Publié le 29 Oct 2016 - 13:15
AUTORISATIONS DES MARCHES SOUS MACKY SALL

L’opposition et la société civile rejettent les chiffres d’ADD

 

Pour les partis d’opposition et les organisations de la société civile, les chiffres avancés avant-hier par le ministre de l’Intérieur sur les marches autorisées au Sénégal sous l’ère Macky Sall ne reflètent nullement la réalité.

 

Les statistiques avancées avant-hier par le ministre de l’Intérieur  sur les marches autorisées sont loin de convaincre l’opposition et la société civile. En effet, selon Abdoulaye Daouda Diallo, sur 740 demandes d’autorisation de marches introduites au ministère de l’Intérieur, seul 1,49% a été rejeté.

‘’Manipulations de la part de l’Etat’’

Ces chiffres, selon des partis d’opposition et des organisations de la société civile, ne reflètent nullement la réalité. ‘’Ces statistiques avancées par le ministre de l’Intérieur ne reflètent pas du tout la réalité. Ils sont habitués des faits. A chaque fois qu’on parle de restriction des libertés avec les interdictions intempestives des marches, ils nous sortent des statistiques pour nous dire que ce qui a été autorisé est beaucoup plus important que ce qui a été refusé. C’est une sorte de manipulation que nous ne partageons pas’’, rouspète d’emblée Aboubacry Mbodj. Selon le coordonnateur de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho), ‘’aussi bien les partis politiques de l’opposition que les organisations de la société civile et les mouvements citoyens, ont constaté qu’il y a une fulgurance d’interdiction des manifestations pacifiques pourtant garanties par la constitution’’.

‘’Mélange de genres’’

Le même sentiment anime le porte-parole de Yoonu askan wi (YAW). Selon Madièye Mbodj, Abdoulaye Daouda Diallo fait un mélange de genres. ‘’Je crois que le ministre confond volontairement marche et toute autre forme d’occupation de la voie publique. Il confond volontairement marche et dahira, thiantes (rassemblement religieux) et autres manifestations religieuses’’, persifle-t-il. Même son de cloche dans les rangs du Parti démocratique sénégalais (PDS) où l’on dénonce une restriction des libertés depuis l’avènement de Macky Sall au pouvoir. ‘’Les chiffres donnés par le ministre de l’Intérieur sont des statistiques maquillées.

On n’a aucune preuve. Ce que nous leur demandons, c’est de publier les demandes autorisées avec les noms et prénoms des demandeurs, la date et le motif de la marche. Mais on ne peut pas venir devant la télévision et dire aux Sénégalais que sur 740 demandes de marches, seules 11 ont été rejetées soit 1.49%. Nous tous nous savons qu’il n’y a pas 729 demandes de marche autorisées au Sénégal’’, dément Bassirou Kébé, membre de la Fédération nationale des cadres libéraux (FNCL). Il demande ainsi au gouvernement de  revoir ses chiffres. Ce militant du Parti démocratique sénégalais  est vite appuyé par son frère de parti, Farba Senghor.

Ainsi, selon le chargé de la propagande du PDS, le droit de marche n’a jamais été respecté par le pouvoir de Macky Sall. ‘’Les Sénégalais sont intéressés par les grandes manifestations organisées par le Front de l’opposition et qui se déroulent à Dakar. Toutes les grandes manifestations qui ont été demandées par l’opposition sur la place de l’Obélisque ou entre la place de l’Obélisque et le ministère de l’Intérieur ont été systématiquement interdites par le gouvernement’’, déplore l’ancien ministre de l’Agriculture sous le régime d’Abdoulaye Wade.

‘’L’arrêté Ousmane Ngom pas une référence’’

Si ces différents partis politiques et organisations de la société civile condamnent fermement ce qu’ils considèrent comme une restriction des libertés, ils s’offusquent plus des motifs souvent évoqués pour interdire les manifestations pacifiques. Souvent avec l’Etat, si ce n’est pas l’itinéraire des marches qui est évoqué, c’est l’arrêté Ousmane Ngom qui est brandi. Cet arrêté, selon Aboubacry Mbodj, n’est pas une référence en matière de respect des libertés. ‘’On nous a brandi un arrêté ministériel pour interdire l’itinéraire de la manifestation de l’opposition du 14 octobre dernier. Or un arrêté n’est même pas un décret encore moins une loi. Pour nous, ce n’est pas une référence’’, a-t-il souligné.

Poussant la réflexion  plus loin, Farba Senghor soutient que cet arrêté Ousmane Ngom n’est même plus d’actualité parce que caduc depuis longtemps. ‘’Si jamais j’attaque cet arrêté devant le tribunal, il est clair qu’il va être annulé’’, croit-il savoir.

De manière unanime, ces partis politiques et organisations de la société civile estiment que le Sénégal a vraiment dépassé l’ère des autorisations de marches pacifiques. ‘’Même la demande qu’on adresse au préfet n’est qu’une simple formalité administrative. La constitution est au-dessus de toutes les conventions et les lois internationales’’, note Aboubacry Mbodj de la Raddho.

‘’Critiques faciles de la part de l’opposition’’

Mais pour Abdou Mbow, cet argumentaire est tout à fait erroné. Selon le porte-parole adjoint de l’Alliance pour la République, contrairement à tout ce qui se dit depuis lors, il n’y a aucune restriction des libertés au Sénégal. ‘’Les libertés au Sénégal ont toujours été respectées et elles continueront à être respectées comme l’ont dit le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur’’, soutient-il. A en croire le porte-parole adjoint de l’Apr, ‘’le ministre de l’Intérieur a donné des chiffres exacts’’. Il appartient maintenant à ceux qui contestent cela de donner leurs chiffres.

‘’L’opposition sénégalaise nous a habitués à la critique facile, à l’invective, à la calomnie et à des choses qui n’ont rien à voir avec la réalité. Le gouvernement donne toujours des arguments précis avec des chiffres précis qu’ils ne contestent jamais avec des arguments probants. Dire que ce que dit le ministre de l’Intérieur n’est pas vrai, c’est trop facile’’, fulmine le parlementaire. Il remarque ainsi que les marches qui sont médiatisées en général sont celles de l’opposition. Mais, poursuit-il, ‘’il y a beaucoup de Sénégalais qui organisent des marches de protestation, de soutien ou autres’’.

Quoi qu’il en soit, l’opposition et les organisations de la société civile se disent décidés à porter le combat pour plus de respect des libertés. ‘’Nous menons le combat sur plusieurs fronts non seulement au niveau national, sous régional mais aussi au niveau africain et international’’, déclare Aboubacry Mbodj. ‘’Nous allons continuer la bataille aussi bien sur le plan judiciaire que sur le plan politique. Nous allons continuer à marcher et à imposer la volonté du peuple conformément aux dispositions de la constitution’’, promet pour sa part Farba Senghor.

ASSANE MBAYE

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