Publié le 5 Jun 2015 - 17:46
AVIS D’INEXPERT

La revue de presse, un gros problème

 

‘’La revue de presse : un genre travesti au Sénégal’’. Tel est le thème de la deuxième édition de ‘’Cas d’école’’, dénomination de l’après-midi d’échanges désormais institué par le Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie (Cored) et  prévu pour le 11 juin, à 15 h, à la  Maison de la presse. Il s’en trouvera bien des journalistes et des publics pour s’écrier « EN-FIN !!! » à cette tenue d’un débat (qui devrait être suivi par d’autres) sur « le journal des journaux » (appellation que lui donna, sur Radio-Sénégal, dans les années 80, un éminent maître de la revue de presse, le défunt Gabriel Jacques Gomis succédé par un autre modèle, Martin Faye). Il y a loin entre la référence d’hier et les émules désastreux dont certain facturerait même au prix fort la citation dans la revue de presse des noms de personnes et institutions.

Et plus graves encore sont les révélations d’un recouvreur parcourant les individus cités dans la revue de presse pour percevoir les pourboires au bénéfice d’un « revueur ». Et ce n’est pas tout, puisque ce sieur aurait même ouvert un compte dans les livres d’une banque dakaroise et sur lequel compte serait déposé le fruit des rapines. S’en foutent l’éthique et la déontologie de la profession au nom de laquelle se fait ce racket qui devrait être un délit de presse à ne pas dépénaliser. Le Tribunal des pairs devra enquêter sur ce scandale autour des pratiques de ce présentateur de la revue de presse.

Et le deuxième grief fait à la revue de presse est relatif à son style et au ton sur lesquels elle est présentée sur les radios sénégalaises. Il y a eu Abdoulaye Cissé  (à l’époque en charge de cette rubrique sur Sud Fm) qui innova beaucoup. Mais, il fit des émules qui furent à l’origine des dérapages lesquelles aboutirent à la théâtralisation et, enfin, aux actuels excès et ridicule qui se sont aggravés d’une vénalité dégoûtante. Ne parlons pas de la pertinence discutable du choix des articles cités. Un journaliste (ou journal) à l’humour caustique parodiait la dénomination de ce genre rédactionnel en parlant de « revue de paresse ».

A force de ne monter en épingle que les articles critiques sur le régime Apr, un « revueur » obtient d’être invité à aller assister à la réunion à Paris du Groupe consultatif pour le financement du Plan Sénégal émergent… C’est à se demander si ce « journaliste » avait le profil et le niveau pour comprendre ce qui se discutait en France sur le Sénégal et qui était de la haute économie. Une façon de s’attirer les bonnes grâces d’un présentateur de la revue de presse ; et en croyant l’amener à la confection d’un « menu » pas du tout critique à l’égard du gouvernement.

Ils sont sur toutes les lèvres, les noms des apprentis-sorciers qui ont dévoyé la revue de presse, installé des doutes sur un genre rédactionnel autour duquel l’organe d’autorégulation, le Cored, invite à la réflexion collective et professionnelle.

D’autres sujets sur d’autres dérives professionnelles seront en débat lors d’éditions à venir de « Cas d’école ». En effet, on ne comprend pas (moi, du moins) comment un journaliste peut déclarer au micro de la radio qui l’emploie : ‘’Je suis l’ambassadeur, le représentant de… ‘’ tel annonceur. Comment, dès lors, ce « journaliste » traiterait-il une information sur un conflit, par exemple, entre cet annonceur (dont il est le représentant) et une autre partie ? Son traitement de l’information serait-il équilibré au (ou sans) risque de mécontenter l’annonceur dûment représenté à cette radio ? L’organe de presse au sein duquel l’annonceur dispose d’un ambassadeur pourrait-il, lui aussi, s’autoriser l’honnêteté et l’impartialité requises ? Il faut être d’un fort caractère pour appliquer l’avertissement d’Hubert de Beuve-Méry, directeur-fondateur du prestigieux quotidien français Le Monde : «Acceptez toutes les invitations, mais crachez toujours dans la soupe.»

A qui la faute ? devrons-nous encore nous interroger. Mbaye Sidy Mbaye, ancien journaliste de Radio-Sénégal, professeur d’éthique et de déontologie dans des écoles de journalisme comme le Cesti, m’a répondu, samedi dernier, lors d’une discussion au Cesti,  que « la faute est aux responsables des organes de presse où de telles dérives se produisent ; s’il y a des reproches à faire, c’est non point tant aux auteurs des dérives qu’à leurs patrons qu’il faudrait les faire. Parce que ces derniers peuvent exprimer leur autorité et leur rigueur en agissant fermement contre tout manquement ». Et il a raison, le doyen Mbaye Sidy. Il y a trop de mollesse coupable, pourvu d’ailleurs que le directeur de la radio ou/et son chargé des programmes ait non seulement de l’autorité, mais surtout une capacité à concevoir des programmes (et aussi savoir ce que cela veut dire) et à veiller à une bonne tenue d’antenne. N’attendez pas cela d’un dilettante placé là juste pour la galerie, le copinage et autres promotions aux motivations douteuses.

Jean Meïssa DIOP

 

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