pays dont le taux de change est fixe ‘’n’aura aucune marge de manœuvre’’ pour mener une politique ‘’monétaire indépendante’’, comme peut le faire un pays doté d’un régime de change plus souple ou flottant. ‘’Certains pays dont le taux de change n’est pas fixe tentent quand même d’en gérer le niveau, parfois au détriment de l’objectif de stabilité des prix. Un régime de change entièrement souple rend d’autant plus efficace le ciblage de l’inflation’’, lit-on dans ce document.

Un risque d’être exposés à la volatilité des flux de capitaux

Par ailleurs, dans un autre article datant de décembre 2004, intitulé ‘’des taux fixes aux taux flottants : une aventure à tenter’’, publié sur le site de leur institution, les économistes du Fmi Rupa Duttagupta, Cem Karacadag, Gilda Fernandez, et Sogo Ishii, expliquent : ‘’bien qu’une majorité de pays soient aujourd’hui dotés d’un régime de change fixe, ceux qui ont opté pour la flexibilité, tels le Brésil, le Chili, Israël et la Pologne, ont vu leur nombre augmenter ces dix dernières années, et il est probable que cette tendance va se poursuivre’’. En effet, selon ces derniers, à mesure que se développent les liens internationaux, les pays à régime de change fixe sont de plus en plus ‘’exposés’’ à la volatilité des flux de capitaux. Or, un taux flexible offre une ‘’meilleure protection’’ contre les chocs extérieurs tout en conférant une plus grande indépendance à la politique monétaire. En fait, il ressort également de cette publication que, dans la majorité des cas, les pays qui ont abandonné la parité fixe pour laisser flotter leur monnaie y ont été poussés par une situation de crise.

En réalité, le Mexique a été contraint d’abandonner son système de change fixe, après un brusque revirement des flux de capitaux à la fin de 1994, la Thaïlande en juillet 1997 et le Brésil au début de 1999. Dans les années 90, en Chili et Pologne, les autorités ont assoupli le taux de change, afin d’éviter la surchauffe de l’économie. Ceci, à la suite d’entrées massives de capitaux et de tensions à la hausse qui ont eu un impact sur la parité fixe de leur monnaie. Cependant, à cause de la crise sociale qu’il traverse, depuis octobre dernier, le Chili a vu sa monnaie chuter. Et pour ralentir la chute du peso, la Banque centrale du Chili a annoncé en novembre l'injection de 20 milliards de dollars dans l'économie.

De plus, il est aussi indiqué qu’en régime de change fixe, la banque centrale est généralement obligée de participer activement au marché. Ce qui limite les opérations interbancaires. Ainsi, ces économistes suggèrent aux pays de se doter de politiques qui leur permettent de définir les objectifs, le moment et l’ampleur des interventions officielles sur le marché des changes. ‘’En régime de change fixe, les banques centrales n’ont quasiment aucune liberté de choix quant au moment ou à l’ampleur de leurs interventions.

Dans un système de change flexible, au contraire, leur action revêt un caractère discrétionnaire et, si elles décident d’intervenir, c’est pour corriger des distorsions de taux de change, calmer des fluctuations désordonnées sur le marché, accumuler des réserves, ou fournir des devises’’ renchérissent-ils. Ainsi, même dans un contexte économique favorable, les économistes du Fmi affirment que libéraliser les flux de capitaux, avant d’assurer la flexibilité du taux de change, peut déstabiliser la situation de liquidité intérieure, créer des déséquilibres macroéconomiques et précipiter les attaques spéculatives.

34 pays au monde ont un taux de change fixe

Pourtant, dans un article du site ivoirien ‘’Intellivoire’’ qui cite une recherche réalisée par ‘’Investment Frontier’’ publiée en avril 2017, il y a encore 34 pays au monde qui ont des taux de change fixes avec d’autres monnaies. Parmi ces économies, 17 ont une parité fixe avec l’Euro, 13 autres ont leurs monnaies arrimées au dollar américain. Mais, l’Afrique reste le continent où, la plupart des pays ont un taux de change fixe. Au fait, ceux-ci sont au total de 19 dont 14 pays utilisent le franc CFA, et ont une parité fixe avec l’Euro et 3 autres dont les monnaies sont à parité fixe avec le Rand sud-africain (Zar). Il faut noter que ces 14 pays d’Afrique sont les huit Etats de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et les 6 pays de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cemac). Une parité qui date de 1999. Au-delà du continent noir, le Moyen-Orient est aussi considéré comme un autre ‘’bastion’’ pour les taux de change fixes. Cette zone compte 7 pays tous rattachés au dollar américain. Le Népal, quant à lui, est le seul pays rattaché à la roupie indienne.

Il faut noter pour que les pays d’Afrique de l’ouest, et particulièrement ceux de l’Uemoa, leur histoire avec l’Euro n’en est pas encore à son épilogue. Après la réforme du Cfa, l'Eco, la future monnaie qui va le remplacer sera aussi arrimée à la monnaie européenne. La France va continuer d’être garante de celle-ci, en cas de crise. En fait, il faut comprendre par-là que si jamais les pays de la zone Eco n’ont plus de quoi payer leurs importations, la France le fera. Cela se fera sous forme de prêts. Le cas échéant, le gouvernement français se réserve le droit de revenir dans l’instance de décision, à savoir le conseil de politique monétaire.

