Publié le 28 May 2015 - 17:58
AVIS D’INEXPERT

Victime d’une "presse de délation" ?

 

Les allusions sont si claires que l’identité du personnage ne fait point de doute ; et le garçon ainsi décrit aurait été surpris en pleins ébats homosexuels dans un hôtel de Saint-Louis où il était parti couvrir le festival Saint-Louis Jazz. Nous ne sommes pas loin de  ce que Francis Balle, ce grand théoricien français de la communication, ancien membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel français (Csa) et d’autres sociologues des médias, désignent par « effet de cadrage ».

Par ce procédé, on multiplie les allusions de manière à ce qu’on ne pense plus à personne d’autre qu’à celui qu’on croit. Et s’étant reconnu dans cette description, dans ce « cadrage » pour ainsi dire, l’animateur de variétés de la chaîne de télévision Tfm, Pape Cheikh Diallo, a décidé de porter plainte contre le site internet Xibaaru pour des informations qu’il considère sans doute comme une atteinte à son honneur. Dans le communiqué, M. Diallo déclare que « les indices décrits par la journaliste et repris par beaucoup de sites laissent penser de façon indubitable qu’il s’agit de ma personne qui est visée. De tels faits à moi imputés, sont d’autant plus mensongers que l’auteur de ce canular a porté atteinte à mon honneur et à ma considération. »

Nous voilà en face d’un phénomène que d’aucuns considèrent comme étant la spécialité d’une « presse de délation », inscrivant ses pratiques et ligne éditoriale dans la propension à guetter tout de la vie privée des célébrités de la politique, de la jet-set... Si le journaliste français Jean-Claude Guillebaud soutient que le reporter a une « délégation de curiosité » (être curieux pour le compte de son public), ce n’est certainement pas de ce côté « trash » qu’il invite nos regards à se diriger. Le reporter a d’autres objectifs que la délation. Surtout que lesdits ébats auraient eu lieu dans une chambre d’hôtel ; et c’est le caméraman accompagnant l’animateur qui en aurait été témoin, d’après le site.

Devra-t-on alors considérer le caméraman comme celui qui a vendu la mèche contre Diallo ? En tous les cas, et s’il est avéré qu’il a surpris la partie scabreuse, il peut avoir été la source du journal en-ligne qui a fait de cette affaire ses choux gras. Avec les conséquences que l’on sait et la suite que la victime promet de donner à ces révélations dont est si friande une société pudibonde, prompte à vouer aux gémonies l’homosexuel voire à la lapidation … A ce sujet, on sait de quoi certains Sénégalais sont capables et jusqu’où ils peuvent aller dans la brutalité. L’opprobre, les avanies, la stigmatisation, l’exil forcé ou volontaire n’ont pas été épargnés à des personnes dont l’orientation sexuelle est jugée contraire à la doxa sociale.

Délégation de curiosité, mais pas délation ; le journaliste devra aimer la vertu et éviter le vice qui conduit au lynchage contre le député Moustapha Cissé Lô dont une conversation privée (assez rugueuse certes) fut « postée » sur un portail internet et qui lui valut une ratonnade  en règle dans laquelle il a perdu de précieux biens comme des véhicules, une boulangerie, une maison… Et voilà ce qui survient quand un média se fait délateur. Une source n’est pas toujours neutre  à 100 pour cent, soutiennent des enseignants en journalisme ; pas toujours neutre parce qu’en donnant une information, cette source vise un objectif, une réaction (positive ou négative) à cette information. La personne qui aurait révélé les ébats homosexuels au média qu’est Xibaaru a bien atteint son objectif, du moment que l’affaire est sur les réseaux sociaux comme Facebook et d’autres sites internet.

Y a-t-il encore quelque pertinence à demander à l’ancien international du foot sénégalais, El Hadj Diouf, s’il voudrait être, de nouveau, sélectionné pour jouer en équipe nationale ? Il est vrai que l’ego du Diouffy n’est jamais pris en défaut toutes les fois qu’une telle perspective est évoquée devant lui ; il croit avec une surestimation déplacée qu’il a toujours du talent à revendre à son âge (38 ans et d’aucuns soutiennent qu’il est plus que quadragénaire) considéré comme avancé pour un footballeur international. Il y a des questions qui n’en sont plus parce que pas pertinentes. Alors pas encore président de la République de France, Nicolas Sarkozy rembarra un journaliste en lui disant : « Vous n’avez pas besoin de prendre un air naïf pour poser une question qui n’en est pas une. » De même, il ne faut pas croire être original en demandant à un footballeur vieillissant pour sa discipline s’il est encore prêt à jouer en équipe nationale.

Jean Meïssa DIOP

En guise de « Post-scriptum », nous publions une réaction du professeur Serigne Maguèye Guèye, urologue, à notre « Avis d’inexpert » de la semaine dernière sur les médecins suspectés de communiquer des informations sur leurs malades.

PRÉCISION DU PR SERIGNE MAGUÈYE GUÈYE

“L'exploitation du contenu d’undossier médical par les avocatsn'engage pas du tout le médecin”

« J'ai lu votre éditorial sur le site seneplus.com. Je partage largement vos propos, mais souhaiterais mettre un bémol. En effet, certaines de vos affirmations sont équivoques. Permettez-moi de préciser que le médecin traitant ou désigné expert agissant dans un dossier médico-légal adresse un certificat médical au patient (parfois) via son avocat ou son rapport directement au procureur si commis à cet effet. En retour, le procureur transmet copie de ce rapport d'expertise au président du Conseil de l'Ordre des médecins qui a proposé le médecin expert et aux avocats du prévenu. L'exploitation du contenu de ces documents par les avocats n'engage pas du tout le médecin.

A vous lire, on croirait a une malsaine connivence entre médecins et avocats. Ayant été personnellement commis expert dans un des dossiers dont vous citez quelques détails (contribuant, vous aussi, à la violation du secret médical), je me permets d'apporter ces précisions ; ayant été autant que vous indigné par le traitement fait dans la presse de documents médico-légaux frappés du sceau de la confidentialité. Mon nom ainsi que celui d'un jeune collègue ont été cités allègrement dans la presse comme étant les experts dans ce dossier. Donc rien de secret. Aussi, à vous lire, l'on pourrait croire que nous faisons partie de cette association de malfaiteurs (médecins - avocats)

En matière de secret médical, nous avons appris qu’il faut SE TAIRE, TOUJOURS SE TAIRE, SE TAIRE QUAND MÊME. Rien ne pourra nous en délier.

Je fais copie de ce message au Vice-président et Secrétaire général du Conseil de l'Ordre des Médecins, le Dr Joseph Mendy.

Bien cordialement

Dr S. M. GUEYE

 

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