Publié le 8 Jan 2019 - 02:42
ASTOU DIOKHANE SOW, PROMOVILLES

‘’Toutes lenteurs ne sont pas dues à des contraintes financières’’

 

Avec le Pudc et le Puma, le Programme de modernisation des villes (Promovilles) constitue l’un des piliers de la politique du président Sall, pour renforcer le développement des territoires. Mais lancé en 2016, lors du Conseil des ministres décentralisé de Rufisque, les résultats de ce dernier programme sont diversement appréciés. La coordonnatrice du projet, Astou Diokhané Sow, s’en défend et livre les raisons de certaines lenteurs.

 

Le programme Promovilles a été lancé depuis 2016 à Rufisque. Le président avait promis de mettre un accent particulier sur certains chefs-lieux de départements, dont Pikine, Guédiawaye et Rufisque. Concrètement, qu’est-ce qui a été fait dans ces zones, depuis lors ?

D’abord, permettez-moi de rappeler brièvement l’objectif du programme Promovilles qui est de participer à l’amélioration de la mobilité urbaine, faciliter donc les déplacements de la population dans les centres urbains, améliorer la sécurité à travers le volet éclairage public. Il s’agit, également, d’avoir des villes beaucoup plus résilientes, du point de vue des inondations, tout en améliorant le cadre de vie des populations par des aménagements paysagers. Il faut aussi savoir que cette première phase du programme dont vous parlez a été entièrement financée par l’Etat du Sénégal à hauteur de 74 milliards F Cfa. Sur cette phase, il y a eu beaucoup de zones d’intervention, notamment à Pikine avec la rue Das que nous avons finalisée. A Yeumbeul Nord, nous travaillons sur l’axe qui relie la route des Niayes à la voie de dégagement nord. Le chantier est presque terminé. Il reste juste un petit tronçon qui doit se raccorder à la route des Niayes. Nous avons également réalisé un tronçon à Kaolack, plus précisément à Médina Baye et à Nangane. Ceci est juste un échantillon des réalisations du programme.

Sur Rufisque, nous avions démarré deux tronçons : un axe qui passe par Cité Gabon, mais aussi le boulevard Serigne Mansour Sy à Rufisque-Nord. Et je dois reconnaitre que ces axes sont actuellement à l’arrêt. Il y a, en effet, eu quelques soucis sur le budget qui était alloué à cette partie du programme. Cette année, l’Etat a fait des efforts ; un budget a été mobilisé afin de nous permettre de résorber le gap de financement sur certains de ces projets.

Un budget de combien ?

On avait 5,15 milliards F Cfa qui ont été mobilisés en 2018. En 2019 également, cinq milliards F Cfa ont été inscrits sur le budget national, pour pouvoir prendre en charge tous les projets qui étaient prévus sur financement de l’Etat.

Est-ce le même souci qui entrave également les chantiers de Nord-Foire et de Ndiarème ?

C’est pratiquement les mêmes entreprises qui s’activent à Dakar. Mais il faut également dire que les arrêts de travaux ne sont pas dus seulement à des contraintes financières. Il y en a aussi qui sont dus à des contraintes techniques. Je comprends la grogne des populations qui rencontrent quelquefois des désagréments causés par les travaux à l’arrêt, mais parfois, ce sont des choses indépendantes de notre volonté. Il arrive, par exemple, que les réseaux d’assainissement ou de la Sde nous bloquent dans notre progression. Nous essayons de travailler avec tous ces acteurs pour pouvoir lever toutes les contraintes. Ce qu’il faut retenir, c’est que s’il existe des lenteurs dues à des contraintes financières, d’autres n’ont rien à voir ; elles sont purement d’ordre technique.

Globalement, quel est le niveau d’exécution des travaux ?

Sur la première phase, lancée par le président de la République en 2016, nous en sommes à 58 % d’exécution. Sur la phase financée par l’Etat et la Bad, nous sommes à 40 % d’exécution. C’est une phase qui concerne la région de Dakar, notamment Yeumbeul Nord, Guédiawaye et Keur Massar. Mais également Matam, Louga, Saint-Louis, Diourbel, Thiès, Mbour, en plus de la zone Sud avec Ziguinchor, Kolda et Tamba.

A combien se chiffre le programme et pouvez-vous revenir sur les principaux bailleurs ?

Le budget était fixé à 280 milliards F Cfa dont 251 milliards ont déjà été mobilisés. Mais ça, c’était les estimations initiales. Depuis le démarrage, beaucoup de nouveaux besoins ont été exprimés par les populations et les collectivités territoriales. Lesquels besoins ont été inscrits dans la base de données du programme. Il y a donc une phase financée par l’Etat qui est de 74 milliards, une autre sur financement de la Banque africaine de développement (Bad) et de l’Etat qui est de 89 milliards et une autre sur financement de l’Etat et de la Banque islamique de développement (Bid) à hauteur de 84 milliards. L’ensemble de ces financements font 251 milliards déjà mobilisés.

