Publié le 10 Apr 2014 - 12:09
AUDITION

Karim Wade démonte les témoins à charge et se paie les juges de la CREI

 

Karim Wade a trouvé un moyen judicieux de communiquer sur sa défense, tout en adoptant une attitude de défiance vis à vis des juges de la CREI. Il continue de ne pas répondre à leurs questions, tout en livrant le fond de sa pensée et en démontant leurs arguments.

 

''Je vous invite pendant qu’il est encore temps, à prendre vos responsabilités par rapport à l’histoire de notre pays, à rester au service de la République et non au service des hommes qui la dirigent temporairement. Je ne réponds donc à aucune de vos questions''.
 
C'est par cette bravade que Karim Wade a terminé hier sa déclaration faite devant le procureur spécial près la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI). Il était une nouvelle fois auditionné pour être confronté aux déclarations des témoins à charge Alioune Samba Diassé, Fatou Babou, Pape Mamadou Pouye, Bara Tall, Pape Mamadou Pouye, Cheikh Tidiane Ndiaye, Eli Manel Diop et Patricia Lake Diop dont les auditions ont fait l'objet de ''cinq procès-verbaux''.
 
D'ailleurs, à ce propos, l'ex-ministre d'État a dénoncé ''la violation de (s)es droits de la défense et de l’article 105 du Code de Procédure pénale qui dispose que le dossier complet doit être mis à la disposition de (s)es avocats au plus tard 24 heures avant (s)on audition''. Alors que ses avocats n'en ont eu connaissance que 24h, avant son audition. Une fois de plus, Karim Karim a donc décidé de ne répondre à aucune des questions de la CREI.
 
Quand Karim se lâche sur  Bara Tall, Me Patricia Lake Diop, Me Amadou Diop et Cie
 
Néanmoins, sa déclaration préliminaire faite devant les juges est la plus éloquente des réponses, puisqu'elle bat en brèche toutes les accusations jusqu'ici portées contre lui. Très virulent envers les ''prétendus témoins à charge'', Karim Wade déclare que leurs ''témoignages n’ont aucune valeur probante et sont en violation de la loi''. Il en veut pour preuve le cas de la notaire Me Patricia Lake Diop qu'il accuse d'être de connivence avec la CREI.
 
''Le 14 décembre 2009, révèle-t-il, Antoine Félix Diome a commencé un audit de l’Étude de Me Patricia Lake Diop et a utilisé certaines conclusions de son rapport finalisé le 26 février 2010 qui pouvait aboutir à déclencher des sanctions contre la notaire, pour amener cette dernière à me charger au niveau de la CREI''. ''Je dénonce, poursuit-il, le fait que le Substitut du Procureur spécial, Antoine Félix Diome, ait rencontré officieusement à plusieurs reprises Me Patricia Lake Diop en dehors de toute procédure légale''. 
 
Dans sa déclaration préliminaire, Karim Wade démonte aussi le témoignage de Eli Manel Diop qui, dit-il, ''était au chômage et qui soudainement, en échange de son témoignage contre ma personne, trouve un emploi au Méridien Président en décembre 2012 suite à l’intervention des autorités politiques''.
 
Il s'en prend également à Me Amadou Diop. ''Il prétend que je l’ai embauché, mais il est toujours incapable de produire un quelconque contrat de travail ou bulletin de salaire. Il s’est vu confier l’administration provisoire de la société AN MEDIA avec d’ailleurs Cheikh Tidiane Ndiaye qui est déjà actionnaire'', accuse le responsable libéral. 
 
Dernièrement, l'intervention de Bara Tall dans la procédure a fait sensation. Karim Wade estime que le témoignage à charge du patron de Jean Lefebvre Sénégal n'est dicté que par la vengeance. ''Monsieur Bara Tall est apparu miraculeusement à la fin de la procédure d’instruction comme le Joker de la CREI, alors qu’il n’a jamais été entendu, même à l’enquête préliminaire.
 
Personne n’ignore la haine et l’esprit revanchard qu’il a contre ma famille. Il m’en voudra toute sa vie d’avoir refusé en tant que ministre des Infrastructures de lui signer un marché de gré à gré de 40 milliards de francs CFA qu’il convoitait en 2010'', déclare le fils de l'ex-président. Et c'est pour mieux contester la propriété d'un appartement situé à Paris. ''C’est un montage de Bara Tall, confirmé à l’époque par les autorités françaises qui l’avaient cité d’avoir mis en place une officine pour monter des dossiers contre moi dans les années 2011/2013'', conteste Karim Wade.
 
