Publié le 5 Aug 2015 - 23:12
AVIS D’INEXPERT

Quand va-t-on punir ?!

 

Prompts à nous indigner des fautes, nous le sommes, nous Sénégalais. Tout aussi prompts sommes-nous à demander clémence si on punit (ou veut le faire) ces mêmes dont la commission nous insupporte. Des étudiants auteurs du sacrilège en république d’avoir jeté des pierres sur le président de la République et son cortège en visite à l’université de Dakar, et voilà que des âmes bien pensantes et des esprits débonnaires commencent à prêcher l’indulgence pour ceux-là sur qui, semble-t-il, pèsent des éventualités de sérieux risques de condamnation à des peines pénales très sévères.

Le prêcheur et uléma Taïb Socé, si tranchant dans ses sermons sans rémission pour les fauteurs aux yeux de Dieu au point qu’un internaute l’a assimilé à un ‘’gardien des clefs de l’enfer’’  (sic), et voilà que des personnes envahissent déjà les forums internet pour plaider aussi le pardon pour cet homme contre qui le parquet général a requis un mandat d’arrêt et cinq ans de prison ferme pour escroquerie et association de malfaiteurs dans une histoire de vente d’or à un homme d’affaires sénégalais établi à Dubaï. Et qui défendra la victime de Taïb Socé qui a été incarcérée pendant trois mois avant d’être blanchie par le tribunal correctionnel ?

Qui, aussi, va défendre la victime de Saliou Niang rentré de Gambie où la justice l’avait condamné à la peine de mort pour le meurtre de sang-froid et au poignard d’Alphonse Khokhane Faye dont la famille s’indigne (à juste raison) que le tueur ait été accueilli dans son village comme un enfant prodige, comme un héros auteur d’un fait extraordinaire. L’enthousiasme et la sympathie créés par la presse autour de la libération de ce meurtrier ; le fait que Niang ait failli être exécuté en Gambie où l’ont déjà été deux Sénégalais, y sont sans doute pour quelque chose. Un triomphalisme qui a piétiné, heurté la peine de la famille de la victime. Et beaucoup comme votre serviteur ignoraient jusque-là que la victime de Niang était un Sénégalais comme son bourreau et pour une banale altercation qui ne saurait justifier un acte  si odieux.

Parce que le président de la République Macky Sall a demandé et obtenu de son homologue de Gambie la grâce d’un meurtrier, reconnu coupable par la justice gambienne et condamné à mort. Et le voilà Niang pardonné sans même une peine intermédiaire qui aurait pu être la commutation de la peine de mort en une perpétuité ou à quelques années de prison.

Ne parlons pas de l’affaire Thione Seck, ce crooner, vedette de la musique sénégalaise, pris la main dans un sac à milliards de faux euros et dollars. On parle de ‘’nàttu Yàllà’’, pour Ballago comme on l’a déjà fait pour d’autres célébrités en rupture de ban ; mais jamais pour les petits voleurs de poule.

On parle de ‘’verdict d’apaisement’’. Qui eût pensé qu’un citoyen ayant porté la main sur un policier eût pu s’en tirer avec une amende de 50 mille francs assortie du sursis ? C’est de cette magnanimité ahurissante qu’a bénéficié le lutteur Ama Baldé qui a donné un coup de poing à un policier et l’a blessé. Le parquet, qui avait demandé 1 mois de prison avec sursis, n’a pas été suivi dans ses réquisitoires au motif que la partie civile a pardonné.  Et c’est à raison qu’après cette décision trop doucereuse que le professeur d’université Mamadou Sy Tounkara, animateur de l’émission Senegaal ca kaw, ca kanam, s’indigna de ce verdict qui n’est pas du genre à redonner le moral et de la fierté à la police. 

‘’Ce verdict n’aurait été possible dans aucun pays au monde, même pas au Sénégal, sauf si la justice est servie à la tête du client, écrit le Pr Tounkara. Tout citoyen ordinaire qui frappe un représentant de la loi dans l’exercice de ses fonctions prend un minimum de six mois fermes. Seulement, Ama Baldé est un ténor de notre sport-fétiche et il a une carrière à gérer qu’une condamnation juste et équitable aurait hypothéquée. Où est le sérieux dans ce verdict ?‘’ Sans doute qu’un quidam des bas-quartiers aurait écopé d’une peine plus sévère.

Débonnaire, connivent et hypocrite est aussi cet appel à la clémence contre des étudiants arrêtés pour avoir commis le sacrilège en république d’avoir jeté des pierres au président de la République et à son cortège lors d’une visite (pèlerinage-inauguration du chef de l’Etat) venu inaugurer de nouveaux pavillons à la cité universitaire et visiter son ancienne chambre d’étudiant. ‘’ Certes, les "caillasseurs" sont en faute, mais même si la justice les condamne, il faut que le  verdict soit d’apaisement’’, a-t-on lu dans le post d’un internaute. Et il en  sera toujours ainsi ; même si cela n’est pas acceptable.

Un chef religieux, ayant avoué avoir commandité l’incendie et le saccage des biens d’un citoyen, est défendu par ses propres ouailles et des hommes politiques qui devraient inspirer honte et mépris. Tout simplement parce que la victime est un adversaire politique.

Il faut se donner le courage, la volonté et le temps de punir à la mesure des fautes. Malheureusement, c’est le fond qui manque le plus dans ce pays où on est prompt à innocenter même celui qui avoue une faute. C’est cela un aspect de la mauvaise foi et du fameux ‘’maslaa’’ qui clouent ce Sénégal à la ligne de départ : du ñu dem ; bugu ñu dem ! Hélas ! C’est la vérité et il est triste de la constater.

Jean Meissa Diop

 

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