Est-ce que les lenteurs dans les décaissements de l’Etat n’ont pas mis un bémol à l’engagement des partenaires ?

Non. Pour la Bad, on a démarré les travaux depuis janvier 2018. Parfois, les populations ont l’impression que les travaux n’avancent pas, mais il faut dire que des travaux de ce genre en milieu urbain où les populations sont déjà installées avec les réseaux, les maisons, les trottoirs, ça nécessite un certain temps. Il faut d’abord des études poussées, si on veut faire de la qualité. C’est ce qui explique parfois ce que vous considérez comme des lenteurs. Sinon, pour la Bid également, on a déjà toutes les entreprises et nous comptons lancer les travaux en 2019. Ce sont des travaux qui vont concerner pratiquement toutes les villes de Dakar, notamment la fermeture du canal de l’ouest de Rufisque, mais aussi l’élargissement du boulevard Maurice Guèye de Rufisque, entre autres projets.

Vous lancez une troisième phase alors que les deux premières ne sont pas totalement épuisées. N’est-ce pas confus tout ça ?

Ici, le phasage a été fait en fonction des financements disponibles. Ce qui se passe, c’est que nous avons un certain nombre de projets. Sur ces projets, à chaque fois qu’on a un bailleur qui manifeste son intérêt, on lui présente les projets disponibles. Ce qui fait qu’il peut effectivement y avoir un chevauchement ; deux bailleurs pouvant se présenter simultanément.

Quelle est la particularité de cette troisième phase ?

C’est surtout par rapport à l’orientation. C’est une phase qui est surtout orientée assainissement-eau pluviale. C’est le cas, par exemple, de la digue-route de Matam pour éviter que les eaux fluviales n’envahissent la ville de Matam. Ce qui, à chaque hivernage, rend beaucoup de terres indisponibles dans cette partie du pays. Il y a aussi le canal ouest de Rufisque qui présente beaucoup de problèmes d’insalubrité pour les populations locales. Nous allons aussi aménager des bassins dans la banlieue comme Yeumbeul et Malika.

Peut-on avoir une idée des entreprises avec lesquelles vous travaillez ?

Il y a des entreprises sénégalaises comme des entreprises étrangères. Parmi les entreprises sénégalaises, il y a le Cde et la Cse. Mais c’était des compétitions ouvertes. Nous avons fait des appels d’offres internationaux et les meilleures offres ont été sélectionnées. Ce qui fait que nous travaillons aussi bien avec des Sénégalais qu’avec des étrangers. Il y a aussi Eiffage qui intervient dans certains projets.

Parfois, il est reproché aux entreprises sénégalaises d’être très lentes dans la réalisation des travaux à elles confiées. Avez-vous été confronté à pareille situation avec Promovilles ?

Toutes les entreprises avec lesquelles nous travaillons font des efforts pour respecter les engagements qui ont été pris dans le cadre du contrat. C’est peut-être une chance pour nous, même s’il peut survenir, de temps à autre, quelques blocages pour des difficultés financières des entreprises. Dans un chantier, il peut toujours y avoir des problèmes. D’abord, parce qu’il y a plusieurs acteurs qui interviennent. Un chantier sans problème, moi je dirais que ce n’est pas un chantier. Ces problèmes peuvent être de différentes catégories, mais on essaie de gérer. C’est la raison pour laquelle nous sommes là.

Du point de vue emploi, quel a été l’impact du programme ?

Sur la dernière évaluation, il y avait 2 500 emplois qui ont été générés par les projets du programme Promovilles. Mais au-delà de la création d’emplois directs liés au programme, nous offrons également des formations dans les métiers du Btp en faveur des populations des zones où nous intervenons. C’est pour permettre à ces populations jeunes d’avoir une qualification qui leur permette d’exercer un métier et de créer des activités génératrices de revenus. Je dois aussi dire que tout ce qu’on a fait, on l’a fait de concert avec la base.

Nous sommes allés vers les collectivités territoriales ainsi que vers l’administration territoriale et avons organisé des audiences publiques avec les populations. Ce qui nous a permis de valider les projets que les mairies nous ont soumis. Durant l’exécution également, on partage avec ces collectivités. On a également signé des conventions avec les communes pour qu’elles puissent assurer l’entretien des infrastructures. Nous les accompagnons également dans plusieurs autres domaines, surtout dans le cadre de l’information territoriale. Certaines mairies ne savaient, pas par exemple, ce qu’elles ont comme infrastructures à entretenir, ce qu’elles ont en termes de foncier… Alors que c’est fondamental pour la fiscalité. Nous avons prévu de mettre en place un système d’information géographique en relation avec l’Agence nationale de l’aménagement du territoire qui a déjà commencé avec 8 communes.

PAR MOR AMAR

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