Publié le 11 Jan 2019 - 03:14
ASSAINISSEMENT, EROSION COTIERE, INSECURITE

Djiffer réclame des toilettes

 

Djiffer ravitaille le marché central aux poissons de Dakar, les villes de Kaolack et de Touba en poisson. Sa communauté est très dynamique, mais la commune est plongée dans une pauvreté extrême. Djiffer lance un appel pour se construire. Reportage.

 

Une unique route goudronnée, des maisons délabrées et érodées par l’air marin, une ville ceinturée par la mer : bienvenue à Djiffer. Auparavant, la route n’était pas très bonne. Et l’accessibilité était trop difficile. Mais depuis qu’elle a été refaite, les gens s’y rendent sans trop de difficultés. Très prisée pour ses côtes poissonneuses, il y a un vrai melting-pot à Djiffer. Ses habitants viennent de partout, car le commerce et la pêche y sont très développés. Les femmes transforment les fruits de mer. Et il y a une forte activité de débarquement du poisson. Du coup, les vendeurs d’eau, de petit-déjeuner, de fruits, entre autres, squattent la ville. Djiffer a un impact indéniable sur la vie économique du pays.

Plusieurs localités du Saloum ne sont accessibles qu'à partir du quai de Djiffer où des pirogues, appelées ‘’courriers’’, assurent la traversée vers Dionewar, l’île de Sangomar, Niodior, etc.

Très connu grâce aux commerçants qui y vont pour se ravitailler en fruits de mer, Djiffer n’a rien d’une destination paradisiaque. ‘’On a besoin d’aide. On n’a pas de toilettes. Les maisons qui en disposent ne font même pas 20.  Djiffer est une commune où il est très compliqué de vivre’’, se plaint Adama Wade, une mareyeuse.

Ici, les plages sont prédisposées à la baignade, puisque la mer est calme.  Mais sa pollution est dissuasive. Car cette ville ploie sous le poids de l’insalubrité. Ses habitants en souffrent ; ils n'ont pas de toilettes pour faire leurs besoins. En effet, la plupart des foyers de Djiffer, en plus de ne point disposer de douches, n’ont pas accès à l’eau courante. Pour s’en rendre compte, il suffit de se promener le long de la plage où des centaines de personnes font leurs besoins. Les populations se soulagent à l’air libre. On risque d’ailleurs de mettre les pieds dans des excréments. Au moment de constater l’ampleur de la situation, un homme arrive et s’accroupit sur la plage, pour se soulager.

Leur désarroi ne s’arrêtant pas là, l’eau est aussi une denrée rare, à Djiffer. ‘’Nous n’avons pas d’eau. Depuis trois mois, nous ne buvons que l’eau de puits. Nous n’avons pas d’endroit où déposer nos ordures ménagères. Ni de camions de ramassage d’ordures. Aussi, nous n’avons pas d’électricité’’, liste la dame Adama Wade.

Son voisin Baba Diop appuie et atteste que ‘’Djiffer est trop sale. Les autorités doivent nous aider à combattre l’insalubrité. Nous ravitaillons le marché central aux poissons de Dakar, la ville de Kaolack et de Touba. Et ce que nous faisons doit rimer avec hygiène et propreté’’.

Une mer qui gagne du terrain et une insécurité galopante

Djiffer, ville de pêcheurs, est menacée par l’avancée de la mer. D’ailleurs, une usine de glace et de nombreuses maisons ont déjà été englouties par la mer. L’océan a érodé les plages. ‘’La mer avance et la houle pénètre dans nos maisons. Beaucoup d’habitations ont été abandonnées par leurs occupants’’, rapporte Baba Diop.

Le manque d’électricité rend le vécu de la population encore plus difficile. Car l’insécurité s’y est installée à grands pas. ‘’Le Djiffer d’avant et celui d’aujourd’hui ne sont plus pareils. Avant, on avait de la sécurité, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. On vendait nos produits jusque tard dans la nuit. Maintenant, on n’ose plus le faire, de peur de se faire agresser’’, confie Adama Wade, qui semble exaspérée par la situation dans laquelle la ville est confinée.

Baba Diop dénonce le fait que pendant la nuit, leurs poissons sont volés. ‘’Ils cassent les cadenas de nos frigos et emportent nos poissons’’, dit-il. D’après Adama Wade, si les femmes restent dans ce patelin où tout manque, c’est parce qu’elles veulent avoir de quoi soutenir leur mari dans la gestion de leur foyer. Mais il ne reste plus d’espace pour construire de nouvelles maisons. ‘’Tous ceux qui sont là viennent d’ailleurs. Il n’y a plus de terrains. Et la location est trop chère‘’, dit Baba Diop.

Selon Boubacar Ndiaye, s’il n’y a plus de terrains à Djiffer, c’est parce que les dernières parcelles qui restaient ont été achetées par les impactés de l’autoroute. ‘’Il n’y a plus de terres, ici. Tous les terrains ont été vendus. Parce que quand la route a été construite, les impactés ont acheté les terres qui restaient. Vous pouvez trouver quelqu’un qui vend sa maison, mais vous ne trouverez pas un terrain à vendre’’, explique le collecteur Boubacar Ndiaye. Travaillant en étroite collaboration avec la mairie, les collecteurs sont chargés de récupérer les taxes des pirogues qui accostent sur la plage. ‘’Nous avons répertorié environs 600 pirogues. Mais ce n’est pas toutes ces pirogues qui vont en mer. Donc, elles ne paient pas toutes la même taxe. Les chaines tournantes paient 1 000 F, les chinas 500 F et 300 F pour les filets dormants’’, dit le collecteur.

Pénurie d’essence

Depuis trois mois, les pêcheurs peinent à trouver de l’essence-pirogue. Venu de Ndangane, Mamadou Thiam dit ‘’Thiaboye’’ travaille à Djiffer depuis l’âge de 7 ans. ‘’Depuis trois mois, nous n’avons pas d’essence. Il n’y a pas assez de stations et quand nous allons en mer, les charretiers en profitent pour acheter tout le stock. Puis, ils développent un marché noir, en revendant plus cher. Ils achètent les bidons à 10 000 F pièce et ils les revendent à 15 000 F’’, se désole-t-il.

KHADY NDOYE (MBOUR)

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