''Manœuvres, manipulations, chantages et menaces'' 
 
À ce stade de sa déclaration, Karim Wade s'est attaqué aux méthodes des juges de la CREI. Il considère que ''le Parquet spécial a constamment procédé par manœuvres, manipulations, chantages et menaces afin d’obtenir à la suite de pressions des témoignages de personnes dont le caractère ridicule des déclarations contraste avec la gravité des accusations''.
 
Il évoque pêle-mêle : ''les menaces sur les témoins'' ; ''les chantages sur les témoins'' ; les gardes à vue intempestives de témoins dans le but de les fragiliser'' ; ''les menaces sur les employés à (s)on service au cours de l’enquête préliminaire dont le seul tort est de (lui) être restés fidèles'' ; ''l’emprisonnement et la détention arbitraire de personnes ayant refusé de (l)’accuser''. 
 
Accusations plus grave, Karim Wade indique ''les relations entre la dame Coumba Diagne et le Substitut du Procureur spécial Félix Antoine Diome qui, affirme-t-il, échangeaient régulièrement par mails, déjeunaient dans des restaurants hôtels de la place''.
 
Le leader de la Génération du Concret termine son réquisitoire par la ''violation du secret de l’instruction à travers la presse dans le but de manipuler l’opinion publique et de distiller des contre-vérités''. Toutes choses qui, selon lui, portent ''gravement atteinte à (s)es droits et ne sont pas de nature à (lui) garantir un procès juste et équitable''.
 
Précisions sur les 30 comptes de la Principauté de Monaco
 
En effet, Karim Wade continue de penser que les poursuites contre lui ''sont politiques et fantaisistes''. Avec aplomb, il affirme que les justices française, monégasque et du Luxembourg l'ont ''totalement blanchi'' : ''La justice de ces trois (03) pays vous a transmis toutes les preuves de mon innocence et elles sont entre vos mains. Elles ont confirmé mes réponses à la mise en demeure du Procureur spécial dans un document de 3.000 pages que je lui avais transmis avant mon arrestation, il y a un (01) an le 15 mars 2013'', a-t-il lancé aux juges.
 
De ce fait, il conteste donc la propriété des 30 comptes logés à Monaco et expertisés. Karim Wade affirme qu'il n'en possède qu'un seul. Il trouve également ''fantaisiste'' le chiffre de 99 milliards de Francs CFA qu'on lui attribue et qui serait l’addition de versements faits dans ces comptes pendant dix (10) ans, de 2002 à 2013.
 
''Cette addition de sommes versées depuis des années et dépensées dans des comptes différents n’a aucun sens (certaines sommes étant comptabilisées plusieurs fois), les sommes versées n’étant plus dans le patrimoine des titulaires des comptes. Et ne pouvant pas a fortiori être dans mon patrimoine'', réfute-t-il. 
 
L'ex-ministre affirme également qu'il n’y a jamais eu de flux financiers entre son compte et les autres comptes. ''Aucun transfert, dit-il, n’a été noté d’un seul de ces comptes vers le mien et inversement''.
 
D'où ces interrogations : ''comment peut-on concevoir que les propriétaires de sociétés qui reçoivent de l’argent qu’ils versent dans leurs comptes pendant dix (10) ans ne me transfèrent rien ? D’ailleurs la question est de savoir si on s’intéresse à mon patrimoine actuel ou passé, un patrimoine étant d’ailleurs appelé à changer avec le temps ; comment peut-on être propriétaire de sociétés qui valent 800 milliards sans avoir jamais reçu un (01) franc pendant toutes ces années ?''
 
En attendant que la CREI apporte des réponses, lors d'un procès ou en une autre occasion, Karim Wade a convoqué le président Macky Sall dans sa ligne de défense. Sans doute souhaite-t-il l'intervention du chef de l'État dans la procédure ? Toujours est-il qu'il doute que toutes ''ses'' informations aient pu être portées à la connaissance du Président. À son avis, Macky Sall, comme une certaine opinion, est ''victime d’une grande manipulation et d’une campagne d’intoxication''.
 
Gaston COLY

 

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