Publié le 4 Mar 2018 - 21:10
ATTAQUE A OUAGADOUGOU

Vendredi noir à Ouagadougou

 

La capitale du Burkina Faso a été le théâtre d’attaques terroristes, ce vendredi matin, ciblant l'ambassade de France et l'Etat-major général des armées. Le gouvernement burkinabé parle d’un bilan provisoire de 16 morts et plus de 80 blessés.

 

Une fumée noire a couvert, hier, le centre-ville de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, toute la journée, comme un symbole du drame qui a frappé le cœur du ‘’pays des hommes intègres’’. En milieu de matinée, des tirs nourris d’armes à feu ont déchiré l’air, semant la panique parmi une population qui se demandait ce qui se passait. En ce moment, l’Etat-major général des armées (centre-ville) et l’ambassade de France (Koulouba) à Ouagadougou étaient victimes d’attaques terroristes. Plus tard dans la journée, animant une conférence de presse, le ministre de la Sécurité, Clément Sawadogo, a fait le bilan provisoire des attaques. Il a annoncé 16 décès.

‘’Le bilan provisoire dont le gouvernement dispose est que nos forces de défense et de sécurité ont perdu 8 hommes sur les deux sites. Il y a également un peu plus de 80 blessés qui ont été rapidement pris en charge au niveau d’un poste avancé que l’armée a immédiatement mis en place ; mais aussi au niveau des structures sanitaires de l’armée et des hôpitaux de notre ville. Parmi ces blessés, il y a une douzaine dont les blessures sont assez sévères et parmi ces 12, il y en a 3 considérés comme graves. Les assaillants, pour ce que nous savons, ont été neutralisés. Ceux qui ont attaqué l’ambassade de France ont été abattus et ceux qui ont attaqué l’Etat-major ont également été neutralisés. On a dénombré 8 cadavres de ces assaillants’’, a déclaré le ministre.

Attaque simultanée organisée par des terroristes

En outre, le ministre a retracé le film des événements. Selon son récit, les assaillants ont commencé à tirer sur l’ambassade de France, aux environs de 10 h. Presque au même moment, un autre groupe, de manière coordonnée, s’est attaqué à l’Etat-major général des armées. ‘’En ce qui concerne l’Etat-major des armées, les assaillants ont fait usage d’un véhicule bourré d’explosifs dont la charge était suffisamment forte et énorme pour occasionner de graves destructions et semer des impacts sur les personnes. Les dégâts sont donc très importants. Nous dénonçons ces actes ignobles’’, a fulminé M. Sawadogo.

Dans un message publié sur sa page Facebook, le service d'information du gouvernement burkinabé indique qu'un poste avancé est ouvert aux blessés, au stade municipal Issoufou Joseph Conombo.

A la suite du ministre de la Sécurité, celui de la Communication, porte-parole du gouvernement, Rémi Fulgence Dandjinou, a soutenu que c’est une attaque simultanée organisée par des terroristes. Une information confirmée par le maire de Ouagadougou, Armand Béouindé. L’édile a soutenu que les vitres de son bureau ont volé en éclats et que des assaillants ont tiré sur la mairie. "Apparemment, c'est une attaque djihadiste et l'armée s'active à la riposte", a-t-il dit. Pour le ministre de la Défense Jean-Claude Bouda, il s’agit belle et bien de djihadistes. ‘’Quand ces assaillants tiraient, ils ne cessaient de crier à haute voix ‘Allah, Allah’. Les forces de sécurité et de défense ont bien maitrisé la situation, en début d’après-midi’’, a rassuré M. Bouda.

La population partagée entre inquiétude et perplexité

Selon des témoins, cinq hommes armés sont sortis d'une voiture et ont ouvert le feu sur des passants, avant de se diriger vers l'ambassade de France. D'autres renseignent qu’après l’explosion près de l'Etat-major des armées burkinabè, des unités de la gendarmerie, de la police et de l'armée ont été déployées sur les lieux. ‘’Quand j’ai entendu les tirs, nous avons effectué le déplacement à l’Etat-major et on a vu une population relativement perdue, qui essayait de voir ce qui se passait à l’intérieur. De là où on était, on apercevait une fumée noire qui sortait de l’Etat-major. On voyait les militaires évacuer leurs blessés. Certaines boutiques ont fait les frais des tirs’’, explique Ezéchiel Ada, journaliste à ‘’L’Observateur Paalga’’.

Oumar Dabiré de renchérir : ‘’Les détonations ont été entendues dans un périmètre comprenant la primature, l’ambassade de France, le marché Rood Woko et l’Etat-major général des armées. Le siège de la banque Société générale, en face de l’Etat-major général des armées, aurait reçu des impacts et le personnel évacué. C’est vraiment triste pour notre Ouaga.’’  

Jean Philibert Some, lui, n’arrive pas à cacher son inquiétude. Pour ce journaliste, la situation est grave, car c’est la troisième attaque en plein cœur de Ouagadougou. ‘’Je suis vraiment confus. On se dit : si cela arrive au centre-ville de la capitale, c’est que le renseignement n’a pas fonctionné comme il se doit pour arrêter les assaillants avant’’, confie-t-il.

Mais il y a un autre son cloche chez Ada Zahour. ‘’Je suis sûr que ce ne sont pas des terroristes. C’est sûrement ces putschistes qui essaient de faire peur aux gens. Parce qu’on a ouvert leur procès la semaine dernière. Mais ils n’y arriveront pas. C’est inutile, parce qu’il parait que ces assaillants avaient les mêmes tenues que celles des forces de sécurité. C’est des gens du pays qui veulent f… la m… ici’’, lance-t-il. ‘’Quand c’est l’Etat-major qui est attaqué, cela fait vraiment peur. Ce sont eux qui nous protègent et là (…). J’ai mal au plus profond de moi. Quand ceux qui doivent assurer notre sécurité ne sont pas en sécurité, cela veut dire que c’est fini pour les Burkinabè. C’est vraiment dur’’, dit-il. Les mains tremblantes, son angoisse est énorme. Tout comme les autres.

C’est la troisième attaque à Ouagadougou. Depuis 2015, le Burkina subit des attaques de groupes djihadistes venus du Mali, notamment Al-Qaïda au Maghreb islamique et l'État islamique dans le Grand Sahara.

VIVIANE DIATTA  (Envoyée spéciale à Ouagadougou)

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