Publié le 6 Aug 2019 - 20:31
AUDIENCES TOUS AZIMUTS A L’AILE DURE DE L’OPPOSITION

Wade met la pression sur le ‘’Macky’’

 

A travers ses audiences accordées aux leaders de Pastef Ousmane Sonko et de Tekki Mamadou Lamine Diallo, l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, fait d’une pierre deux coups. D’abord, il rassemble l’aile dure de l’opposition autour de sa personne en perspective des échéances électorales futures. Mais il met également la pression sur le président de la République et sur son régime.

 

En marge de la scène politique, depuis son voyage en Guinée, à la veille de l’élection présidentielle du 24 février 2019, l’ancien président de la République reprend progressivement du service. Ses audiences accordées récemment au leader de Pastef Ousmane Sonko et au président de Tekki Mamadou Lamine Diallo en disent long sur ses intentions. Le choix des personnalités politiques qu’il reçoit est loin d’être anodin.

Selon le Pr. Ibou Sané, enseignant-chercheur en sociologie politique à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, ce sont ceux-là même qui boycottent le dialogue national que le secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (Pds) essaye de rassembler autour de lui. ‘’Le président Wade a toujours la politique dans le sang. Il est toujours dans les manœuvres pour essayer de rassembler une opposition complètement dispersée où, tous les jours, on crée d’autres forces d’opposition dans le seul but de contrer le parti au pouvoir’’, déclare-t-il.

Au-delà du positionnement en perspective des prochaines joutes électorales, Me Wade cherche également à reprendre la main dans le jeu politique qu’il a, un moment donné, abandonné pour s’emmurer dans un silence assourdissant par moments.

Pour Moussa Diaw, Abdoulaye Wade serait en train de s’impatienter. ‘’Quand il y a eu ce voyage en Guinée, le retour de Wade est marqué d’un retrait politique dans toutes les affaires politiques, sans prendre de position. Cela laissait transparaître des négociations secrètes entre cette majorité et lui. A un moment donné, ce silence peut pousser les gens à s’interroger sur son attitude. Peut-être qu’il a trop patienté et puis il n’a pas vu les résultats de ce qu’il attendait de ces négociations. Maintenant qu’il a trop patienté et qu’il ne voit rien venir, il tente de revenir sur le terrain politique pour faire pression sur le régime’’, analyse l’enseignant-chercheur en science politique à l’université Gaston Berger de Saint-Louis.

Selon lui, les audiences accordées à certains membres de l’opposition dite radicale, montre très bien qu’il est en train de reprendre la main. ‘’Parce qu’il s’impatiente de ce qu’on lui avait promis dans les négociations et qu’il n’a pas vu les résultats de son silence. Je pense que c’est à la suite de cela qu’il a adopté cette position. Ça lui permet, d’abord, de faire pression sur le pouvoir. Parce que le pouvoir aussi a peur d’Abdoulaye Wade. A chaque fois qu’il est dans le silence, on s’interroge. Chaque fois qu’il parle, les gens sont perturbés, parce qu’on ne sait pas les coups fourrés qu’il peut donner. Il maitrise tous les mécanismes d’action politique et c’est ça justement qui est son point fort. C’est l’énigme des interactions autour de ces audiences répétées’’, explique-t-il.

L’ancien président de la République s’active dans un contexte assez particulier, peu favorable au régime avec l’éclatement du scandale à 10 milliards de dollars au cœur duquel est cité le frère du président de la République Aliou Sall et le tollé soulevé par les arrestations de Guy Marius Sagna et d’Adama Gaye. Ces affaires pendantes, selon Moussa Diaw, sont mal gérées par le régime sur le plan de la communication. Du coup, elles sont devenues des ressources politiques que l’opposition radicale pourrait utiliser pour se renforcer au sein de l’opinion publique et combattre la majorité.

D’ailleurs, relève M. Diaw, ce que Me Abdoulaye Wade partage avec les leaders politiques qu’il reçoit ces temps-ci, c’est qu’ils sont à peu près dans la même position frontale par rapport à la majorité et leur refus catégorique de participer au dialogue national.

‘’Ce sont là des points de convergence avec ceux qu’il reçoit. Le fait qu’il s’active peut être expliqué par sa stratégie de grand manipulateur. Abdoulaye Wade est un grand manœuvrier politique. Malgré son âge, il cherche toujours à jouer un rôle. Le fait qu’il cherche à rassembler autour de lui montre qu’il est en train de mettre sur pied un regroupement qui va mener bataille contre le pouvoir, en s’appropriant des affaires qui secouent actuellement le paysage politique sénégalais’’, soutient-il.

Toutefois, Moussa Diaw relève que l’ancien président de la République, vu son âge avancé, ne peut plus jouer le rôle de tête de proue de cette opposition. Néanmoins, il peut beaucoup apporter à celle-ci, en termes de conseil et d’encadrement. ‘’Connaissant bien les personnalités qui sont dans l’opposition, il peut leur être d’un apport capital dans la stratégie qu’ils sont en train de mettre sur place pour mener justement une bataille politique en s’appropriant des revendications dans la gestion des ressources naturelles, dans les blocages au niveau social et jouer un rôle important dans le combat politique futur, c’est-à-dire les prochaines échéances électorales. Abdoulaye Wade leur sera là d’un atout considérable’’, déclare-t-il.

Avant d’ajouter : ‘’Même si son âge ne lui permettra pas et qu’il n’a pas la force, il peut s’appuyer sur de jeunes leaders qui sont en train de mener un combat sur le terrain médiatique et lui, derrière, il peut leur servir de leadership et les orienter dans le combat qu’ils sont en train de mener.’’

ASSANE MBAYE

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