MBARECK DIOP (MEMBRE DU CNP)

‘’Je n’ai rien vu qui puisse nous mettre dans une situation de doute’’

Interpellé par EnQuête sur la convertibilité du franc CFA dans les procédures d’importations, Mbareck Diop, membre du Conseil national du patronat (Cnp) indique qu’ils sont régis par les normes de la Banque centrales des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao). ‘’Il y a des règles à respecter, si vous voulez importer. On ne peut pas commander comme ça un certain montant, sans que cela ne soit autorisé par la Banque centrale. On doit passer par sa banque pour commander. Celle-ci est obligée d’appliquer les règles de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao). On ne vous empêche pas de déclarer. Mais, il faut montrer des justifications par rapport à la demande’’, explique Mbareck Diop, Secrétaire général du Syndicat des travailleurs du Btp.

Au téléphone d’EnQuête, cet acteur du Privé indique qu’il y a aussi la lutte contre la fraude qui pousse la Bceao à régir les importations. ‘’Pour le moment, ajoute-t-il, il n’y a pas de problème par rapport à la monnaie. Je n’ai rien vu qui puisse nous mettre dans une situation de doute. On nous a dit que la parité est fixe, que rien ne va changer. Il n’y a pas à s’alarmer’’.

Alors que la thèse d’une dévaluation s’épaissit, le chef d’entreprise se veut circonspect sur la question. ‘’Apparemment, rien ne nous dit qu’il y aura une dévaluation. Mais, en 1994, on nous avait dit qu’il n’y aurait pas de dévaluation. On s’est réveillé un bon matin pour le constater’’, dit-il. Cependant, pour cette fois-ci, M. Diop fait savoir qu’ils restent sur leurs gardes. ‘’Si on dit qu’il y aura une dévaluation, il y aura un rush et chacun va aller retirer son argent. L’économie sénégalaise va tomber. Parce qu’on a fait une mauvaise déclaration. C’est le genre de choses que l’autorité n’aime pas annoncer à l’avance’’, conclut notre interlocuteur. 

Les réserves du Nigéria

Le franc CFA devrait être remplacé d'ici 2020 par l'éco. Le projet concerne, pour l’instant, huit pays francophones d'Afrique de l'Ouest. In fine, le but est d'étendre cette monnaie aux 15 membres de CEDEAO. Le Nigeria, qui représente 60 à 75% du PIB de la CEDEAO regarde tout cela avec circonspection. Le géant ouest-africain tient énormément au respect des critères de convergence. Ainsi, la ministre nigériane des Finances, Zainab Shamsuna Ahmed, ne se prive jamais de répéter à qui veut l’entendre : les critères de convergence doivent être respectés. À savoir un déficit budgétaire qui n'excède pas les 3%, une inflation de moins de 10% et une dette inférieure à 70% du PIB.

Même si cet objectif n’est pas une gageure, le constat est que, seul le Togo, actuellement, répond à ces exigences. Ainsi, le Nigéria salue un pas vers l’avant, avec l’arrivée de l’Eco, mais attend de voir. A ce propos, le PDG du cabinet Financial Derivatives, Bismarck Rewane, a résumé les enjeux, en ces termes : « l'éco est une transition vers une éventuelle monnaie commune en Afrique de l'Ouest, qui rassemblera les pays anglophones et francophones. D'abord, côté nigérian, il nous faut lever une question : le naïra n'est pas une monnaie convertible. Ensuite, il faut que les critères de convergences soient établis et respectés.

Enfin, il faut que les pays francophones soient indépendants du soutien dont ils bénéficient avec la France. En effet, avec ce nouvel accord, Paris conserve un rôle de garant financier. Pour nous, pays anglophones, cela pose une question de gouvernance d'autant que l'éco sera toujours arrimé à l'euro. Mais selon moi, cette garantie ne peut pas durer de manière illimitée. Donc nous sommes dans une période de transition, qui prépare progressivement nos États à une intégration régionale, dans laquelle tous les pays d'Afrique de l'Ouest auront une monnaie unique, basée sur des critères de convergence. Cela va prendre du temps. »

En effet, dans le jeu des intérêts personnels, le Nigéria est actuellement dans une logique protectionniste qui s’accommode mal de l’instabilité dans certains pays et des niveaux de développement disparates des pays de la Cedeao. D’autant que selon plusieurs sites d’information, le Président Buhari a posé un certain nombre de conditions dont le fait que la CEDEAO doive gérer elle-même l'Eco de façon souveraine. Il ne voudrait pas aussi d'intermédiaire dans la convertibilité entre l'Eco, l'Euro et le Dollar. Egalement, l’Eco, selon lui, doit être convertible avec toutes les monnaies du monde et devrait être imprimé en Afrique et non en France.

MARIAMA DIEME

 

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